Histoire de l’Esclavage Pendant les deux dernières années

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PREFACE

Nous avons peu de chose à dire en livrant ce volume au public et aux membres du corps législatif, auxquels il appartient de prononcer l’abolition de l’esclavage des nègres.

Ce nouvel ouvrage est composé d’articles que nous avons insérés, durant les deux dernières années, dans le Courrier français, le Siècle, la Revue Indépendant, le Journal des Economistes, l’Atelier, l’Abolitionniste français et surtout la Reforme.

Nous reproduisons les articles relatifs à la discussion des lois de 1845, parce qu’ils sont en quelque sorte l’historique de ces lois, et peuvent ainsi donner une idée générale de la question aux personnes qui n’ont pas eu l’occasion de s’en occuper spécialement. Le reste est le désolant bulletin des souffrances de l’esclave au jour le jour.

Nous devons ici, avant tout, exprimer notre vive reconnaissance pour nos correspondants des colonies, hommes de courage et de dévouement auxquels nous devons les renseignements sur les faits. Leur zèle pour la sainte cause qu’ils servent avec les abolitionnistes de France ne s’est jamais ralenti, et c’est un honorable témoignage pour leur caractère, que dans le grand nombre de communications qu’ils nous ont adressées, une seule a pu être contestée. Les greffes, les bureaux des parquets ne leur sont cependant pas ouverts, et l’on sait avec quels soins les crimes de l’esclavage sont soustraits, par l’administration locale elle-même, à la publicité que nous nous efforçons de leur donner. Souvent ils ont été contraints d’accepter la notoriété publique; mais ils ne l’ont osé qu’autant qu’elle prenait l’aspect de la certitude. Grâce à leur scrupuleuse véracité, il nous est donc permis d’affirmer, quels que puissent être d’ailleurs les défauts de notre ouvrage, qu’il a du moins le mérite d’une exactitude au-dessus de toute dénégation.

On trouvera dans ce livre beaucoup de noms propres; nous le regrettons; nous aurions mieux aimé, nous aurions désiré pouvoir nous en abstenir. Mais aujourd’hui que l’esclavage est ruiné philosophiquement et moralement, il n’y a plus, pour lui porter les derniers coups, qu’à exposer ses barbaries, et comment y parvenir sans citer des faits- Les faits c’est la démonstration d’un problème, la lumière d’une discussion, rien n’établit mieux le bien ou le mal d’une chose, d’une idée, que les faits.

Or, malheureusement on ne peut publier des faits sans noms propres, car c’est la seule garantie de leur authenticité.

L’ardent amour que nous portons aux opprimés a vaincu la haine respectueuse que nous inspire la charge d’accusateur public.

S’il y a scandale, ce n’est pas sur nous, mais sur les hommes qui l’ont provoqué, qu’en doit retomber la responsabilité. Malheur à celui par qui le scandale arrive, a dit le Christ. Il fallait bien s’en prendre aux actes, puisque depuis tant d’années on en appelle en vain à l’ineffable grandeur des prescriptions de la philanthropie.

Elle a été douloureuse la tâche d’instruire ainsi le pays de ce qui se passe aux colonies, d’analyser chaque jour les cruautés qui les souillent en déshonorant le caractère français, et l’on nous permettra de le dire une fois, ce rôle d’historiographe de la servitude nous a paru lourd bien souvent. Il a fallu, pour le garder, la puissance du sentiment du devoir. Tout le monde est d’accord sur la sainteté du principe de l’abolition, nous avons eu l’espoir de rendre plus évidente que jamais l’urgence de son application immédiate, en faisant, pour ainsi dire, quotidiennement le triste inventaire de l’institution servile, en montrant à tous que le sort des esclaves n’a pas cessé d’être horrible, atroce, dégradant, infâme, malgré les lois, les ordonnances, les règlemens faits pour l’alléger. Les adoucissements qu’on a cru y porter font illusion à l’humanité. Le seul, l’unique remède aux maux incalculables de la servitude, c’est la liberté. Il est impossible d’introduire l’humanité dans l’esclavage. Il n’existe qu’un moyen d’améliorer réellement le sort des nègres, c’est de prononcer l’émancipation complète et immédiate.

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CHAPITRE PREMIER

DES LOIS DES 18 ET 19 JUILLET 1845, ET DE LEUR APPLICATION.

Projet de loi sur l’amélioration du régime des esclaves

La séance du 4 mai 1844, à la chambre des députés, aura sa place dans l’histoire de l’affranchissement des nègres. On n’oubliera pas non plus que c’est par une supplique des ouvriers que l’attention du parlement fut appelée de nouveau sur cette grande question.

La délivrance des esclaves est sortie des régions pour ainsi dire philosophiques et politiques, où elle s’agitait; le peuple est venu y prendre sa part, part bien réelle, bien authentique, et dont les intéressés cherchèrent vainement à diminuer l’importance. il ne s’agit pas, en effet, de quelques artisans sur lesquels un philanthrope aurait exercé une influence directe, d’un petit nombre d’ouvriers qui auraient donné leur adhésion sans savoir ce qu’il faisaient. Le nombre des signatures, et il est bon de constater, car on peut être surpris que cela n’ait pas été mentionné dans le travail du rapporteur, le nombre des signatures s’est élevé pour Paris à 7.126.

En outre, les ouvriers lyonnais, toujours sympathiques à tout mouvement noble et généreux, apprenant l’initiative prise par leurs frères de la capitale, se sont empressés de se joindre à eux, et des feuilles portant 1.704 signatures sont venues témoigner à la chambre de leur adhésion à la requête des Parisiens.

C’est donc 8.830 personnes qui ont demandé formellement l’abolition de l’esclavage.

Un tel chiffre est significatif, il est impossible d’y trouver rien de factice; d’y voir autre chose qu’une manifestation parfaitement libre, parfaitement spontanée, surtout lorsqu’elle sort du peuple, non pas peut-être le plus instruit, mais assurément le plus intelligent de l’Europe. La chambre en a bien jugé ainsi: l’attention soutenue qu’elle a prêtée aux belles paroles de MM. Gasparin, Ledru- Rollin, Tracy l’immense majorité qui a soutenu leur proposition en sont une heureuse et incontestable marque.

L’ordre du jour demandé par le rapporteur fut repoussé, la pétition fut renvoyée solennellement au ministre des colonies, et celui-ci prit l’engagement d’apporter avant peu un projet de loi sur l’amélioration du régime des noirs.

Cette goutte d’eau, jetée dans l’aride désert des esclaves, rafraîchit leur âme attristée et ranima leur courage. Que les prolétaires français se réjouissent; leur cri de miséricorde est allé soutenir au milieu des populations serviles l’espoir qu’elles nourrissent d’une délivrance prochaine.

M. le ministre de la marine remplit presque immédiatement la promesse faite le 4 mai, dès le 15 il présentait à la chambre des pairs un projet de loi qu’il jugeait propre à rendre plus efficaces les moyens de préparer les esclaves à la liberté. En cela, nous nous plaisons à le dire, M. l’amiral Mackau devançait nos espérances. Ses propositions relatives aux esclaves nous paraissaient un hommage d’autant plus réel à l’opinion publique qu’il est personnellement moins bien disposé à l’égard de l’émancipation. Les ouvriers surtout peuvent se glorifier de cette manifestation du ministère, quelque timide qu’elle puisse être. Dans les moments décisifs, les moindres actes ont de l’importance et de la portée. Certes, nous ne dirons pas que la généreuse initiative prise par les ouvriers de Paris et de Lyon a fait naître la loi de M. Mackau; mais il est permis de croire qu’elle a singulièrement contribué à en accélérer la présentation.

