Praelectiones theologicae majores in seminario Sancti Sulpitii habitae…

1º De la traite considérée en elle même. Au premier abord, il paraît assez révoltant que l’homme, image de Dieu, soit exposé en vente à l’instar d’une marchandise, cependant la chose examinée avec maturité ne présente par elle-même rien, d’absolument illicite. Car l’esclavage une fois admis, toute la question revient à ceci: peut-on vendre et acheter les esclaves? Or, on voit là peu de difficultés. Dans le Pentateuque (Exode XXI). Dieu prescrit les règles à suivre dans cette opération qui est point présentée comme quelque chose de blâmable.

   2º De la traite considérée dans les circonstances qui l’accompagnent. On peut établir cette question deux choses qui semblent d’abord contradictoires et qui pourtant s’accordent entre elles.

 Premièrement. En égard à l’état des pays où les nègres sont achetés, la traite leur est souvent utile à eux-mêmes, car ces nègres sont souvent exposés à la mort par le droit commun du père sur les enfants, du prince sur ces sujets, du vainqueur sur le vaincu. Or, par l’espoir du gain on subsiste de les faire nourrir. Secondement. Sans la traite, s’il faut en croire les voyageurs, la population noire serait trop grande, tant à cause de l’extrême fécondité des femmes, que parce que les hommes ne restent presque jamais célibataires. Troisièmement, enfin, la plupart de ces nègres sont apportés en Amérique où, à la faveur des lois, ils vivent assez heureux. De sorte que de Bonald pense qu’ils sont beaucoup moins malheureux que plusieurs de nos paysans ou de nos marchands. Ils supportent, il est vrai, de durs travaux de corps, mais cela est nécessaire à leur caractère, portés qu’ils sont naturellement à la volupté et a la paresse.

   «Donc, tant que les moeurs et le droit commun de ces nations ne changeront pas, ce commerce sera plus utile que nuisible considéré par rapport aux nègres. D’où il suit, comme le fait observer de Bonald, «que ces prétendus amis de l’humanité qui se sont élevés avec tant de véhémence contre la traite et se sont efforcés de porter les nègres à la révolte, auraient été bien plus utiles à ces malheureux, s’ils se fussent appliqués à les éclairer de la lumière de la vraie religion. Si au lieu à la tribune de Paris des maximes philanthropiques, ils eussent fait des missions au Congo et à la côte d’Angola, ils eussent pu réussir à changer les idées des noirs, et très certainement ceux-ci et les blancs vivraient en paix dans nos colonies. On n’y aurait pas incendié les villes ni égorgé les habitans, et nous aurions quelques blancs de plus à Saint-Domingue et quelques noirs de moins à Paris.

   Souvent, cependant, il se rencontre, dans ce commerce, diverses circonstances qui le souillent et en bannissent les sentimens d’humanité.

   Premièrement. De la part des vendeurs.

   «Bien de fois, ils vendent des captifs faits dans une guerre injuste, qu’ils n’ont même entreprise que pour avoir des prisonniers dont la vente aux Européens leur procure de grands avantages, ce qui fait dire à Bergier: «Avant que la traite est lieu, les guerres étaient plus rares». Les Conférences d’Angers assurent le contraire, p. 396. Mais, dit Molina, il est certain que lorsque les navires portugais abordent dans leur pays, ces barbares sont plus excités à enlever des hommes, pour avoir des captifs qu’ils puissent échanger contre des marchandises. Souvent aussi, les vendeurs se procurent des esclaves par violence et par fraude; souvent ils font avorter les femmes parce que les marchands n’achetant point celles qui sont enceintes.

   Secondement. De la part des acheteurs.

   «Pour ce qui concerne le corps, les noirs sont traités avec la plus grande inhumanité, surtout dans la traversée, ils sont entassés dans l’entrepont comme des animaux, presque nus et sans nourriture; de sorte que les maladies et les contagions qu’engendre cet entassement et la corruption de l’air en font périr un grand nombre. Plusieurs se laissent mourir de faim. Quant à l’âme, parmi les acheteurs, les uns ne s’occupent nullement de leur salut; d’autres empêchent de les baptiser, dans la crainte qu’ils ne recouvrent la liberté avec le baptême; d’autres encore forcent à les baptiser, sans qu’ils aient été nullement préparés à recevoir ce sacrement. Voyez Vie du père Claver, par le père Fleuriau. l. II, où on trouve beaucoup de choses sur cette matière. Molina aussi raconte beaucoup d’abominations. D XXXV, nº 18.

   D’où il conclut qu’il n’est pas étonnant que Dieu ne favorise pas ce commerce, et que personne, ou presque personne, ne s’y enrichisse, comme il atteste l’avoir entendu dire par les marchands eux-mêmes; de là aussi plusieurs auteurs plus récent disent que, bien que ce commerce puisse absolument être licite en lui-même, dans le fait cependant, il est généralement illicite.»

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