Chambre des Députés, Rapport fait au nom de la commission …

MESSIEURS

Le sieur Morenas, ex-membre de la commission d’exploration, attachée au Sénégal, dénonce à la Chambre diverses contraventions aux lois prohibitives de la traite des noirs.

Le sieur Morenas a quitté le Sénégal en 1819 ; il est arrivé à Paris le 5 Novembre.

M. le Ministre de la marine lui écrivit le 16 pour lui demander des renseignemens sur l’exécution des lois relatives à la traite des noirs.

Les renseignemens demandés furent adressés au ministère le 16 décembre.

Accusé de réception le 18 ; la même lettre annonce que le Ministre va se faire rendre compte des faits.

Le 20 du même mois, nouvelle lettre du Ministre au sieur Morenas, pour le prier de compléter les notes, en remplissant quelques intervalles laissés en blanc.

Les renseignemens donnés à M. le Ministre de la marine comprennent les faits énoncés dans la pétition, aux paragraphes XIII et suivans. Les faits énoncés du paragraphe II au paragraphe XIII, à l’exception du fait relatif à la saisie du navire le Postillon, n’y sont point compris.

Le pétitionnaire vous annonce qu’il vient implorer votre assistance, après avoir porté de vaines plaintes aux autorités compétentes : cette première phrase de la pétition est donc inexacte.

Les renseignemens donnés au ministère, ont été dès lors et presque textuellement insérés dans le New-Times du 31 mars.

Ce n’est point, sans doute, au sieur Morenas qu’on peut attribuer cette insertion ; au surplus, la plupart des faits que la pétition renferme sont tirés de journaux anglais ; la Minerve et l’Indépendant les ont retracés ; ces faits avaient provoqué, dès long-temps, l’attention et les recherches du département de la marine.

Les bénéfices de la traite excitent la cupidité ; la répression de cet odieux trafic éprouve d’autant plus d’obstacles, que les chefs indigènes, les Maures et les armateurs de diverses nations s’en rendent complices. La traite aura cessé au Sénégal long-temps avant que les efforts des divers gouvernemens y aient mis fin en d’autres contrées.

Le Gouvernement français n’a rien négligé sur ce point pour que les lois fussent rigidement accomplies. Le pétitionnaire l’accuse de complicité avec ses agens. La société philantropique de Londres est moins injuste, car on lit dans le treizième rapport de l’institution africaine : «Que, si la traite recommença immédiatement après la restitution du Sénégal, ce fut malgré les prohibitions sévères du Roi de France ;… et que la bonne foi du Gouvernement français ne peut être révoquée en doute.»

Bien avant la pétition du sieur Morenas, le Gouvernement, je l’ai dit déjà, avait pris soin de vérifier la plupart des faits que la pétition renferme ; les uns ont été reconnus faux ; d’autres ont provoqué des condamnations ou des poursuites.

Pour mieux s’assurer de l’état du pays et de la vigilance des autorités locales, M. le Ministre de la marine avait envoyé au Sénégal un commissaire inspecteur, M. le baron de Mackau, officier d’un mérite distingué. Avant d’apprécier les griefs que la pétition retrace, je mettrai sous les yeux de la Chambre un extrait du rapport de M. Mackau.

Ce commissaire a quitté l’Afrique pour revenir en France le 3 Janvier 1820. Il est resté plus de trois mois au Sénégal ; il a fait, en rivière, un voyage de cinq semaines ; il a mis toute son attention à bien juger de chaque chose. Comme il plaçait son honneur à dire la vérité, ou du moins ce qui lui semblait vrai, il a vu les naturels et leurs chefs ; il a passé des journées entières dans leurs villages et dans leurs cases, et il déclare positivement n’avoir trouvé, nulle part, aucune trace des enlèvemens de noirs, non plus que des dévastations et des horreurs décrites (comme ayant eu lieu presqu’immédiatement après le mois de janvier 1817), dans le treizième rapport des directeurs de l’institution africaine, cité dans la cinquante-unième livraison de la Minerve. (Ces faits se retrouvent dans la pétition.) Heureusement, dit M. de Mackau, tous les faits qui figurent dans ce tableau sont controuvés. Des intérêt cachés, mais faciles à concevoir, ont seuls pu dicter de semblables fictions.

Les accusations reproduites sous tant de formes, répétées dans tant d’écrits : «Que la traite des noirs avait été, non seulement tolérée, mais encouragée au Sénégal en 1817 et en 1818 ; que l’autorité en tirait un lucre détestable ; que des captiveries avaient été publiquement établies à Saint-Louis ; que 1,500 esclaves y étaient à la chaîne dans les derniers mois de 1818,» ne sont aux yeux de M. Le baron de Mackau, que d’odieuses calomnies inventées par la passion et accréditées par une fâcheuse imprudence.

Ce n’est pas que depuis la reprise de possession, jusqu’à la réception de la loi du 15 avril 1818, c’est-à-dire, dans un temps où l’administration du Sénégal ne pouvait s’appuyer contre les infracteurs que du principe même de l’abolition, des défenses du Roi et de l’ordonnance de Sa Majesté, du 8 janvier 1817, il n’y ait eu dans les possessions françaises d’Afrique, beaucoup de spéculations de traite.

M. le baron de Mackau, est remonté jusqu’à l’origine de chaque fait. Il lui est démontré que, du 5 février 1817, au 15 juillet 1818, et qu’à Gorée particulièrement, on s’est livré à ce commerce.

Que quelques agens subalternes de l’administration avaient mérité, et ont justifié depuis, les dénonciations qui ont pesé sur eux.

