Abrégé des preuves données devant un comité de la Chambre des Communes…

Pag. VII

Avant Propos.

Cinq des principales puissances de l’Europe, l’Autriche, la Russie, la Grande Bretagne, la France et la Prusse, ont pris, à l’occasion de la signature du traité de paix de Paris, l’engagement solennel devant l’Europe, d’unir leurs efforts au congrès prochain, pour déterminer tous les états de la chrétienté à prononcer l’abolition de la traite des nègres.

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Préface:

En conséquence des nombreuses pétitions présentées en 1788 au parlement par plusieurs comtés et villes de la Grande-Bretagne, en faveur de l’abolition de la traite des nègres, la Chambre des communes résolut une enquête et l’audition des personnes versées dans cette matière.

Les marchands d’esclaves produisirent divers témoins en faveur de la continuation de la traite; et les planteurs, en faveur de l’esclavage dans les colonies. Ces personnes furent entendues et examinées pendant les années 1789 et 1790.

D’autres personnes, appelées ensuite par les pétitionnaires de la Grande-Bretagne, furent invitées à fournir les preuves sur lesquelles reposoient leurs pétitions, et à infirmer divers points des témoignages rendus par la partie adverse. Cet examen eut lieu en 1790 et 1791.

Le présent Abrégé est fait d’après les preuves fournies par les pétitionnaires, sans autre changement que celui de mettre dans le même chapitre les choses relatives au même point, qui se trouvoient disséminées dans l’ensemble des témoignages. Ce changement n’a eu d’autre but que de présenter au lecteur, d’une manière claire et distincte, chaque partie de cette importante question.

Les personnes qui ont témoigné pour l’Afrique et le voyage aux colonies, en faveur des pétitionnaires de la Grande-Bretagne, ont voyagé dans presque toutes les principales contrées de l’Afrique, depuis la rivière du Senegal jusqu’à Angola. Plusieurs d’entre elles ont eu de fréquentes occasions de s’instruire, ayant été établies sur le rivage, et fait elles-mêmes divers voyages. Il se trouve parmi ces témoins, ainsi que parmi ceux qui n’ont eu l’occasion que d’un seul voyage, des gens respectables par leur éducation et leurs lumières, et qui ont voyagé fort à leur aise. Il faut même observer que l’ensemble des témoignages sur les mêmes objets comprend l’espace écoulé entre 1754 et 1789. Lés témoignages relatifs aux Iles et au continent sont également nombreux et respectables. Ils émanent de personnes qui ont eu l’avantage d’y résider pendant plusieurs années, et l’information qu’ils ont fournie, porte sur les mêmes objets à différentes époques, de 1753 à 1790. Ce sont des personnes absolument désintéressées et tellement indépendantes, que la vérité seule a pu les faire parler. L’éditeur se croit obligé de reconnoître que quelques-unes ne se sont présentées comme témoins, que par un sentiment de devoir, contre leur propre intérêt, en dépit des menaces, et avec la perspective de payer cher leur sincérité.

D’un autre côté, parmi les témoins amenés par les marchands d’esclaves et par les planteurs, il en est bien peu qui ne soient fortement intéressés dans leurs relations, et dans le résultat de l’enquête. Quant à la partie de la question qui concerne l’Afrique, tous, excepté deux, sont engagés dans la traite des nègres; quant à ce qui regarde les Iles, on ne peut justement en excepter que MM. Les amiraux, dont les dépositions ne sont même que des assertions générales, qui ne spécifient aucuns faits? Ces assertions sont cependant en faveur des planteurs et tendent à prouver le bien-être et le bonheur de leurs esclaves.

Nous n’avons aucune raison suspecte de soupçonner des personnes d’un état aussi distingué, de l’intention d’induire le public en erreur sur une question aussi essentiellement intéressante à l’humanité; mais nous pouvons admettre avec certitude que leur état même ne leur donnoit que peu ou point d’occasions d’observer le traitement des nègres. Lorsque les amiraux débarqueoient, ils ne résidoient guère que dans les villes. Or, tous les témoins, en faveur des pétitionnaires de l’Angleterre, affirment unanimement que les esclaves sont moins mal traités dans les villes que dans les campagnes. Ainsi, quoique MM. Les amiraux aient été, jusqu’à un certain point exacts dans leurs dépositions, ils auroient dû observer que leur témoignage n’avoit rapport qu’à une partie, et non à la masse, des esclaves, et que les occasions qu’ils ont eu de s’instruire sur ce sujet, étoient rares et partielles.