C’est une consolante pensée pour les prolétaires français, au milieu de leurs trop réelles souffrances, de voir que leur parole secourable ait été entendue. La charité des abolitionnistes est louable assurément, et nous ne sommes pas tentés de chercher à déprécier leur dévouement; mais combien mérite plus de respect encore l’élévation de sentiments qui a poussé des hommes malheureux à oublier leurs propres misères pour demander le soulagement de celles d’autrui. Noble abnégation qu’il importe à l’honneur de notre siècle de faire ressortir, témoignage certain de la haute bienveillance et de l’intelligence morale qui pénètrent de plus en plus ce qu’on appelle les basses classes.

Les ouvriers d’Europe, tout en luttant pour leur pain de chaque jour, ont compris l’avilissement des esclaves, qui n’ont pas même à gagner leur pain, et que l’on nourrit comme les bêtes de somme. Les nations sont aujourd’hui plus avancées et plus libérales que les chefs placés à leur tête par la mauvaise fortune du monde. Il arrive chez nous ce qui est arrivé en Angleterre, le peuple force le gouvernement à s’occuper des ilotes, qu’une erreur de la civilisation moderne garde encore sous le joug. Qu’il ne se lasse donc pas, et, comme en Angleterre, il aura la gloire de vaincre les résistances politiques et de faire triompher les droits de l’humanité.

La direction des colonies, toujours fort arriérée, rejetait encore la réalisation de l’affranchissement dans un avenir indéterminé; le projet de loi déposé sur le bureau de la chambre des pairs se bornait à développer les moyens adoptés depuis trois ou quatre ans pour l’amélioration morale et matérielle des nègres.

Voici ce que nous disions à ce sujet dans la Réforme du 16 mai 1844.

Le but principal du projet, dit l’exposé des motifs, est de régler les conditions relatives à la nourriture et à l’entretien des travailleurs coloniaux, le régime disciplinaire des ateliers, les heures de travail, la répression et la punition des délits des maîtres envers leurs nègres, enfin le mariage ainsi que l’instruction religieuse et primaire des esclaves.

Le ministère, en avouant ce but, reconnaît ce que les abolitionnistes disent depuis trop longtemps, c’est que tous ces moyens déjà employés sont inefficaces. Il annonce la résolution d’appliquer les nouveaux moyens d’une manière ferme; le pourra-t-il? Nous le désirons sans l’espérer. Depuis que les colonies existent, les créoles ont toujours éludé, annulé les ordres de la métropole en faveur des esclaves; la volonté du gouvernement n’a jamais pu dominer leur puissance locale, nous craignons qu’il n’en soit toujours de même, et que l’intérêt de l’esclavage ne continue à être un obstacle infranchissable aux préparations de la liberté.

Le gouvernement propose, en outre, deux mesures plus décisives: la première, d’assurer d’une manière légale le pécule des esclaves; la seconde, de leur accorder le droit de se racheter. Ces droits, pour ne pas devenir plutôt funestes qu’utiles aux nègres, auront besoin de prescriptions complémentaires.

En somme, nous n’acceptons que sous toute réserve le projet ministériel; non seulement nous croyons que l’affranchissement immédiat et simultané est possible et praticable, mais qu’il est de tous les moyens d’affranchir celui qui a le plus d’avantages. Cependant on peut considérer le projet présenté à la chambre des pairs, comme un progrès sur le passé, comme un espoir pour l’avenir. C’est un pas de fait ostensiblement vers l’abolition, un acte qui engage et compromet l’administration, c’est surtout un avertissement aux maîtres, qu’il est temps de renoncer à leur propriété humaine. La loi ne décide rien, il est vrai, et c’est là son vice capital, sur la grande question de l’affranchissement, mais elle en prépare évidemment la solution.

Historique de la discussion du projet de loi à la chambre des députés.

SEANCE DU 29 MAI. (Réforme, 30 mai 1845.)

La discussion du projet de loi relatif au régime des esclaves dans les colonies françaises, adopté par la chambre des pairs, a commencé aujourd’hui à la chambre des députés.

M. Ternaux-Compans, qui faisait son début à la tribune, s’est livré à une critique très fine du projet, et ses idées, souvent originales, ont provoqué plus d’une fois le rire de la chambre. C’est un succès dont nous ne saurions féliciter M. Ternaux; dans une discussion aussi grave, il convient, il nous semble, de ne prononcer que des paroles graves; mais nous rendons justice à ses intentions. Si la forme de son discours a été trop légère, le fond en reste excellent. M. Ternaux a montré qu’il connaissait bien les colonies et a produit une vive impression sur l’assemblée lorsqu’il a défini le régime des habitations: Le fouet tempéré par le poison. Il y a dans ces mots hardiesse et vérité.

M. Ternaux-Compans, tout en signalant avec beaucoup de sens les vices de la loi nouvelle, tout en prouvant qu’elle serait d’une efficacité fort douteuse pour l’amélioration du sort des esclaves, a déclaré qu’il la voterait, parce qu’il ne voulait pas prendre sur lui de priver les noirs, par un rejet, du faible bénéfice qu’il leur sera donné d’en tirer.

Tel avait été aussi l’avis de la commission; son rapporteur, M. J. Lasteyrie, dans un beau et noble travail, n’a pas dissimulé combien elle jugeait insuffisante la loi nouvelle; mais elle a préféré en proposer l’adoption telle qu’elle est, plutôt que de reculer encore jusqu’à l’année prochaine le peu de bien que cette loi pourra produire. Nous nous associons sans réserve à la pensée de la commission. Assurément la loi votée au Luxembourg est mauvaise; pour qu’elle pût satisfaire les démocrates, il la faudrait amender d’un bout à l’autre, pour la rendre réellement utile en fait, même dans la portée restreinte qu’ont voulu lui donner ses auteurs, elles demanderaient d’amples modifications; mais telle qu’elle se trouve, elle est en principe un progrès nouveau. On peut la considérer comme le commencement de l’affranchissement: le ministère lui-même convient qu’elle est faite pour préparer l’émancipation définitive. Il nous parait donc sage de l’adopter. Y introduire un amendement aujourd’hui serait la renvoyer à la chambre des pairs, c’est-à-dire la renvoyer encore à l’année prochaine. A quoi bon perdre un an pour des améliorations qui ne sont et ne peuvent être en résumé que des améliorations de détail?

Nous sommes convaincus (sic) que les moyens préparatoires seront sans effet; nous sommes convaincus qu’il est impossible de ne rien mettre entre l’esclavage et la liberté, que l’on ne peut sauver un esclave des maux indissolublement unis à sa misérable condition; mais puisque les nègres sont condamnés à passer par une expérience, mieux vaut qu’elle ait lieu plus tôt que plus tard; puisque l’on veut absolument essayer d’un régime intermédiaire mieux vaut que ce soit aujourd’hui que demain.

L’application de la loi nouvelle servira du moins à prouver qu’il n’y a pas d’autre moyen d’abolir l’esclavage que de l’abolir tout à fait.

La commission d’ailleurs a pourvu presque autant qu’il est possible de le faire aux nécessités de la circonstance. Sur sa demande le ministre de la marine et des colonies s’est solennellement engagé à rédiger les ordonnances complémentaires «dans l’esprit de la loi, c’est-à-dire dans le but de préparer les esclaves à la liberté», et de fixer un maximum de valeur pour ne pas rendre illusoire la faculté du rachat forcé. Le ministre a déclaré, en outre, relativement à l’horrible régime disciplinaire des ateliers, que son intention était de diminuer notablement la faculté laissée au maître d’infliger des châtiments corporels, et d’établir sur les habitations un registre sur lequel seraient inscrites toutes les punitions. Désormais aucune peine autre que celles prononcées par l’ordonnance du 16 Septembre 1841 ne pourra être appliquée aux esclaves.