Mais que les premiers dépositaires de l’autorité sont restés aussi complètement étrangers au lucre de cet odieux commerce, qu’adversaires constans de ceux qui s’y livraient.

Que M. le capitaine de frégate Fleuriau, commandant par intérim du Sénégal, n’a cessé de lutter avec une grande fermeté contre la population de Saint-Louis et de Gorée, toutes deux ambitieuses des gains de la traite, et que cet officier développa, dans cette lutte, autant d’énergie que de talent ;

Que la publication de la loi du 15 avril 1818, ayant fortifié l’autorité, les tentatives d’infractions cessèrent à Saint-Louis, qu’elles s’opérèrent avec mystère à Gorée et se portèrent sur-tout dans la rivière de Cazamance et dans les Bissagots, deux points tout-à-fait en dehors des limites des possessions qui nous sont exclusivement propres.

L’autorité persévéra dans sa vigilance devenue nécessairement plus difficile ; elle fit tous les efforts imaginables pour arrêter les infractions : si quelques expéditions eurent lieu, l’autorité les avait ignorées, ou avait fait, pour s’y opposer, tout ce qui dépendait d’elle.

Pendant le cours de 1819, M. le capitaine de frégate Fleuriau continua à tenir la même ligne de surveillance et de sévérité ; elle a été également suivie par M. le colonel Schmaltz qui reprit le commandement le 1er avril 1819.

Dans ce mois-là même, l’armateur du navire le Zéphir qui demandait à s’expédier de Saint-Louis pour les îles du Cap-Vert, et que l’on soupçonna d’un projet de traite, renonça à son voyage, plutôt que de souscrire aux garanties que l’administration crut devoir exiger de lui, pour s’assurer qu’il ne commettrait aucune infraction à l’abolition de ce trafic.

Mais il paraît trop réel qu’un bâtiment supposé français, favorisé par les chefs indigènes et par les habitans de Gorée, a enlevé dans la baie d’Yf cent vingt-cinq noirs. L’instruction a prouvé que ces esclaves étaient venus nuitamment de Saint-Louis, par un long circuit dans l’intérieur, afin d’éviter les postes placés sur les côtes. On présume que ces malheureux auront été transférés à bord, dans la nuit du 16 au 17 avril ; cependant on n’a découvert aucun témoin de l’embarquement, et sur cela, comme sur le nom du bâtiment, l’autorité reste dans le doute le plus complet.

En septembre 1819, une infraction fut tentée, sous le masque d’une expédition pour le bas de la côte ; le projet fut déconcerté par les soins du commandant pour le Roi.

Au mois d’août, la bombarde, la Scholastique de Marseille, chargée de boeufs, moutons, etc… pour la Martinique et expédiée par la douane de Saint-Louis, parvint à jeter sur la côte, pendant la nuit du 11 au 12, une partie de son chargement de bétail, et à recevoir en échange une vingtaine de noirs, après quoi elle disparut. Aussitôt des informations furent prises, des interrogatoires furent subis ; un jugement par contumace interdit le capitaine et prononça la saisie du bâtiment et de la cargaison. Depuis, elle a eu l’audace de reparaître à Saint-Louis ; elle a été condamnée définitivement.

Tel est en substance le rapport de M. de Mackau, au moment où cet officier a quitté le Sénégal (en février 1820) ; on y avait, dit-il, généralement renoncé à la traite : cependant quelques hommes semblaient n’attendre qu’un régime moins sévère, pour renouveler cet infâme trafic, sous couleur de commerce au bas de la côte ; il a fait sentir le besoin d’ajouter à la sévérité des mesures prohibitives. Aussitôt M. le Ministre de la marine s’en est occupé.

Un projet de loi, discuté dans le conseil général du commerce, et soumis en ce moment au conseil des Ministres, a devancé les vues du pétitionnaire sur les améliorations dont la législation est susceptible ; il est inutile de vous retracer cette partie de la pétition.

Le rapport de M. de Mackau détruit les assertions relatives à la dévastation que le Roi d’Amel aurait faite de ses propres villages, pour satisfaire aux demandes des négriers et à l’incendie du village de Diaman par un prince maure, auquel un négrier de Saint-Louis aurait fourni un bateau, des armes, des munitions et ses propres matelots. Ces faits énoncés aux paragraphes Vi et VII de la pétition, sont antérieurs à l’arrivée du sieur Morenas au Sénégal, sont copiés de la quatre-vingt unième livraison de la Minerve, qui les avait elle-même copiés d’une feuille anglaise.

Le rapport montre également la fausseté des imputations relatives aux captiveries de Saint-Louis, à la publicité du trafic et à la scandaleuse complicité dont le pétitionnaire accuse les autorités françaises.

C’est sur-tout contre le colonel Schmaltz, commandant au Sénégal, que les imputations du pétitionnaire se dirigent.

M. le capitaine de frégate, Fleuriau, commandant par intérim, depuis le mois de février 1818, jusqu’au mois de mars 1819, est inculpé lui-même ; cependant on lit ces mots dans la pétition.

Ce premier acte de vigueur (la saisie du navire le Postillon) suspendit les expéditions de noirs pour l’Amérique, les marchands d’hommes remplissaient leurs captiveries et comptaient pour leur débouché sur un meilleur avenir, qu’ils assignaient à l’arrivée du colonel Schmaltz.

Ces mots renferment, de la bouche même du pétitionnaire, la justification de M. Fleuriau.

Les expéditions furent arrêtées ; on attendit un meilleur avenir : de l’aveu même du pétitionnaire, M. le capitaine Fleuriau réussit donc à arrêter la traite, durant l’espace de temps qui s’écoula depuis le mois d’avril 1818, époque de la saisie du Postillon, jusqu’au mois d’avril 1819, époque à laquelle M. le colonel Schmaltz reprit le commandement au Sénégal, et pourtant, dans deux autres paragraphes, le pétitionnaire essaye de l’inculper.