Pendant leur séjour à la campagne, leur situation même les privoit des moyens de s’instruire, aussi exactement que les autres témoins. Mr. H. Ross, examiné parmi beaucoup d’autres, prétend qu’il ne peut rien conclure des dépositions faites par les personnes qui ont eu des commandemens éminens aux Iles, et il ne croit pas même que pendant les visites qu’ils ont faites hors des villes dans les possessions des divers planteurs, ils aient pu obtenir des connoissances exactes sur le traitement des nègres. Mr. Ross a souvent accompagné MM. Les gouverneurs et amiraux dans leurs excursions. Il est vraisemblable que les plantations qu’ils visitoient, appartenant à des personnes de distinction, étoient les mieux administrées; qu’on aura eu le plus grand soin d’éloigner tous les objets pénibles à voir, et qu’on se sera bien gardé de blesser la sensibilité de personnes aussi distinguées, par le spectacle du fouet et d’autres châtimens.

Ces observations prouvent suffisamment que le rang et l’état des amiraux ne leur donnoient pas la même facilité qu’aux autres personnes, de voir les choses telles qu’elles sont, ou, en d’autres termes, que leurs moyens d’information étoient fort inférieurs à ceux des autres témoins. On pourroit citer plusieurs autres circonstances à l’appui de cette assertion.

Avant de terminer cette préface, il est nécessaire de prévenir une question qu’on ne manquera pas de faire à l’éditeur. Pourquoi, dira-t-on, n’a-t-il pas rapporté que les témoignages en faveur des pétitionnaires, et omis ceux qui ont été fournis par la partie adverse? L’éditeur répond, que c’est l’affaire des marchands d’esclaves et des planteurs, s’ils croient leur cause soutenable par les témoignages qu’ils ont fourni; mais il croit plutôt tout cela fort inutile, car, admettant le témoignage fourni en faveur des marchands d’esclaves et des planteurs, savoir: qu’on n’a jamais vu nulle part le moindre exemple de cruauté, soit en Afrique, soit pendant le voyage, soit aux Iles, ce qu’aucun d’eux ne prétendra affirmer; ce témoignage négatif ne prouve rien contre les faits positifs et innombrables allégués dans cet abrégé, comme ayant eu lieu sous les yeux mêmes des témoins, entendus sur l’autre côté de la question. Ces faits positifs et spécifiés conservent donc une authenticité incontestable, et ne fussent-ils vrais qu’en partie, ils plaideroient suffisamment en faveur de l’abolitionisme de la traite des nègres.

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Mr. Dalrymple a vérifié que les grands convois (appelés Cassellas ou Caravanes) d’esclaves amenés de l’intérieur des terres par Galam, au Sénégal et à Gambie, étoient des prisonniers de guerre; lesquelles, vendus aux vaisseaux stationnés à Gorée et dans les environs, avoient été saisis par divers moyens, tels que le grand et le petit pillage, le vol même des individus, et en conséquence de divers crimes qu’ils avoient commis. Le grand pillage s’exécute par les soldats du roi du pays, au nombre, plus ou moins fort, de trois cents jusqu’à trois mille, qui attaquent un village, y mettent le feu, et en saisissent les habitans. Le petit pillage se fait ordinairement par des partisans moins nombreux, aux à-guets autour des villages, qui s’emparent de tout ce qu’ils peuvent. Cet usage est aussi pratiqué par des voleurs particuliers, qui ne sont pas des soldats du roi. Ces voleurs vendent leur proie sur la côte, où ils savent fort bien qu’on ne les questionnera pas sur la manière dont ils s’en sont emparés.

Pag. 44-46

Les habitans de Calabar lui ont dit aussi, qu’ils faisoient des esclaves dans ce qu’ils appeloient la guerre, ce qui signifie mettre le désordre dans les villages et y prendre des hommes comme on peut. Un homme, à bord du vaisseau sur lequel se trouvoit Mr. Morley, lui montra de quelle manière il avoit été pris pendant la nuit par surprise, et dit que sa femme et ses enfans le furent avec lui, mais ils n’étoient pas dans le vaisseau. Mr. Morley avoit raison de croire, d’après le rapport de cet homme, que presque tout le village avoit été pris, c’est-à-dire, tous ceux qui n’avoient pas pu se sauver.