Voyons si le ministre sera sincère; voyons ce que produira la loi. Nous aurons bien plus de force au commencement de la session prochaine pour réclamer des amendements, quand on aura fait l’expérience de son peu d’efficacité. Il y a d’autant plus de raison pour en agir ainsi que les modifications introduites aujourd’hui dans la loi en repousseraient, comme nous l’expliquions tout à l’heure, la promulgation jusqu’à la session prochaine. Ce serait une année perdue encore pour l’indépendance future, une année de plus de servitude pour les 1,210 esclaves du domaine que le gouvernement s’est engagé à libérer, pour les noirs qui ont un pécule et qui voudront dès aujourd’hui l’appliquer à leur liberté.

A ce point de vue, il est permis d’espérer que MM. Roger (du Loiret), Gasparin et Larochefoucault-Liancourt retireront les amendements qu’ils ont proposés. Il est inutile de le dire, lorsqu’on nomme ces messieurs, ce qu’ils proposent ne pourrait que rendre la loi meilleure; quelles que soient les divisions politiques qui nous séparent, nous le reconnaissons avec plaisir, les pauvres esclaves ont toujours trouvé en eux de zélés et intelligents défenseurs. Mais encore une fois, il sera temps l’année prochaine de provoquer des amendements qui, fussent-ils adoptés aujourd’hui, ne deviendraient utiles que l’année prochaine. Il y a ici un écueil pour l’humanité des abolitionnistes de la Chambre, ils doivent craindre de faire mal en voulant faire mieux.

SÉANCE DU 30 MAI.

M. Levavasseur, qui s’était fait inscrire d’avance pour parler contre le projet, a déclaré d’abord qu’il n’était pas ennemi de l’abolition de l’esclavage. C’est l’exhorte ordinaire de tous les défenseurs de la servitude; car malheureusement la servitude trouve encore quelques soutiens. Ils craignent d’exciter trop de réprobation, et ils ne manquent jamais de commencer leurs discours contre l’affranchissement par une protestation en sa faveur, hommage rendu à la conscience universelle qui a l’horreur de l’institution servile. M. Levavasseur donc, après avoir dit qu’il voulait la liberté des nègres, mais qu’il la voulait sage et féconde, a combattu le projet, c’est-à-dire, a voté le maintien pur et simple de l’esclavage indéfini des nègres, parce que selon lui la loi nouvelle désorganise le travail forcé avant d’avoir organisé le travail libre. M. Levavasseur déclare que la loi inquiéterait les capitaux; il désire que les nègres restent esclaves, afin de ne point troubler la quiétude de l’argent, et il propose d’attendre, pour émanciper, que les essais de transformation industrielle que l’on tente à cette heure dans nos îles aient eu plein succès!

Il n’est pas de projet d’amélioration qui n’ait soulevé des objections de cet ordre ou d’un autre. Ceux qui prennent le titre d’abolitionnistes pratiques disent toujours que ce que l’on veut faire est dangereux; et comme ils n’ont jamais proposé quoi que ce soit, on doit en conclure qu’ils veulent éterniser le statu quo. Encore faut-il leur savoir gré de respecter assez l’opinion publique pour ne pas avouer ouvertement une telle pensée?

M. Tocqueville a défendu le projet avec élévation et sagesse; il l’approuve parce qu’il conduit forcément tôt ou tard à la liberté. Et M. Tocqueville a raison; le projet, bien qu’il soit très loin d’être bon, donne du moins certains droits civils à l’esclave; en faisant passer celui-ci de l’état d’outil à l’état de personne, il amène naturellement sa libération définitive. Le législateur, après avoir écrit dans la loi que le nègre était un homme, pourra-t-il rester longtemps sans en faire un citoyen? Nous ne le pensons pas. Jusqu’ici, le nègre était légalement une chose; maintenant qu’on le déclare légalement un être pensant et moral comme nous, on ne saurait tarder à lui donner légalement les mêmes droits qu’à nous. Aussi est-ce avec beaucoup de raison, à notre avis, que M. Tocqueville a dit: «Ceux qui veulent l’émancipation d’une manière quelconque à une époque quelconque, doivent vouloir la loi.» L’orateur n’a pas caché cependant tout ce qu’elle a de défectueux, et il a stigmatisé heureusement du nom de seconde servitude les cinq années d’engagement que l’on impose à l’affranchi.

M. l’amiral Leray qui a suivi M. Tocqueville à la tribune, n’a pu captiver une minute l’attention de la chambre, bien que son discours n’ait pas duré moins de deux heures. L’assemblée a montré une impatience extrême en l’entendant faire un long éloge du régime colonial et oser soutenir que les esclaves sont heureux. Quand donc en finira-t-on avec ce détestable argument? Un esclave heureux!

On doit reprocher aussi à M. Leray d’avoir plusieurs fois cité M. V. Schoelcher pour appuyer son étrange opinion. En ne prenant, comme il le fait, que des phrases çà et là dans un livre, il est facile de leur trouver un sens que l’auteur n’y a jamais attaché. M. Schoelcher est un abolitionniste passionné, on ne peut donc, sans fausser sa pensée, la faire tourner contre l’abolition, au profit de l’esclavage. Abuser ainsi de la justice qu’un écrivain a pu rendre à des actes de bienveillance et d’humanité particuliers à des maîtres, ne nous semble pas un moyen bien légitime de discussion et prouve trop qu’on n’en a pas d’autres.

M. Gasparin a protesté contre les assertions de tous ceux qui se disent abolitionnistes pratiques par opposition aux abolitionnistes purs. Il a prouvé qu’il existait entre eux une autre différence qu’une différence de temps et de méthode, il a prouvé que les abolitionnistes pratiques ne sont point du tout des abolitionnistes et il était bon que cela fût dit.

Malheureusement, selon nous, M. Gasparin a persisté à soutenir qu’il fallait amender la loi. Nous avons expliqué pourquoi cela nous parait une faute. Nous n’acceptons pas la loi parce que c’est tout ce qu’on peut obtenir; la chambre élective s’est montrée sympathique chaque fois qu’on lui a parlé de la déplorable condition des esclaves, et nous sommes convaincus qu’on pourrait obtenir d’elle mieux que le projet voté au Luxembourg; mais nous considérons qu’un amendement forcerait de renvoyer la loi à la chambre des pairs, qu’elle ne pourrait être discutée pendant cette session qui touche à son terme, et nous regardons comme un mal de reculer d’une année encore le bien que l’on peut faire dès aujourd’hui.

La fin de la séance a été animée par un incident assez grave. M. Gasparin avait dit que, tous les jours, les gouverneurs autorisaient l’exportation à l’étranger de nègres dont ils jugeaient la présence dangereuse pour la colonie. M. Ledru-Rollin a cité un de ces actes d’exil, signé par le ministre actuel de la marine, lorsqu’il commandait à la Martinique. M. Mackau a cru se justifier en disant qu’il était alors dans l’exercice de son droit, et que les noirs qu’il avait condamnés l’avaient sans doute mérité. M. Mackau a de plus nié que les nègres ainsi exportés à Puerto-Rico y fussent vendus, échangés contre les boeufs et des mulets. Nous sommes en mesure d’affirmer que M. Mackau, ou ne sait point ce qui se passait et se passe tous les jours, ou bien a voulu atténuer le crime de véritable traite que constitue le droit accordé à l’omnipotence des gouverneurs. Nous avons vu nous-mêmes, à Puerto-Rico, des nègres exportés; ils avaient été vendus et leur sort, comme tous ceux des esclaves de cette île, était plus horrible encore que celui des esclaves français.