C’est au paragraphe IX et au paragraphe XII de la pétition manuscrite remise à la Commission : je dis la pétition manuscrite ; car la pétition a été imprimée et distribuée il y a cinq jours aux membres de la Commission. L’ordre des paragraphes n’est point le même.

On lit au paragraphe IX de la pétition manuscrite «que le capitaine Fleuriau ne prit d’abord aucune mesure pour empêcher les progrès de la traite, et qu’il répondit à une personne qui lui adressait quelques observations à ce sujet, qu’elle se mêlait de choses qui ne la regardaient point et qu’il n’accueillerait aucune plainte à cet égard

Ce fait est copié du treizième rapport de l’institution américaine.

Consulté sur ce fait, M. le capitaine Fleuriau a répondu : «qu’un Anglais, après une querelle avec un capitaine de navire français, était venu lui faire des observations et avait effectivement reçu pour réponse que la police du Sénégal ne le regardait point ; réponse faite la veille ou le jour même de la saisie du Postillon : d’où l’on doit conclure que l’auteur de la réponse était loin d’annoncer que nulle plainte, nulle dénonciation d’abus ne serait accueillie.»

On lit au paragraphe XII «le 11 septembre, un noir s’étant rendu à Saint-Louis pour réclamer son fils, fut renvoyé par M. de Fleuriau, sur l’observation de l’aide de camp de M. Scmaltz, qui dit, en ma présence et celle du maire, que le captif réclamé appartenait à M. le colonel Schmaltz.»

Consulté sur cette assertion, M. Fleuriau a répondu, «que le noir dont il est question était esclave depuis plusieurs années ; il l’affirme, et il ajoute qu’il est faux que le père de ce noir l’ait réclamé.»

Vous avez remarqué, Messieurs, qu’au dire même du sieur Morenas, la traite a été surveillée si vigilamment par M. le capitaine Fleuriau, qu’elle fut arrêtée et suspendue. Le pétitionnaire pourtant répète, d’après une feuille anglaise, qu’à la même époque, les marchands d’hommes remplissaient leurs captiveries, et que Saint-Louis continuait d’être un marché où les Africains étaient vendus : mais, puisque le commandant par intérim exerçait une surveillance si active qu’elle arrêta les expéditions, croirez-vous aisément que, dans l’intérieur de la colonie, un coupable trafic ait continué sous ses yeux ?

Les lois qui ont aboli la traite, n’ont point rendu libres les anciens esclaves ; on les vend, on les achète sans violer la loi. Les négreries de Saint-Louis n’ont pu dès lors être détruites. Cette distinction, peut-être, n’aura pas frappé le pétitionnaire. L’autorité ne pouvait que les surveiller, au moyen de visites fréquentes, pour s’assurer que le nombre des noirs ne variait pas, et M. Feuriau affirme que ce soin était exactement rempli.

Le fait énoncé au paragraphe VIII, fait relatif à une mère qui se serait rendue à Saint-Louis pour délivrer son fils, âgé de dix ans, et qui, pour prix de la rançon offerte, aurait elle-même perdu sa liberté, et se serait brisé la tête contre un mur, est fixé au 1er décembre 1819.

Le pétitionnaire ajoute que le père du jeune esclave, s’étant rendu à Saint-Louis, pour réclamer son fils, sa femme et son or, y fut arrêté et chargé de fers ; que dans son désespoir, il se perça le coeur avec un clou, lorsqu’on lui offrit à manger, et mourut en s’écriant : «Dieu me vengera dans l’autre monde, puisque, dans celui-ci, je ne puis me venger moi-même !»

Ces faits sont rapportés dans la quatre-vingt-unième livraison de la Minerve, et tirés, y est-il dit, d’une lettre écrite du Sénégal, le 19 août 1818. Mais les circonstances ne sont pas les mêmes dans la lettre et dans la pétition.

La lettre porte : «qu’un nègre ayant été enlevé dans les rues de Saint-Louis, sa mère vint le jour suivant, offrir une somme d’argent pour sa délivrance ; le blanc prit l’argent et deux jours après la mère et le fils furent embarqués pour l’Amérique ; ce dernier, désespéré, se poignarda en disant : homme blanc, mangeur de noirs, je ne puis me venger de toi qu’en te privant de ma personne.»

Ainsi, selon la pétition, une mère vînt réclamer son fils, âgé de dix ans ; elle en offrit la rençon, on la fit esclave ; elle se brisa la tête contre un mur ; le père vint réclamer son or, son fils et sa femme ; on le chargea de fers et il se perça le coeur avec un clou.

Selon le journal, au contraire, le fils et la mère furent embarqués pour l’Amérique, et le fils se poignarda sur le vaisseau.

Cette contradiction dans les récits atténue la confiance que pourraient inspirer deux versions conformes : il est d’autres contradictions saillantes dans la lettre et dans la pétition.

La lettre porte : «que des officiers du Gouvernement font la chassa aux noirs dans les rues de Saint-Louis ; qu’ils font arrêter les noirs esclaves ou libres ; les entraînent à la côte et les embarquent. Qu’on voit les captifs enchaînés en plein jour dans la cour de plusieurs fonctionnaires publics.»

Et non loin de ces passages, on lit dans la même lettre : «que les marchands qui se livrent à cette odieuse spéculation croient ou feignent de croire que le Gouvernement ferme les yeux.»