Le capitaine Hall dit, que lorsqu’un vaisseau arrive au Vieux-Calabar, ou à la rivière Del Rey, les marchands s’avancent dans l’intérieur pour faire des esclaves. Ils se mettent dans leurs canots de guerre, et prennent avec soi quelques marchandises, qu’ils tirent auparavant des vaisseaux.

Il a vu une flottille de trois jusqu’à dix canots, chargés de quarante à soixante rameurs, de vingt jusqu’à trente marchands et autres gens armés de mousquets, environ un par homme, et d’une pièce d’artillerie de trois ou de quatre, fixée sur l’avant du canot. Leur expédition dure de dix jours à trois semaines; après quoi ils reviennent avec un grand nombre d’esclaves garrottés ou enchaînés tous ensemble.

Le capitaine Hall a souvent demandé comment on se procuroit des esclaves de l’intérieur du pays. Les marchands lui ont répondu qu’on les prend à la guerre, et qu’ils sont vendus par ceux qui les prennent.

Mr. I. Parker dit qu’il a laissé le vaisseau auquel il appartient, au Vieux-Calabar, où, ayant été reçu avec bonté par le fils du roi, il resta cinq mois avec lui sur le continent. Pendant ce temps-là ce prince l’engagea à l’accompagner à la guerre (1). Ayant par conséquent équipé les canots, ils remontèrent la rivière de Calabar. Pendant le jour ils se cachoient dans les buissons, lorsqu’ils approchoient d’un village, mais dans la nuit, ils tomboient sur ce village et s’emparoient de tous ceux qu’ils apercevoient. Ils lioient les mains à leurs prisonniers, les amenoient aux canots, et remontoient la rivière, jusqu’à ce qu’ils en eussent environ quarante-cinq, avec lesquels ils repartoient pour New-Town, où ils s’arrangeoient avec les capitaines des vaisseaux qui s’y trouvoient et se partageoient les esclaves.

(1) Le lecteur voudra bien se rappeler que le mot guerre, tel qu’il est adopté dans la langue africaine, signifie en général vol, ou une expédition de maraude, dans le but de se procurer des esclaves. Deux fameux marchands noirs ont expliqué ce terme à deux des témoins (Trotter, p. 37, Falconbridge, p. 41.) et il paroît prouvé par les rapports de Wadstrom, Town, Bowman, Storey, Morley et Parker, que les africains appellent guerre la capture des hommes.

Environ quinze jours après cette expédition, ils en firent une seconde, qui dura huit ou neuf jours, pendant lesquels ils pillèrent d’autres villages vers le haut de la rivière. Ils firent à peu près autant d’esclaves qu’auparavant, les conduisirent à New-Town, donnèrent les mêmes avis aux capitaines et partagèrent leur butin parmi les différens vaisseaux.

Ils enlevèrent à leurs foyers hommes, femmes et enfans, et excepté ceux que leurs mères portoient à la mamelle, on ne se donna aucune peine pour que les enfans ne fussent pas séparés de leurs parens, lorsqu’on les vendoit. Si c’étoit à des marchands anglois, ils s’en plaignoient à eux et disoient en pleurant qu’on les avoit enlevés par force.

Le roi du Vieux-Calabar n’étoit certainement pas en guerre avec les habitans du haut de la rivière qui ne l’avoient point attaqué. Les esclaves étoient alors très rares dans l’intérieur du pays, et on en avoit besoin, lorsque le roi entreprit ces expéditions.

Pag. 73-74

Les indigènes de l’Afrique, après avoir été faits esclaves de la manière décrite dans les chapitres précédens, sont amenés pour être vendus aux vaisseaux européens.

Lorsqu’on les conduit à bord, dit le docteur Trotter, ils font des signes qui indiquent la détresse et le désespoir, le sentiment de leur situation, et le regret d’être arrachés à leurs parens et amis; plusieurs conservent long-temps ces impressions. Il allégue en preuve de ce fait, que les esclaves à bord de son vaisseau, faisant souvent pendant la nuit des hurlemens qui indiquoient le plus vif chagrin et la plus grande angoisse, il ordonna, à plusieurs reprises, à la femme qui lui servoit d’interprête, d’en demander la cause. Elle la découvrit dans un rêve qu’avoient fait ces malheureux, qui s’étoient cru dans leur propre pays, et se trouvoient, à leur reveil, à fond de cale d’un vaisseau négrier. Cette sensibilité étoit encore plus vive parmi les femmes, dont il trouva plusieurs en pareilles occasions, atteintes d’accès histériques.