Le ministre de la marine a toutefois déclaré avoir donné des ordres formels pour qu’à l’avenir les noirs, dont il plaira à un maître de demander la déportation, ne fussent plus envoyés à Puerto-Rico, mais dans une île française. ce remède au mal montre assez quel genre d’adoucissement on peut apporter au destin des esclaves! Le ministère reconnaît comme indispensable de laisser aux gouverneurs le droit d’arracher un nègre à sa famille, à ses amis, à ses parents, sans avoir à donner d’autre raison que la raison d’Etat! Quelle latitude pour l’arbitraire, pour la violence, pour les mauvaises passions! Le législateur ne tardera pas longtemps à reconnaître lui que tous ces moyens transitoires ne sont que de tristes palliatifs, et qu’il n’y a, pour sauver les esclaves des mille maux auxquels ils sont en butte, qu’une seule voie bonne, celle de les faire rentrer dans le droit commun, celle de les affranchir. Nous désirons la plus prompte adoption de la loi nouvelle, parce qu’elle rendra cette vérité évidente pour ceux qui en doutent encore.

SÉANCE DU 31 MAI

La discussion n’a point avancé d’un pas; le procès semble déjà instruit, tout est dit.

M. de Carné déclare qu’il votera la loi telle qu’elle est, parce qu’elle peut être considérée par tout le monde comme un progrès véritable. des droits civils accordés à l’esclave, la faculté par lui de se racheter malgré la volonté du maître, l’émancipation des nègres du domaine, même fixée au terme lointain de cinq ans, paraissent à M. de Carné, en tout état de choses, des améliorations suffisantes pour le moment.

M. de Carné pense, d’ailleurs, que les nègres français sont encore aujourd’hui moins avancés en civilisation que ne l’étaient les nègres des îles anglaises au moment du bill d’émancipation. Nous pourrions, s’il en était besoin, prouver, par des faits et par le dire de colons anglais et français, que c’est là une erreur; nous nous réservons de revenir là-dessus, lorsqu’il y aura opportunité à le faire.

M. de Carné, appuyant sur les avantages des moyens transitoires a, de plus, émis une pensée contre laquelle il nous semble important de protester; il ne voudrait pas l’émancipation immédiate aujourd’hui, parce que les colons sont obérés, et que l’indemnité qui accompagnera la grande délivrance passerait tout entière dans les mains de leurs créanciers. Est-ce à la tribune d’une chambre française que l’on doit exprimer le regret de voir un débiteur obligé de payer ses dettes? il serait urgent, au contraire, disons-le à ce propos, que l’on appliquât enfin aux colonies la loi d’expropriation forcée. Au moment où l’on paraît vouloir sincèrement régénérer les colonies, c’est une mesure d’ordre indispensable de faire enfin passer les propriétés coloniales dans les mains de leurs véritables propriétaires; cela peut-être diminuerait aussi la résistance que trouve l’émancipation dans toutes les îles. M. Mackau, s’il est de bonne foi, ne négligera pas ce moyen de simplifier ses embarras. Il ne doit pas ignorer que beaucoup de colons refusent à priori l’émancipation générale, précisément parce qu’ils savent que leur indemnité passerait dans les mains de leurs prêteurs hypothécaires. Une loi d’expropriation forcée appliquée aux colonies serait, en outre, un acte très moral, en cela qu’elle mettrait un terme aux blanchissages, pratique scandaleuse, déshonorante, au moyen de laquelle plus d’un planteur a déjà dégrevé son habitation, et enlevé tout gage à ses créanciers, sans dépenser une obole.

Après M. de Carné, M. de Castellane est monté à la tribune, où il paraissait pour la première fois. Celui-là au moins marche à découvert, il a eu le fâcheux courage de dire tout haut, très distinctement: Je ne suis pas abolitionniste, et il en a donné les raisons en exposant que les nègres une fois libres ne travailleraient pas, et que les colonies anglaises étaient ruinées! M. de Castellane a fait ses calculs, a entassé ses arguments contre la liberté au nom du sucre et du café, avec un impitoyable sang-froid. Il y avait en vérité quelque chose de triste, on éprouvait un sentiment d’oppression pénible à voir ce jeune homme qui paraît plus jeune encore qu’on ne doit l’être pour entrer à la chambre, se montrer si froid, si sec, si aride, l’âme morte comme celle d’un vieillard, toujours maître de lui, sans un mouvement chaleureux, et se défendant d’être susceptible d’enthousiasme comme un autre se défendrait de ne l’être pas.

M. de Castellane trouve la loi non pas trop timide, mais téméraire, c’est son expression; il déclare qu’il n’est pas abolitionniste, et en même temps il confesse que «l’esclavage abrutit le maître et l’esclave ensemble!»

Malgré son calme roide et pesé, malgré la possession qu’il a toujours de lui-même, le jeune orateur a manqué d’une certaine modération, il n’a pas pu s’arrêter, et la chambre, qui l’avait écouté d’abord avec l’intérêt de la curiosité, a fini par lui retirer un peu de son attention, que le couteau d’ivoire et la sonnette de M. le président sollicitaient vainement.

M. de Castellane n’avait-il voulu que se singulariser ou bien a-t-il compris qu’il avait été trop loin. Nous ne savons, mais d’une minute à l’autre, il a tourné court en disant qu’il persistait à repousser la loi parce qu’il la jugeait perturbatrice, mais qu’il était prêt à voter une loi d’émancipation générale et immédiate si le ministère voulait en présenter une. Peut-être n’est-ce tout que l’heureux triomphe de la vérité, de la morale, de la charité qui, faisant entendre leurs lamentations à un coeur jeune encore, ont triomphé des sophismes de l’esprit.

M. Galos a répondu à M. de Castellane sans dire rien de nouveau, il a loué la loi comme loi de transaction entre les deux partis extrêmes, et loi de transition parce qu’elle mène d’une manière sûre à un but parfaitement défini.

M. Lemercier a voulu parler contre la loi, il lui a été littéralement impossible de se faire écouter. Décidément les colons doivent le reconnaître, ils n’ont pour eux ni la quantité ni la qualité, tous leurs orateurs ont été d’un médiocre désolant. Puisse cela encore leur ouvrir enfin les yeux et leur apprendre que leur cause comme maîtres est à jamais perdue!

La chambre est impatiente de voter; son opinion est faite, et M. Isambert, l’un des plus anciens et des plus inébranlables amis des noirs, a eu peine à faire entendre quelques bonnes vérités générales.

M. J. Lasteyrie, rapporteur de la commission, a résumé la discussion avec bonheur et habileté. Il est facile, quand on entend M. J. Lasteyrie, de juger que ses sentiments humains se trouvent à l’étroit dans le projet; il désire évidemment une émancipation prompte et générale; il la croit opportune, possible, et il éprouve une sorte de pudeur à réglementer encore aujourd’hui l’esclavage. Aussi a-t-il dit des choses bien senties; il a fait justice de la fin de non recevoir qui consiste à dire: «Organisez le travail libre avant de détruire le travail forcé.» Comme si l’on pouvait, de l’esclavage, attendre les résultats de l’indépendance! Puis, il a fini en s’écriant d’une manière significative: «Vous avez payé depuis dix ans, pour maintenir la servitude, précisément la somme qu’il faudrait pour émanciper avec indemnité!» et cela est vrai.

SÉANCE DU 2 JUIN.