Si l’on a cru ou feint de croire que le Gouvernement fermait les yeux, on n’a donc pas vu ses officiers donner la chasse aux noirs, esclaves ou libres, en plein jour et dans les rues, les traîner à la côte, les embarquer, arrachant de la sorte avec impudence l’esclave à son maître et l’homme libre à la liberté.

C’est ainsi que le pétitionnaire a jeté lui-même de l’invraisemblance sur les récits, en accusant à la fois le Gouvernement de protéger la traite, et M. le colonel Schmaltz de la protéger, au mépris des ordres du Gouvernement : en accusant M. le capitaine Fleuriau d’avoir permis que les esclaves fussent entassés dans les captiveries, illégalement et sous ses yeux, et en avouant à la fois que cet officier réprimait la traite, au point d’en réduire les spéculateurs à suspendre toute expédition.

Les renseignemens que le pétitionnaire offre à la Chambre dans les premiers paragraphes de la pétition, sont antérieurs à son arrivée au Sénégal ; les faits qu’il retrace aux paragraphes XII et suivans se sont passés, dit-il, durant son séjour.

On lit au paragraphe XIII.

«Un brick de Bordeaux s’est montré en rade le 28 février 1819 ; après quelques signaux il a disparu sans se faire connaître, puis il a chargé des noirs au Cap-Vert.»

Ce fait est exact, mais il faut ajouter que M. Fleuriau a fait poursuivre le bâtiment, qu’il a fait subir un interrogatoire à l’individu désigné dans la pétition, et que l’Administration du Sénégal est chargée des vérifications et de la poursuite.

Paragraphe XIV. «Une autre cargaison a été faite en 1818 à bord de l’Élisa

Ce navire, parti de Bordeaux fut, en effet, suspecté ; et la même année 1818, M. le Ministre de la marine a écrit à M. le Commissaire de la marine à Bordeaux et au commandant du Sénégal ; d’après les réponses, aucune poursuite n’a été faite, parce qu’on n’a pu découvrir aucune preuve de contravention.

Paragraphe XV. «Peu de temps après le retour du colonel Schmaltz, à Saint-Louis, on a expédié soixante noirs pour les îles du Cap-Vert.»

On est fondé à croire que cette assertion est inexacte et que le pétitionnaire aura voulu parler d’une tentative projetée par un négociant de Saint-Louis : la demande d’expédition fut soumis à de telles garanties, que l’armateur y renonça : elle fut tentée dès lors, mais elle échoua. Au surplus, on attend sur ce point une réponse de M. Schmaltz.

Paragraphe XVI. «Le brick l’Auguste, du Havre, frêté à Marseille, pour le Sénégal, en 1819, est parti de Saint-Louis dans les premiers jours de mai avec douze captifs qui ont été vendus aux Antilles. »

Des renseignemens sur ce navire ont été demandés en 1819 et 1820, au Havre, à Marseille et au Sénégal.

Les réponses du Havre annoncent que le bâtiment n’est point rentré au Havre et que l’armateur se justifie par sa correspondance.

On a répondu de Marseille que l’Auguste avait relâché à la Martinique et à la Guadeloupe, et qu’il était rentré à Marseille en novembre dernier.

On attend les réponses du Sénégal, de la Guadeloupe et de la Martinique.

On a écrit de même au Sénégal, au Havre, à Saint-Servan, à Brest, sur le fait imputé au navire le Narcisse, paragraphe XVII de la pétition.

L’administration du Sénégal a répondu, le 24 mars 1820, que ce bâtiment avait été rigoureusement visité à Saint-Louis, mais qu’il paraîtrait avoir pris, non point à Cachao, comme il est dit dans la pétition, mais à Bissao, autre comptoir portugais, un chargement de noirs pour la Havane : cette affaire se suit.

On lit au paragraphe XVIII : «Que six femmes appartenant à la partie non confisquée de la cargaison du Postillon, ont été embarquées pour Gorée, qu’elles se sont précipitées dans la rivière, et que leur départ a été renvoyé à une meilleur occasion.»

La date de ce fait n’est point énoncée. M. Fleuriau atteste que rien de semblable n’est parvenu à sa connaissance. On attend les réponses du Sénégal.

Déjà en 1818, l’administration de cette colonie, et le commissaire général de la marine à Bordeaux, avaient été interrogés sur le fait énoncé au paragraphe XVIII, fait relatif à l’Elisa, navire de M. Jaffro, négociant de Saint-Louis. D’après les réponses, aucune poursuite n’a été dirigée contre ce bâtiment, vu qu’il n’y a pas eu indices suffisans de contravention. Le pétitionnaire annonce que la contravention a reçu la plus grande publicité ; cette assertion peut motiver une information nouvelle.

Il donne l’état des noirs chargés sur ce vaisseau, pour le compte de six individus employés par le Gouvernement dans des fonctions subalternes. A défaut de preuves juridiques, quatre de ces individus ont été atteints de preuves morales, car ils ont été destitués de leurs fonctions, bien avant que la pétition ne fut remise.

Le sieur Morenas annonce qu’il possède un compte de vente d’une partie de cette cargaison, compte acquitté à la Pointe-à-Pitre. Ce document eut servi de preuve ; il était naturel de le déposer au Sénégal dans les mains de M. le Procureur du Roi. Au surplus, des renseignemens sont demandés à la Guadeloupe à ce sujet.

Paragraphe XXII. «Vers la mi-août 1819, le navire la Scholastique est parti de Saint-Louis avec vingt-cinq noirs pour les Antilles. Cette cargaison fut dénoncée, et le Procureur du Roi l’a constatée par une enquête juridique.»