Pag. 84-85

Passons maintenant aux divers incidens du voyage. – Mr. Falconbridge dit qu’il y a dans chaque vaisseau un endroit pour les esclaves malades, mais qu’on n’a point pourvu à ce qu’ils y soient commodément, et qu’ils couchent sur des planches. Il a souvent vu les parties saillantes des omoplates et des genoux écorchées jusqu’à l’os.

Il dit qu’on ne peut concevoir un état plus dégoûtant que celui des esclaves atteints de cours de ventre. Le point de l’Alexandre étoit couvert de sang et de glaires, et ressembloit à une tuerie. La puanteur et la putridité de l’air y étoient insoutenables.

Les esclaves, enchaînés ensemble, se querellent fort souvent. Il y a dans chaque appartement trois ou quatre cuves pour les besoins des malades; cependant ceux qui en sont éloignés trouvent beaucoup de difficulté à passer par dessus leurs compagnons, pour arriver à ces cuves. Quelquefois lorsqu’un d’eux veut s’y rendre, son camarade refuse d’aller avec lui; et pendant qu’il se dispute avec ses voisins, il est forcé de céder à l’urgence du besoin. Tout cela cause le plus grand désordre.

Il a vu plusieurs esclaves refuser toute nourriture, afin de mourir de faim. Dans tous les vaisseaux sur lesquels il s’est trouvé, il a vu employer des moyens de violence pour les faire manger. Il a vu plusieurs malades refuser les médecines, dans l’espoir de mourir. Une femme, à bord de l’Alexandre, abattue à l’excès, dès le premier moment, refusa alimens et médecines; et lorsqu’on lui demanda, par un interprête, de quoi elle avoit besoin, elle répondit: «de mourir,» et mourut, en effet. Plusieurs autres esclaves exprimoient le même désir.

Pag. 93

Outre les exemples d’esclaves qui refusoient de manger, pour mettre fin à leur existence, et qui y réussissoient, Mr. Town confirme que plusieurs tomboient en démence, et lui, M.M. Millar, Ellison et Hall, que d’autres sautoient, ou essayoient de sauter, à la mer.

Pag. 121

Les rapports, donnés par les différens témoins sur la mortalité des marins, à bord de leurs vaisseaux respectifs, prouvent incontestablement, que la traite des nègres est le tombeau de notre marine.

Pag. 135-136

Mr. Douglas a vu aux colonies trois funérailles d’esclaves de la côte de Guinée. Dans cérémonies, dit-il, ils chantent et sont joyeux, et en nommant le défunt, ils disent «qu’il est parti pour la Guinée.»

De grandes réjouissances, dit Cook, ont lieu aux funérailles des nègres africains, dans la croyance que les défunts retournent dans leurs propre pays.

Des nègres d’Afrique, dit Forster, manifestoient une joie extravagante aux funérailles de leurs amis, croyant que les défuns repartoient pour leur pays.

Le capitaine Wilson confirme les faits ci-dessus, en disant qu’il n’a jamais vu de signes de bonheur parmi les esclaves des colonies, excepté à leurs funérailles, où ils manifestent une joie excessive, dans la persuasion que le défunt a échappé de l’esclavage pour retourner dans son pays natal. Le capitaine Wilson ne s’en tient pas là, et affirme qu’en Afrique leurs funérailles sont accompagnées des cris les plus lugubres.

Pag. 140-141

Ayant actuellement fait mention de ces plantations, dans lesquelles il paroît que le nombre des esclaves a augmenté par les naissances, il convient de citer les autres faits allégués par les déposans, qui démontrent clairement qu’il ne faut en général qu’un bon traitement, pour rendre la traite des nègres tout-à-fait inutile.

1º. A la Barbade, les esclaves employés aux ouvrages des champs paroissent mieux traités qu’ailleurs. C’est pourquoi nous apprenons de Mr. Woodward que pendant les années 1782 et 1783, qu’il y a residé, il n’a jamais entendu qu’on s’y plaignît de disette de nègres, pour faire valoir la plantation ou pour tel autre ouvrage. Et néanmoins il ne se rappelle pas qu’on y ait vendu une seule cargaison d’esclaves pendant tout son séjour.

2º. Les esclaves cultivateurs du coton, du piment, et du café, sont, suivant Mr. Cook, mieux traités et multiplient par les naissances plus promptement que ceux qui sont employés aux plantations de sucre.