La séance a été belle, touchante, digne de la représentation nationale d’un peuple grand et généreux. Rarement la chambre avait entendu de plus nobles paroles, rarement elle s’était montrée plus unanimement dégagée de toute préoccupation d’intérêts matériels pour n’écouter qu’une sainte commisération en faveur d’une race trop longtemps opprimée. C’est une chose capable de consoler un peu les patriotes de leurs profondes douleurs politiques de voir qu’au moins dans cette assemblée française les voix sublimes de l’humanité et de la justice ont eu la puissance de faire une fois vibrer tous les coeurs.

M. Larochefoucault-Liancourt en développant son amendement qui tendait à substituer dans tout le projet de loi le nom de personne non libre à celui d’esclave, n’a voulu que faire une nouvelle protestation contre la servitude. M. Larochefoucault a dit que la loi dénaturant l’esclavage il était nécessaire de changer le nom d’esclave. Nous savons toute l’importance des mots, nous savons qu’ils cachent souvent des choses, mais ici malheureusement les mots n’expriment que trop bien encore la réalité. Les esclaves ne seront plus des outils, des instruments de travail, il est vrai, ils vont passer à l’état de personnes, mais ce seront toujours des personnes esclaves. Il faut donc, comme a répondu M. J. Lasteyrie, appeler les choses par leur nom; il y a encore des esclaves, il faut donc le dire pour qu’on le sache et pour qu’on n’oublie pas un instant de s’occuper de leur libération définitive.

M. Larochefoucault avait d’avance retiré son amendement afin de ne pas entraver le vote de la loi. Il n’y a donc pas eu discussion sur ce point, et M. Berryer a pu venir aussitôt présenter un autre amendement.

M. Berryer a fait remarquer que la loi ayant pour but de réglementer le travail et l’instruction, touchait à l’ordre matériel et moral tout entier des colonies, et qu’il ne convenait pas que la chambre abandonnât une aussi grande oeuvre à de simples ordonnances ministérielles. M. Berryer a présenté plusieurs observations de ce genre, où les chicanes d’un avocat cherchaient à prendre l’apparence des vues d’un homme d’État. Il n’a cessé de parler contre la loi, en déclarant qu’il s’associait de toute la chaleur de son âme aux désirs des abolitionnistes. Personne n’est plus dupe de cette tactique, ceux qui ne veulent pas la loi ne veulent pas l’abolition, car la loi, c’est hélas! non pas l’abolition encore, mais le commencement de l’abolition; ceux qui ne sont pas pour elle sont contre elle, et le grand orateur des légitimistes doit être mis au nombre des partisans honteux de l’esclavage.

M. Berryer, il n’en faut pas douter, n’a point d’horreur pour la servitude; déjà plusieurs fois il a donné son adhésion à ce que les maîtres appellent leur défense, et encore aujourd’hui, malgré son insistance à dire qu’il est pour la liberté, il n’a fait autre chose que répéter le thème des colons. Il ne tient pas d’autre langage que celui de leurs orateurs libres ou gagés; il calomnie la révolution de Saint-Domingue et la république d’Haïti; il demande que l’on organise le travail libre avant de désorganiser la société coloniale; il cherche à exploiter les justes susceptibilités du pays en insinuant que la loi est d’origine anglaise; il ne craint pas de faire appel aux mauvaises passions, aux mauvais sentiments, qu’il décore du nom d’intérêts politiques; il s’efforce de nous prouver que la prospérité maritime et commerciale de ce grand pays de France tient à ce que 250.000 malheureux nègres restent esclaves; il essaie enfin d’effrayer la chambre sur les résultats de son vote, en disant que l’émancipation a déjà coûté plus d’un milliard à la Grande-Bretagne.

M. Ledru-Rollin n’a pas eu de peine à réfuter toutes ces arguties, et après avoir soutenu avec une grande force de logique la question des prérogatives constitutionnelles de la chambre, il s’est élevé à une hauteur d’éloquence admirable en appuyant le projet tel qu’il est. M. Ledru-Rollin a réservé le principe au nom du parti démocratique; mais il a soutenu la loi, pour ne point retarder d’un jour le bien que nos pauvres frères d’Afrique peuvent en retirer. La chambre a plusieurs fois manifesté la profonde émotion que lui faisait éprouver l’ardente parole du député radical, surtout lorsqu’il s’est écrié que de nouvelles sociétés de Frères de la Merci ne tarderaient pas sans doute à se fonder pour aller, au nom de la loi, racheter les esclaves qui souffrent encore sur une terre française! Puissent la voix de M. Ledru-Rollin et les acclamations de la chambre trouver un écho dans toute la France!

M. Roger (du Loiret), par une erreur qui a été heureusement sans résultat funeste, n’a pas voulu abandonner son amendement: les colons, dit-il, regarderont la loi comme une loi d’organisation de l’esclavage; ils diront que c’est la charte de la servitude, comme ils ont dit de la loi de 1833 que c’était la charte des colonies. Nous respectons les scrupules de M. Roger sans croire à l’opportunité de leur manifestation; ils devaient être bien vifs pour qu’un abolitionniste aussi dévoué que lui ne se soit point aperçu qu’il faisait fausse route et venait en aide à la minorité, heureusement imperceptible, qui voulait rejeter la loi.

M. Lherbette, au milieu de la discussion, a signalé le fait de deux maires de la Guadeloupe qui, en violation de l’ordonnance de 1840, ont interdit les écoles publiques aux enfants esclaves. Il a demandé si des mesures avaient été prises à l’égard de ces fonctionnaires. M. Mackau a gardé le silence, et M. Lherbette alors de laisser tomber solennellement cet arrêt: «M. Mackau ne répond pas, un tel silence est sa condamnation.»

M. Odilon Barrot a répondu avec une autorité un peu doctorale, et à ceux qui voulaient amender pour améliorer et à ceux qui voulaient amender pour ajourner indéfiniment toute amélioration. Puis on a passé à la discussion des articles. Là, M. Gasparin, avec la vivacité de sentiment, l’heureuse passion et la parfaite connaissance des choses que nous aimons à lui reconnaître, lorsqu’il parle d’abolition, a fait avec ses amendements une petite guerre qui a été très utile. Je suis prêt à retirer ma proposition, disait-il chaque fois, si M. le ministre veut bien prendre envers la chambre des engagements qui nous satisfassent; et ainsi il a été entendu, d’après les formelles déclarations de M. Mackau ou des commissaires du gouvernement, que tous les esclaves indistinctement, même les domestiques, pourraient exiger de leurs maîtres, un jour par semaine, en échange de la nourriture (d’où il faut conclure que l’on donnera aussi une portion de terre aux domestiques qui préféreront se nourrir); que les femmes ne seraient plus soumises au châtiment corporel; qu’en cas de difficulté sur l’origine du pécule, ce ne serait point à l’esclave que le juge demanderait d’en prouver la légitimité, mais au maître d’en prouver l’illégitimité; enfin le ministre s’est aussi engagé à introduire le travail à la tâche, de même qu’à employer toute sa surveillance pour que la tâche ne soit pas trop forte. Ce sont là des bienfaits réels qui parent un peu à l’insuffisance de la loi; la reconnaissance des noirs et des amis de l’humanité ne manquera pas à M. Gasparin, comme à la chambre qui l’a constamment et chaudement soutenu.

SÉANCE DU 4 JUIN

La chambre, par la vivacité de la discussion qui a eu lieu aujourd’hui; comme hier, par la solennité de ses débats, a montré quelle haute importance elle attache à la loi relative au régime législatif des colonies.

A propos de l’article 5 qui établit le rachat forcé, c’est-à-dire le droit pour l’esclave de se racheter malgré la volonté de son maître, M. Pascalis entrant dans la pensée de ceux qui ne veulent pas amender la loi, commence par déclarer, en montant à la tribune, qu’il ne vient pas proposer d’amendement, mais demander quelques renseignements sur l’état mixte et assez peu défini que l’on va créer pour les esclaves.