Le fait est vrai, mais il faut ajouter pour être exact, que la Scholastique fut confisquée, en vertu de jugement par défaut, le 8 septembre 1819 ; et qu’ayant reparu depuis au Sénégal, le jugement par défaut a été converti en jugement définitif, le 9 février 1820.

Le ministère, ni M. de Mackau, n’ont aucune connaissance du fait énoncé au paragraphe XXIII de la pétition. Un brick aurait été envoyé à Galam ; il en aurait ramené soixante esclaves qui auraient été vendus à Saint-Louis. On observe seulement que les colons regardent l’achat et la vente des esclaves comme légitime pour le service de la colonie.

On n’a non plus nulle connaissance des difficultés que les individus désignés aux paragraphes XXIV et XXV, auraient terminées par voie d’arbitrage. L’un de ces individus est du nombre de ceux que j’ai dit déjà avoir été écartés du service du Roi.

Au paragraphe XXVII, le pétitionnaire annonce «qu’il a été informé depuis, que le navire la Scholastique, est revenu à Saint-Louis, après avoir vendu ses noirs à la Martinique.»

Ces informations doivent éclairer le pétitionnaire, et le tenir en garde contre les rapports qu’on lui adresse. On lui annonce que le navire a reparu, sans lui dire mot ni de la condamnation par défaut qui a précédé, ni de la condamnation définitive qui a suivi. Il est vrai que la première condamnation fut prononcée au Sénégal, avant le départ du sieur Morenas.

Mais enfin, en énonçant le fait, le pétitionnaire entend nous donner la preuve de l’impunité et de la publicité de la traite. L’infidélité de son correspondant, est prouvée par pièces authentiques.

Les mêmes informations avertissent le pétitionnaire, «que l’Africain est sorti de Saint-Louis avec une cargaison d’esclaves, qu’il a complétée au Cap-Vert.»

On ignore le fait ; mais on sait, par le rapport de M. de Mackau, qu’un bâtiment qu’il nomme l’Africaine, a été surveillé de si près, qu’il n’a pu effectuer le projet, qu’on avait lieu de lui supposer, de prendre des noirs au bas de la côte. Le sieur Morenas peut avoir été trompé par son correspondant sur l’Africain, comme sur le retour de la Scholastique. Au surplus on a demandé sur ce grief un rapport à l’administration du Sénégal.

Il en est de même des deux armemens imputés au sieur Bastide ; le fait est sans date ; mais on sait, par le rapport de M. de Mackau, qu’au 1er janvier 1820, quatre bâtimens armés au Sénégal, étaient suspectés et surveillés.

Pour mieux prouver l’existence de la traite, le pétitionnaire rappelle aux paragraphes XXX et XXXI que quatre négriers français ont été capturés par les Anglais en 1819 ; et que la cargaison du Rodeur fut atteinte d’une ophtalmie.

La Commission unit ses efforts à ceux du pétitionnaire pour obtenir la plus sévère répression d’un odieux trafic ; mais son impartialité ne lui permet point de laisser sans improbation, comme sans remarque, les réflexions d’un Français, qui dans une matière aussi grave, déverse, aussi publiquement et aussi inconsidérément le blâme et la plainte sur le gouvernement de son pays.

Nous remarquons dans la pétition imprimée et distribuée un passage omis dans la pétition manuscrite, il est ainsi conçu : «La gazette de Sierra-Léone, du 19 juin 1819, ajoute que le négrier (le Sylphe) a exporté deux cargaisons du Sénégal sous la protection de M. Schmaltz revenu de Paris avec de plus amples pouvoirs pour assurer le succès de la traite

Déjà le pétitionnaire avait emprunté de la même feuille d’autres assertions. C’est de l’assertion d’un journaliste anglais, c’est d’une gazette imprimée à Sierra-Léone, qu’il s’appuie pour affirmer : «qu’on doit être surpris qu’après la manière solennelle dont le Gouvernement français s’est engagé à abolir la traite, elle se fasse si ouvertement sans que les autorités y apportent aucun obstacle… qu’elles sont déterminées non-seulement à la permettre mais même à la protéger

Avec le journaliste anglais, il donne pour preuve, la prise de la Sophie, «le 27 juin 1818 ; Cutter repris par un schouner armé, que le gouverneur provisoire, M. Fleuriau, avait expédié en parlementaire, acte de piraterie, qui faillit faire couler le sang en temps de paix et dont le gouverneur anglais aurait inutilement demandé la répression.»

Ces assertions sont aussi graves qu’inexactes : on conçoit qu’un journaliste étranger ait pu supposer la complicité du Gouvernement français dans un trafic que nos lois réprouvent, et que les soins du Gouvernement répriment.

Mais ce que la Commission ne conçoit point, c’est que le pétitionnaire ose retracer ces assertions devant la Chambre, sans lui fournir à la fois les preuves de l’accusation.

Il se fonde sur la prise et la délivrance de la Sophie ; mais le gouverneur par intérim, M. Fleuriau, a rendu compte de cet événement. Une enquête a été faite au Sénégal, le 4 juillet 1818. Il résulte des documens transmis au département de la marine, le 8 du même mois que l’armateur de la Sophie avait été faussement accusé.

Aucune réclamation du gouvernement anglais n’est parvenue relativement à cette affaire, dont il a été donné connaissance, au mois de septembre 1818, à M. le duc de Richelieu, alors Ministre des affaires étrangères.

Voici les derniers mots de la pétition :

«Depuis trois ans, le gouverneur permet que la traite se fasse en toute liberté. On l’accuse de prendre à ce commerce illicite une part trop directe ; il n’a pas craint de laisser annoncer par un crieur public que tous les captifs qui seraient introduits dans la colonie devaient être conduits à la maison Potin et Durécu. Cet ordre, qui accordait à cette maison le monopole des noirs, excita les justes plaintes des autres marchands qui se trouvaient dès lors dans la nécessité de se soumettre aux conditions que leur imposait cette maison privilégiée.»