3º. Les domestiques passent en général pour mieux traités que les esclaves de campagne, et ceux-ci s’accroissent, dit-on. Il y a, suivant Jeffreys, beaucoup plus d’enfans parmi les domestiques que parmi les esclaves de campagne.

Pag. 174-175

Mr. Rees a entendu dire que les planteurs ne trouvoient pas leur compte à élever un plus grand nombre d’esclaves qu’ils le faisoient. Le docteur Jackson prétend que le systême d’acheter est en général préféré. Le capitaine Hall dit que les planteurs trouvoient plus pénible d’élever un enfant jusqu’à l’âge mûr, que d’acheter un esclave propre au travail, et MM. Fitzmaurice, Duncan et Davison assurent que cette opinion prévaut. Pour fournir une preuve ultérieure de l’existence d’une pareille opinion, nous pouvons nous référer aux calculs faits dans ces occasions. Si un nègre duroit sept ans, Fitzmaurice et Ballie disent qu’on comptoit sa mort pour rien. Le capitaine Giles a aussi entendu fixer le terme de sept ans pour l’existence d’une compagnie de nègres, qu’il vit aux colonies, et nous voyons, d’après le rapport du capitaine Scott, qu’un homme nommé Yemma réduisoit son calcul à quatre ans, traitoit ses esclaves de la manière la plus cruelle, disant qu’il lui suffisoit qu’un nègre travaillât quatre ans; que pendant ce temps-là il en tiroit assez de profit, et s’embarrassoit fort peu de ce qu’un tel esclave devenoit ensuite.

Pag. 180

Voilà quelques-unes des circonstances, par lesquelles on avoit l’intention de montrer, que le contraire de la notion, ou de l’opinion reçue, est vrai, c’est-à-dire, qu’il est moins coûteux d’élever que d’importer. Les autres raisons sont que partout où, d’après les dépositions, les domaines sont représentés dans un état florissant, et les propriétaires comme exempts de dettes, c’est lorsqu’ils ont adopté le principe d’élever des esclaves, et de les traiter avec soin et humanité (a), On peut aussi ajouter, d’après les dépositions, que l’éducation des esclaves étoit considérée comme si profitable dans quelques parties de l’Amérique, que plusieurs personnes en tenoient dans ce seul but-là, indépendamment de toute perspective de gagner par le fruit de leur travail.

(a) Plusieurs autres avantages paroissent, d’après les dépositions, résulter du systême d’élever les esclaves et de les bien traiter. Le suicide et la révolte sont fréquens parmi les esclaves importés. C’est pourquoi la paix de l’ame et l’intérêt du propriétaire son essentiellement impliqués, et il paroît prouvé que les esclaves élevés aux colonies font beaucoup plus d’ouvrage que d’autres dans le même temps.

Pag. 185-186

Ayant maintenant rapporté les principaux faits contenus dans les dépositions faites devant le parlement par les pétitionnaires de la Grande-Bretagne, en faveur de l’abolition de la traite des nègres, nous ne saurions terminer mieux cette compilation, que par les propres paroles de Mr. Hercule Ross, qui dit, «qu’apres de nombreuses réflections, il n’hésite pas d’affirmer que la traite des nègres devroit être abolie, non-seulement comme contraire à la saine politique, mais comme attentatoire aux lois de Dieu et de la nature; et s’il étoit possible, par la présente enquête, de donner une juste idée de la misère excessive dont il est cause, tous les gouvernemens de l’Europe devroient s’unir pour abolir un trafic aussi inhumain. Ce sentiment n’est point nouveau, ni l’effet d’une première impression, produite par cette discussion, qui n’a eu aucune influence quelconque sur son jugement. Il y a dix sept ans qu’il émit publiquement la même opinion, à Kingston à la Jamaïque, dans une société composée des principaux personnages de cette ville, appelés alors à discuter la question suivante, (proposée, autant qu’il s’en souvient, par Mr. Thomas Hibbert, qui avoit été pendant quarante ou cinquante ans le plus éminent facteur de la côte de Guinée, à Kingston, savoir: si le commerce d’esclaves africains étoit compatible avec les principes d’une saine politique, avec les lois de la nature et de la morale? – Cette discussion, l’objet de plusieurs séances, fut terminée par une décision à la majorité: que le commerce d’esclaves avec l’Afrique étoit contraire à la saine politique, aux lois de la nature et à la morale.»

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