Le rachat forcé ne produira-t-il son effet que pour le membre de la famille qui payera sa propre valeur, autrement dit, la mère qui se rachète procure-t-elle, par le fait même, la liberté à son enfant impubère?

La question, après avoir agitée entre plusieurs orateurs légistes de la chambre, est résolue affirmativement.- La jurisprudence générale s’applique à la loi nouvelle, l’humanité, et les arrêts de la cour de cassation le commandent, le rachat de la mère entraîne la liberté de l’enfant qui ne peut se passer d’elle, que l’on ne peut détacher du sein maternel sans le tuer.

Maintenant, demande M. Gasparin, le frère esclave pourra-t-il racheter son frère esclave? Oui, est-il encore décidé unanimement; le droit de donner à quelque personne que ce soit et de recevoir de quelque personne que ce soit est reconnu illimité pour nos pauvres ilotes comme pour les libres, et il est bien entendu qu’un esclave pourra recevoir d’un autre esclave et réciproquement donner à un autre esclave.

Horrible, horrible chose que la servitude! Le malheureux qu’elle opprime est dans une condition si misérable que le législateur, en cherchant à la modifier, en vient à se demander si le frère aura la faculté de racheter son frère!

Certes, lorsque des doutes d’une telle nature peuvent exister dans des esprits droits et sérieux, s’il est quelque chose de légitime, de raisonnable et de rationnel, c’est d’interpeller les hommes chargés par la constitution d’appliquer la loi, sur la manière dont ils entendent l’appliquer, sur le sens qu’ils prétendent lui donner. Eh bien, M. Dupin n’est pas de cet avis. Il a protesté contre les explications demandées au ministère et acceptées par la chambre en quelque sorte comme les commentaires naturels du projet; il a dit que ce n’était point ainsi qu’on faisait des lois et que celle en discussion serait exécutée dans son texte, quels que fussent les engagements que pourraient prendre le ministère de la marine ou les commissaires du gouvernement. Cette observation, qui eût été dangereuse si elle n’avait un peu trop senti la robe, tombait à faux. Le rapporteur de la commission, M. J. Lasteyrie, a répondu fort simplement qu’il ne s’agissait pas de mettre une convention particulière, une loi en quelque sorte privée à côté de la loi écrite, mais bien de solliciter des explications sur la nature et le sens des ordonnances royales que le ministère devait rendre en vertu de la loi et dans les limites de la loi.

Après cet incident, l’article 5, qui consacre le rachat forcé, a été adopté. Sans doute il entraîne des inconvénients, sans doute il est probable que ce seront les hommes les plus habiles de l’habitation, les têtes de l’atelier qui se rachèteront; mais d’abord il y aura malheureusement bien peu d’esclaves capables de se racheter; ensuite, pour corriger un état social fondé sur la violation, la plus brutale de toutes les lois naturelles et humaines, quelle mesure pourrait-on inventer qui n’eût pas d’inconvénients, qui ne blessât pas dans leur jouissance ceux auxquels on a donné un si épouvantable droit de propriété? A-t-il jamais été présenté un seul système, un seul, quelqu’adouci qu’il pût être, auquel les colons n’aient trouvé des vices insurmontables?

Sur l’article 6 qui nomme un tribunal arbitral pour fixer le prix de l’esclave en cas de contestation entre lui et le maître, M. Gasparin a fait observer que les magistrats appelés à déterminer la valeur du nègre étant choisis parmi les colons, la valeur serait toujours portée si haut que l’esclave n’y pourrait jamais atteindre; d’un autre côté, on a représenté avec fondement que le ministre ne pouvait pas fixer un maximum par ordonnance comme il s’y était engagé devant la commission, parce que ce serait contraire à la légalité. La difficulté est grande, a dit M. Isambert, mais non pas insoluble, il suffirait pour la résoudre, que le ministre revint aux vieilles prescriptions coloniales et à la loi organique de 1828 qui interdisent aux créoles et aux propriétaires de noirs toute fonction civile et judiciaire dans les îles.

Alors s’est déployée la grande et capitale question de la magistrature des pays à esclaves, déjà si souvent agitée hors de la chambre. M. Isambert avait dit qu’entre autres énormités, les quatre procureurs généraux de nos îles, les quatre chefs de la magistrature chargée du patronage des esclaves, étaient tous les quatre des propriétaires d’esclaves ou des créoles.

M. de Beaumont a soutenu, avec une grande énergie, l’opinion de M. Isambert. Je ne puis croire, a-t-il dit avec un accent plein d’une généreuse indignation, je ne puis croire que le gouvernement persiste à confier l’exécution de la loi en faveur des nègres à des agents qui ne sont pas seulement intéressés dans l’esclavage, mais encore complices des colons. M. le ministre de la marine, visiblement embarrassé, a répondu qu’à la vérité les magistrats créoles étaient, aux colonies, supérieurs en nombre aux magistrats métropolitains, mais qu’ils remplissaient impartialement leurs devoirs; il a prétendu que des hommes qui ont des alliances de famille et d’argent avec les oppresseurs, pouvaient être équitables envers les opprimés. M. Ledru-Rollin, dont le courage ne se lasse pas, a cité des actes monstrueux de fonctionnaires et de magistrats, encore en place; il a supplié M. le ministre de prendre un engagement d’honneur et d’humanité pour mettre un terme à ces forfaitures. Mais M. Mackau n’a pas répondu à cet appel, et son déplorable silence aurait rendu plus évidente pour tout le monde l’authenticité des actes révélés, si la parole de M. Ledru-Rollin n’y avait déjà suffi.

M. Dufaure alors est venu prier la chambre de ne point adopter l’amendement, disant que la circonstance même forcerait le ministre à «moraliser la magistrature», et qu’il fallait jusqu’à nouvel ordre lui laisser la responsabilité de l’avenir. M. Dufaure a développé cette idée avec une grande lucidité d’esprit et une rare facilité de parole; il n’a pas convaincu M. Gasparin qui a persisté dans sa proposition; mais le parti de la chambre est bien pris: elle a repoussé l’amendement.

L’article 8, qui soumet l’affranchi à un second esclavage de cinq ans, a été adopté ensuite après de longs débats qui en ont mis à nu toute l’injustice. Cet article nous révolte plus qu’aucun des orateurs qui ont voulu le faire rayer, il est profondément immoral, il condamne à une nouvelle servitude l’homme qui a laborieusement, péniblement acquis son indépendance, qui a racheté de ses propres deniers la liberté qu’on lui avait ravie, il refuse ce que le code noir même accordait aux affranchis de toute catégorie il y a cent-soixante-dix ans, la libre jouissance d’eux-mêmes, il empêchera bien des esclaves de songer à se racheter, mais puisqu’il était impossible de le modifier utilement à cette heure, nous comprenons que la chambre ait dû passer outre. Ce qui importe, c’est que la loi telle qu’elle est arrive bientôt à promulgation. Profitons dès aujourd’hui de ce qu’elle a de bien, il sera temps dès l’ouverture de la session prochaine d’amender ce qu’elle a de mal.

SÉANCE DU 4 JUIN

La chambre a continué à délibérer aujourd’hui avec une attention qu’elle accorde rarement d’une manière aussi soutenue. Cette longue discussion prouve combien l’opinion publique en France est prononcée pour l’abolition de l’esclavage, et cette fois du moins la chambre se montre d’accord avec le sentiment général du pays.