Ce fait est invraisemblable ; l’auteur n’en a point précisé la date. Le ministre de la marine n’a rien appris jusqu’à présent qui donne la clef de cette imputation ; M- Fleuriau n’en a jamais eu connaissance, et il la croit fausse.

M. de Mackau, commissaire inspecteur, a justifié le colonel Schmaltz ; le pétitionnaire l’inculpe d’un acte aussi effronté que coupable ; M. le Ministre de la marine aura soin de vérifier l’inculpation.

Quant aux reproches dont le Gouvernement est l’objet direct, M. le Ministre de la marine s’est empressé de déférer au désir que lui a manifesté la Commission. Il a mis sous nos yeux toutes les pièces capables de nous éclairer et de nous convaincre.

C’est au mois de juillet 1815, que les ordonnances du Roi ont prohibé la traite : aussitôt, des instructions furent transmises aux colonies et dans les portes de France, pour que nulle expédition ne fût autorisée et nul trafic toléré désormais.

Les ordonnances du Roi ont prononcé la confiscation de tout bâtiment pris en contravention et l’interdiction du capitaine.

Les rapports ayant annoncé que de nouvelles précautions étaient nécessaires pour déjouer les spéculations, une circulaire du 30 janvier 1818, enjoignit aux administrateurs de sports de veiller à ce que les commissaires des classes prissent les informations les plus exactes sur les opérations des navires ; d’interroger les équipages, et d’exiger des capitaines, armateurs et consignataires, des déclarations positives sur les circonstances du voyage.

Des instructions conformes ont été transmises aux préfets et aux procureurs-généraux par les Ministres de l’intérieur et de la justice.

Vous connaissez, Messieurs, les dispositions de la loi qui fut proposée le 15 avril 1818.

Une ordonnance, du 24 juin de la même année a établi une croisière sur les côtes de nos possessions d’Afrique.

Une circulaire du département de la marine, du 27 novembre, ordonne qu’il ne soit délivré des rôles d’équipages et des expéditions aux navires qui se dirigent vers les côtes d’Afrique, qu’après que les commissaires aux armemens se seront assurés, par l’inspection la plus détaillée, que la distribution du navire, le nombre des hommes d’équipage, la nature de la cargaison, la quantité et l’espèce des vivres, les objets et les ustensiles d’aménagement et de cuisine, n’indiqueraient en rien une opération destinée à la traite.

Ces précautions sont exactement remplies, et nombre de circulaires les ont rappelées.

Le 30 décembre 1818, des instructions transmises au gouverneur du Sénégal, défendent tout traité avec les indigènes, sans la stipulation de cette clause. «Aucun indigène engagé pour la culture, ne pourra, sous quelque prétexte que ce soit, être transféré à Saint-Louis, ni ailleurs, comme captif.»

Les rapports adressés au ministère de la marine, portent que la vigilance des gouverneurs de nos colonies à réprimer la traite, irrite les princes de la côte de Madagascar, privés, par la cessation de ce trafic, du bénéfice qu’ils retiraient de la vente de leurs prisonniers.

En 1819, un commissaire inspecteur fut envoyé au Sénégal, et, le 22 décembre de la même année, une ordonnance royale a institué une commission composée de magistrats choisis dans la Cour de cassation, la Cour royale et le Tribunal de première instance de Paris. Cette commission est chargée de l’examen de toute action judiciaire à intenter et à suivre en France en matière de contravention à la traite.

Dès le mois de mars 1820, les Ministres de l’intérieur et de la marine ont fait rechercher les moyens d’ajouter aux dispositions prohibitives et pénales, sans entraver les opérations licites de notre commerce. Un projet de loi sur cette matière est soumis à l’approbation du Gouvernement.

Plusieurs agens, justement soupçonnés d’avoir pris part à la traite, ont été écartés du service du Roi.

On a renforcé la croisière ; on a armé une flotille pour garder le fleuve ; le Gouvernement n’a rien négligé.

Voici le nombre des dépêches transmises par M. le Ministre de la marine, en France et dans les colonies, sur des matières relatives à l’abolition de la traite des noirs.

         En        1815. . . . . . . . . . .      23

         En        1816. . . . . . . . . . .      28

         En        1817. . . . . . . . . . .      32

         En        1818. . . . . . . . . . .      69

         En        1819. . . . . . . . . . .      57

         En        1820. . . . . . . . . . .      64

                                                        ——–

                                 TOTAL. . . .       273.

Enfin, depuis la publication des dispositions prohibitives de la traite, cinquante-deux bâtimens français, anglais ou espagnols ont été l’objet d’information, de condamnations ou de poursuite.

Neuf ont été confisqués.

Quatre ont été signalés et non aperçus.

Dix ont été recherchés et non poursuivis, vu qu’aucun indice suffisant n’a décelé la contravention.

Onze sont, en ce moment, sous le poids d’une procédure ; neuf autres sont l’objet de recherches et de vérifications préliminaires ; neuf armateurs, traduits en justice, ont été reconnus innocens.

A l’appui de la pétition, le sieur Morenas a transmis, avant-hier, à la Commission un certificat de M. Giudicelli, préfet apostolique du Sénégal.

Cet ecclésiastique atteste que le sieur Morenas n’a dévoilé qu’une partie du brigandage occasionné par la traite ; que les faits énoncés dans la pétition sont vrais ; que plusieurs de ces faits et beaucoup d’autres se trouvent plus amplement décrits dans son rapport du 5 janvier 1819, et dans une protestation au Ministre de la marine, du 5 juin de la même année.

Il ajoute que la principale cause qui lui a fait abandonner nos établissemens d’Afrique, ce fut l’inutilité de ses démarches pour réclamer l’exécution des lois, relatives à la traite ; comme le prouve sa lettre à M. le capitaine de frégate Fleuriau, du 27 septembre 1818.

Une déclaration aussi formelle d’un ecclésiastique revêtu d’un titre imposant, avait frappé la Commission : elle a désiré la communication des pièces mentionnées au certificat. Je vais les analyser du moins en ce qui concerne l’objet de la pétition que M. Giudicelly vient appuyer de son suffrage. Je ne ferai qu’en indiquer les autres points.

La lettre du 28 et non du 27 septembre 1818, a pour objet les démêlés de M. l’abbé Giudicelli dans ses intérêts privés avec M. Schmaltz, alors remplacé par M. Fleuriau. C’est une réponse à une lettre de M. le capitaine Fleuriau, du 25 septembre.

Voici tout ce que je trouve dans cette pièce de relatif, non spécialement à la traite, mais généralement à la vente des noirs.

«D’après les lois françaises et les brefs de plusieurs illustres pontifes, entr’autres de Paul III, en date du 10 juin 1737, j’ai le droit de séparer de ma communion tout individu qui fait ou laisse faire, pouvant l’empêcher, l’exécrable commerce de vendre des hommes ; le Roi, le Gouvernement, la nation française et l’Europe jugeront, dans quelques mois, de la légalité de mes démarches.

«Au mois de mars dernier, avant de procéder contre les indigènes mahométans, je me fis un devoir de vous écrire, pour vous demander votre assistance ou votre médiation. J’eus moi-même l’honneur de vous présenter ma lettre, à laquelle vous ne daignâtes pas même répondre, de sorte que je me suis trouvé en butte à toute espèce de contradiction, et l’on eut pu m’assommer avant que la police y eut seulement pris garde.»

Voilà, parmi beaucoup de griefs relatifs aux intérêts privés de M. Giudicelli, le seul grief relatif, non point à la traite, mais à la vente des noirs, vente que les lois ne prohibent point dans l’intérieur de la colonie.

Pour ce grief et autres encore, M. l’abbé Giudicelli, voulait rejeter de sa communion les indigènes : il a tenu parole, au mois de mars 1818. Après avoir excommunié les indigènes, il a fini par interdire sa chapelle et par s’interdire lui-même, malgré les remontrances de M. Fleuriau ; il expose ce fait dans sa lettre du 5 janvier à M. le Ministre de la marine ; il se plaint d’avoir manqué de l’appui du commandant contre le maire de Saint-Louis qui protégea ses administrés. Il se décida à le calmer, dit-il, crainte d’être accusé de sédition : je lis, en effet, dans la correspondance de M. Fleuriau avec M. le Ministre de la marine et avec M. l’abbé Giudicelli, qu’on hâta le départ de ce dernier, vu que, sous plus d’un rapport, il portait le trouble dans la colonie.

Les deux autres pièces sont de longs mémoires presqu’uniquement relatifs aux intérêts pécuniaires de M. Giudicelli. Il y réclame des indemnités de logemens, de vivres, de voyage, d’enterrement et de casuel ; il incrimine violemment tous les employés de la colonie. Je dois dire qu’à chaque ligne l’amertume se décèle, même contre M. le Ministre de la marine qui n’a point accueilli les réclamations pécuniaires de M. Giudicelli.

Ces deux pièces sont datées de Paris, la première renferme quelques faits relatifs à la traite ; elle donna lieu à une conférence entre M. Giudicelly et le Ministre, le 27 janvier 1819. Les mémoires et le résultat de la conférence ont été communiqués officiellement à M. Fleuriau et M. Schmaltz. Les réponses de l’un et de l’autre sont à mi-marge du texte. Je dois taire ce qui est personnel à M. Giudicelly ; voici, en substance, les faits relatifs à la traie, et les réponses qu’on y a fournies.

«1º Durant le premier trimestre de 1818, les capitaines Deès, Bréant, Jaffro et Roubault ont chargé de noirs leurs bâtimens ; ces noirs appartenaient à des commis de marine ou des chirurgiens.»

Réponse. J’ai fourni au ministère les renseignemens les plus exacts ; je ne crois pas qu’il soit utile de les répéter. M. l’abbé Giudicelli ne m’a jamais communiqué ses soupçons, quoique je l’aie sommé de le faire.

Cette réponse est de M. Fleuriau. Je vois en effet dans une lettre de Saint-Louis, du 28 septembre 1818, que M. Fleuriau ayant remarqué. Parmi les réclamations pécuniaires de M. Giudicelli, une phrase qui pouvait s’appliquer à la traite, lui répondit ces mots : «J’ai remarqué dans votre lettre, une phrase qui mérite attention. Je suppose qu’elle a trait au trafic des esclaves ; je vous somme, Monsieur, de m’instruire de ce que vous savez à cet égard, et de m’en fournir les preuves.»

M. Giudicelly répondit le jour même. «Vous connaissez trop bien la teneur de vos instructions et de vos droits, pour prétendre me sommer de vous dévoiler ce que vous devez savoir par vous-même. Faites agir vos subalternes ; employez les moyens que le Gouvernement vous a confiés, et veuillez bien me rayer de votre liste.»

Comment concilier ces passages avec le brigandage public et général que les auteurs du certificat et de la pétition dénoncent ? Rien n’était public ni même connu, puisque M. Giudicelly engageait le commandant à employer ses agens pour découvrir ce qu’il n’avait, disait-il, ni à dévoiler, ni à surveiller lui-même.