M. Roger (du Loiret) a persisté à vouloir introduire dans la loi l’affranchissement des esclaves du domaine que le ministre, au sein de la commission, s’était engagé à libérer. Le ministre a renouvelé son engagement devant l’assemblée, à peu près en ces termes: Je suis autorisé à déclarer que le gouvernement du roi est décidé à prendre des mesures pour que les esclaves du domaine soient émancipés dans un espace de temps qui ne dépassera pas cinq ans. La chambre s’est contentée de cette déclaration formelle, précise, catégorique, et elle a repoussé l’amendement.

Le délégué des colons, qui brave depuis cinq jours avec un imperturbable sang-froid l’inexprimable dédain avec lequel la chambre et le banc des ministres le laissent dire, a essayé d’établir que le gouvernement n’avait pas le droit d’aliéner des biens donnés en toute propriété et condamnés avec leurs enfants et leur descendance à une éternelle servitude!

Sur l’article 7, relatif aux châtiments corporels, M. Gasparin avait proposé que les femmes au moins ne fussent pas soumises à cet ignoble supplice. Certes, s’il était un amendement que nous eussions pu soutenir, c’était celui-là, mais on devait suivre le parti regardé comme le plus sage par tous les bons esprits. M. Gasparin lui-même, malgré l’ardeur de ses convictions, s’est rangé à l’avis général, et il a retiré son amendement, non toutefois sans rappeler très haut que le ministère avait pris l’engagement de modifier le châtiment corporel en général et de l’abolir pour les femmes.

L’article sur le vagabondage a soulevé de nouvelles objections de la part de M. Gasparin, qui ont amené de nouvelles explications ministérielles. Il a été bien entendu que les ordonnances royales n’inquiéteraient pas d’une manière fâcheuse la liberté individuelle, que les affranchis peuvent aller où ils veulent, qu’ils sont libres comme l’air, selon l’expression de M. Mackau, et que rien ne pourrait s’opposer à ce qu’ils abandonnassent le pays s’il leur plaisait de le faire; enfin qu’il suffirait de ne pas mendier pour ne pas tomber sous l’application de l’article qui concerne la répression du vagabondage.

Nous enregistrons ces promesses pour avoir un jour à les rappeler si elles étaient violées.

M. Gasparin a présenté ensuite des observations d’une vérité saisissante sur le funeste usage où l’on était de recruter les troupes noires que nous avons au Sénégal parmi des esclaves achetés à la côte d’Afrique; il a fait remarquer que si l’on n’achetait pas de nègres en Afrique, même pour les libérer, on ne provoquerait pas tous les crimes qui se commettent dans l’intérieur afin d’avoir des esclaves à vendre. Il a demandé de plus que l’on s’occupât de détruire la servitude en Algérie où il y a tout au plus 12 ou 1,500 esclaves. Le bey de Tunis a complètement aboli l’esclavage dans ses états, pourquoi la nation la plus libérale de la terre ne ferait-elle ce qu’a fait le bey de Tunis? La chambre a écouté M. Gasparin comme si quatre jours de débats sur cette matière n’avaient pu la fatiguer, et nous le constatons avec bonheur, car nous y voyons le témoignage qu’elle n’en restera pas à ce qu’elle a fait aujourd’hui.

Notre honorable ami, M. Ledru-Rollin, a rappelé que les malheureux esclaves condamnés étaient privés par une législation barbare du droit de recours en grâce, faculté que toutes les lois du monde accordent aux plus odieux criminels. Il a exprimé le désir que le gouvernement tînt compte de cette observation, et la chambre entière s’est associée au voeu de l’orateur démocrate.

Après le vote général on a passé immédiatement à la discussion d’un second projet de loi tendant à ouvrir au ministère de la marine et des colonies un crédit de 600.000 fr. pour subvenir à l’introduction de cultivateurs européens dans les colonies et à la formation d’établissements agricoles.

La commission chargée d’examiner ce projet en avait agrandi la portée, de façon à en faire un complément plus direct de la loi précédente. Elle demandait 120,000 fr. pour l’introduction des cultivateurs européens, 360,000 fr. pour la formation d’établissements agricoles particulièrement destinés à recevoir les affranchis qui viendraient y travailler moyennant salaire; enfin 400,000 fr. destinés aux rachats des esclaves, soit en augmentant le pécule des uns, soit en payant le prix total de ceux qui pourraient le mériter.

M. D’Haussonville, rapporteur, a exposé les vues bienfaisantes de la commission d’une manière remarquable; la chambre n’a pas hésité une minute, et la seconde loi a été votée presque sans discussion avec les amendements significatifs de la commission.

M. Dubois, qui avait dénoncé le mauvais vouloir de l’administration coloniale pour l’instruction élémentaire des esclaves, le détournement des fonds affectés à cet objet et la faiblesse avec laquelle le département de la marine avait toujours toléré cet abus, a proposé d’insérer dans la loi que le gouvernement eût à rendre compte de l’emploi de ces fonds. La proposition a été adoptée malgré l’insistance de M. Mackau pour qu’elle fût repoussée.

Observations générales sur la discussion.

(6 juin 1845.)

L’émancipation des esclaves que la France, à sa honte éternelle, possède encore, est une oeuvre démocratique. Toutes les libertés sont soeurs; la véritable charité s’étend sur tous les hommes, et le sentiment de fraternité qui fait la force et la gloire de notre parti est universel.

La grande Révolution avait bien compris cela; aussi, dès les premiers jours de l’Assemblée constituante pensa-t-on aux hommes qui souffraient dans leur âme et dans leur corps sous le joug abrutissant des planteurs. La Convention, qui avait proclamé les droits de l’homme, ne tarda pas, avec l’admirable logique qui lie tous ses actes, à proclamer la liberté des noirs.

Oui, l’émancipation des esclaves est bien une oeuvre démocratique, l’odieux despotisme de Bonaparte rétablit la servitude; le gouvernement des Bourbons la conserva, et, pour l’entretenir, toléra la traite. Une des premières choses, au contraire, que fit la révolution de juillet fut de mettre fin à cet infâme commerce, et d’accorder les droits civils et politiques à la classe des affranchis. Mais la révolution de juillet ayant bien vite dévié de sa route, oublia presque aussitôt les esclaves. Le peuple pensa toujours à eux, et, nous le rappelons avec orgueil, c’est une pétition de 9,000 ouvriers présentée l’année dernière qui réveilla les sympathies de la chambre élective, et força, par suite, le ministère de la marine à présenter les lois votées hier.

Faisons remarquer à cette occasion la différence de sentiment et de vue qui nous sépare et nous séparera toujours des légitimistes. Pendant que les démocrates à la tribune, dans la presse, au fond des ateliers, demandent la liberté pour tout le monde, cet incorrigible parti ne craint pas de s’y opposer. M. Berryer a prononcé un long discours contre la loi, il a employé toutes les ressources de sa belle phraséologie, non pour la faire échouer, c’était impossible, mais pour la faire ajourner, dernière et folle ressource des partisans de l’esclavage. Nous avons vu d’un autre côté le marquis de Laroche Jaquelein jeter sa boule dans l’urne noire et en même temps, la Gazette de France, la Quotidienne, la France étaient d’un accord merveilleux pour blâmer en principe et en fait ce qui s’accomplissait à la chambre.

Cela dit afin de constater une fois de plus qu’il n’y aura jamais rien de commun entre les légitimistes et les démocrates; revenons à la loi. Assurément elle n’est pas bonne, en plusieurs parties elle est détestable; faite par des hommes de mauvais vouloir, elle ne donne que ce qu’il était impossible de refuser, et elle le donne avec de telles restrictions que le profit en est presque annihilé. Elle force d’abord à se racheter, un malheureux esclave auquel on devrait au contraire une indemnité pour le crime commis envers lui; puis, lorsqu’il a payé de ses propres deniers, du fruit de longues années de labeur et d’économie, sa personne que l’on avait lâchement aliénée, elle s’arroge le droit de le condamner à un second esclavage de cinq ans! Idée monstrueuse en raison, en équité, en fait.