Quant aux changemens allégués et aux renseignemens que mentionne la réponse, je vois dans l’état des diligences et poursuites pour contravention à la traite, que les capitaines Dees et Jaffro ont été acquittés, à défaut de preuves, et que les deux autres bâtimens n’ont point été vus à la colonie.

Deuxième fait. «Deux bateaux voulant piller un village maure ont été repoussés et maltraités.»

Ce fait est rétabli dans la réponse, il était dénaturé.

3º. «Un indigène et un Français ont prêté leurs canots et leurs matelots à une bande de maures qui se battaient contre une autre tribut. Un roi maure a été tué.

Réponse. Le fait est faux. Aucun roi maure n’a péri depuis 1817, si ce n’est l’un d’eux mort de vieillesse.

4º. «Lors de la saisie du Postillon, il y avait 900 esclaves à la chaîne.

5º. «Le roi Damel a dévasté ses villages et vendu des noirs à quatre armateurs.»

6º. «Des habitans de Saint-Louis ont refusé de rendre des esclaves moyennant rançon, et ont augmenté leurs captiveries.»

Les réponses dénient formellement ces faits : et renvoient aux renseignemens déjà transmis.

7º. «Un certain Labouret marchand négrier, a fait voler trente négrillons, sur les bords de la rivière du Sénégal, il les a fait expédier pour Gorée dans la nuit du 18 au 19 août 1818. Les parens ne les ont point réclamés, parce qu’ils les ont cru noyés ou dévorés par les bêtes féroces.»

Réponse : Le sieur Labouret était alors retenu au lit, atteint d’une maladie dont il ne peut guérir.

8º. «Au jour de mon départ du Sénégal, on comptait plus de quinze cents nègres à la chaîne.»

Réponse : je certifie sur mon honneur que M. Giudicelli est un imposteur en avançant de pareils faits.

Ces réponses sont de M. Fleuriau.

L’auteur du mémoire ajoute, «d’après ces faits et beaucoup d’autres que je pourrais alléguer, j’ignore comment on a pu assurer que la traite des noirs ne se fait plus dans nos établissemens d’Afrique… Une seule entrevue avec M. le colonel Schmaltz, en présence de V. Excellence, servirait peut-être à déchirer le voile.»

M. le colonel Schmaltz fait remarquer sur ce passage, que si M. Giudicelli avait eu sincèrement l’envie de se trouver face à face avec lui, devant M. le Ministre de la marine, son séjour à Paris s’est prolongé long-temps après l’arrivée en France de M. Giudicelli : il fait remarquer que le mémoire de ce dernier est daté précisément du jour où lui, colonel Schmaltz, est reparti pour le Sénégal.

La seconde pièce que M. Giudicelli appelle sa protestation, n’est qu’une longue lettre adressée à M. Moduit, directeur des colonies, au ministère de la marine. Il y reproduit aigrement et généralement ses plaintes contre M. Schmaltz. M. Fleuriau et tous les employés de la colonie : il attaque la décision du Ministre sur ses réclamations pécuniaires. Il détaille longuement les causes qui l’ont éloigné du Sénégal, il les récapitule en finissant. Ces causes se réfèrent à ses intérêts personnels, à ses récriminations non accueillies. Il n’y est pas dit mot de la traite des nègres ; les titres qu’il invoque ne s’accordent point avec le certificat qu’il a remis au sieur Morenas et que le sieur Morenas a produit comme pièce justificative de sa pétition.

Il me revient en ce moment à l’esprit un fait que j’ai omis d’insérer dans ce rapport. J’ai lu dans l’un des mémoires adressés par M. Giudicelli à M. le Ministre de la marine, que, de retour en France, et après avoir échoué dans ses réclamations pécuniaires, M. Giudicelli demandait à retourner au Sénégal. Il disait que le titre de préfet apostolique lui appartenait encore, qu’on n’avait pu le lui ôter ; et si l’on ne voulait l’y renvoyer à ce titre, il demandait qu’on l’y renvoyât du moins comme historiographe de la colonie.

Comment concilier cette demande avec le passage du certificat, où son auteur annonce que la traite est l’une des principales causes qui lui ont fait quitter le Sénégal.

Avant de conclure, je ne puis me refuser à transcrire encore l’une des réponses écrites par M. le capitaine Fleuriau, en marge du mémoire remis au Ministre par M. Giudicelli.

«J’avais la conviction, dit cet officier, d’avoir rempli mes devoirs de manière à ne pas me trouver dans l’obligation de répondre aux calomnies… (Je dois supprimer ici quelques réflexions relatives à l’auteur des inculpations). Cette obligation qui m’est plus pénible que je ne puis l’exprimer, me fait éprouver un vif regret d’avoir été chargé de la mission que j’ai remplie ; c’est acheter trop chèrement l’honneur de servir son pays.»

Tels sont, Messieurs, les griefs énoncés dans la pétition et dans le certificat qu’on y a joint. Cette dénonciation est grave ; la Commission a cru devoir vous en présenter tous les détails. Si la traite fut impunie et protégée, les auteurs de cette odieuse prévarication doivent subir une peine exemplaire ; la loi le veut, l’honneur du Gouvernement et de la Nation l’exigent de concert avec la justice et l’humanité. Si le sieur Morenas a calomnié ses concitoyens et les agens que le Gouvernement prépose pour que les lois soient rigidement accomplies, il doit être exemplairement puni lui-même. La Commission vous propose unanimement le renvoi de la pétition à M. le Ministre de la marine et à M. le Garde des Sceaux.

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