Il y a dans cette loi bien d’autres énormités; mais elle a du moins le mérite de jeter les premières bases de l’abolition, de poser légalement le principe de la liberté des nègres, et lorsqu’on réfléchit à l’hostilité que la moindre idée d’affranchissement rencontrait au ministère de la marine et des colonies, il est impossible de ne pas y voir un bien réel. Puisque nous ne pouvons obtenir encore l’émancipation immédiate, acceptons l’émancipation partielle. Or, cette loi a été proclamée par tous, reconnue par tous comme un moyen de transition à la liberté; elle substitue la puissance publique à celle du maître, elle prête une sanction pénale aux ordonnances favorables à l’esclave, elle fait entrer de force le gouvernement dans la voie de l’abolition, elle atteint au coeur la vieille société coloniale, elle avertit nos frères blancs et noirs des îles que le grand jour approche, qu’il est temps pour les premiers de se résoudre enfin à le subir, que l’heure est arrivée pour les seconds de concevoir de sûres espérances. Quant à nous, dont les convictions politiques et économiques ensemble nous commandent de solliciter l’abolition immédiate et générale, nous aurions voté la loi telle qu’elle est, pour ne point reculer d’un jour le bien qu’elle peut produire. C’est une transaction fâcheuse, mais que l’on doit accepter (tout en réservant le principe), dans l’intérêt du principe même, et pour en accélérer le triomphe.

Si l’on pouvait douter que la résolution prise par la chambre d’adopter sans amendement était la meilleure et la plus sage, il suffirait, pour s’en convaincre, de lire les journaux chargés de la défense des maîtres; leur dépit éclate jusqu’à l’injure. Une année de plus encore donnée à la servitude absolue… quelle joie c’eut été pour les colons, toujours égarés, qui se cramponnent à l’esclavage avec une sorte de fureur!

Le parti pris de la chambre a une très grande portée; elle a fait évidemment acte d’abolitionnisme radical. Les amendements proposés étaient trop pleins de justice et de justesse, ils rentraient trop bien dans l’esprit de ce qu’on voulait faire, pour qu’elle ne les ait pas appréciés; mais elle a préféré les ajourner plutôt que d’ajourner la loi. Une semblable résolution ne laisse aucun doute sur sa ferme volonté d’abolir. On en a une preuve nouvelle dans le crédit de 400,000 fr. qu’elle a voté, en vertu de son initiative, pour le rachat des esclaves. Elle a manifesté mieux encore ses vues à venir en ordonnant, malgré l’opposition de M. Mackau, qu’il lui serait rendu compte de l’emploi des fonds alloués pour l’éducation élémentaire des enfants esclaves. On sait que cet argent a toujours été détourné de son objet par l’administration coloniale, complice des créoles, sans que le ministère de la marine ait jamais jugé à propos de réprimer un tel scandale.

Les colons comprendront-ils enfin que leurs délégués les ont trompés sur les dispositions du pays? On a entretenu leur résistance insensée en leur disant que la question de l’affranchissement était une question coulée. Qu’il jugent maintenant si leur cause comme maîtres n’est pas à jamais perdue! Ils sont dupes de ces avocats à gros gages, qui flattent leurs passions sans s’inquiéter que cela nuise à leurs intérêts. Nous n’avons de haine que pour l’esclavage, et les créoles n’ont jamais cessé d’être à nos yeux des compatriotes d’outre-mer. Ils n’ont pas créé l’esclavage, nous le savons, ils l’ont reçu de leurs pères, leur fortune y est attachée, et l’on doit plaindre leur aveuglement plutôt qu’accuser leur barbarie. La servitude corrompt le maître comme l’esclave. Cependant il faut qu’ils le sachent, la France voit avec indignation le déplorable acharnement qu’ils mettent à défendre leur propriété humaine. Leur résistance aux voeux de la métropole et de l’humanité, déjà coupable, aujourd’hui leur deviendrait infailliblement funeste en se prolongeant. Puissent-ils se convaincre enfin qu’il n’y a pas d’autre solution que la liberté à ce qu’ils appellent le problème colonial.

Les deux lois nouvelles sont un dernier avertissement sur lequel les créoles ne doivent pas se tromper. Le projet ministériel était fort modeste, le département de la marine espérait continuer à peu près ce qu’il fait depuis quinze ans, rendre ici les ordonnances plus ou moins libérales pour tromper l’opinion publique, et souffrir qu’elles ne fussent point exécutées là bas, pour plaire aux maîtres. Le parlement n’a pas voulu cela, il a posé législativement et impérieusement les premiers jalons d’une transformation fondamentale. La pensée abolitionniste déborde de tous les engagements que la chambre élective a fait prendre au ministère, pour suppléer à ce que ne précisait pas la loi, et les conservateurs eux-mêmes n’ont point été touchés de la désorganisation que le rachat forcé pouvait jeter dans les ateliers. La question d’humanité a élevé tous les esprits en les dominant, on a mieux aimé s’exposer à nuire aux maîtres que de ne pas servir les esclaves. Et il le fallait. Que donner effectivement à un homme qui n’a rien, qui est purement une chose, sans que ce soit au détriment de son possesseur? Impasse fatale où l’on se retrouvera toujours, tant qu’on ne voudra pas prononcer l’abolition complète et sans retour. Maintenant, il reste encore à subir cette épreuve, il s’agit de savoir quels seront les résultats de la loi. Nous doutons qu’elle produise beaucoup de rachats forcés, à moins que la charité publique n’intervienne, comme l’a généreusement proposé M. Ledru-Rollin. Il y a très peu d’esclaves dans des conditions suffisamment avantageuses pour se faire un pécule, et moins encore d’une force d’intelligence ou plutôt d’une culture d’esprit assez haute pour avoir le courage des sacrifices nécessaires à l’accumulation du pécule. Le nègre sera d’autant moins enclin à se racheter, que la liberté qu’on lui fait payer est incomplète, tronquée, précaire, toute conditionnelle, et n’est, en somme, qu’un esclavage prolongé. Il est à craindre aussi que le maître travaille à empêcher le pécule, ne fût-ce que pour prouver l’absurdité des philanthropes, et ne gêne désormais le petit commerce de vivres, qui est la principale source de bénéfice des esclaves ruraux.

D’un autre côté, aux colonies particulièrement, les lois sont tout entières dans la pratique. Si les protestations de M. Mackau à la commission et à la chambre sont sincères, on pourra réprimer un peu du mal sans l’anéantir entièrement.

Il nous paraît difficile qu’en présence du texte d’abord, et ensuite de ses engagements solennels, il puisse encore oser se jouer de la loi; mais s’il permettait à ses agents de l’éluder, comme par le passé, d’en torturer l’esprit pour en pervertir l’application, les abolitionnistes aussi attentifs que jamais ne manqueront pas de signaler les nouvelles infractions. Pour dire vrai, nous craignons d’avoir à remplir ce pénible office.

 Comme il peut être utile pour quelques lecteurs d’avoir sous les yeux le texte des deux lois dont nous venons de résumer la discussion, nous les transcrivons ici.

LOI DU 18 JUILLET 1845,

Relative au régime des esclaves dans les colonies.

[ voir nº ]

Pag. 187-232

CHAPITRE V

CLERGÉ COLONIAL

Brochure contre l’abolition de l’esclavage publiée à la

Martinique par l’abbé Rigord.

(L’abolitionniste français, 2º livraison de 1846)

Si le gouverneur de la Martinique proscrit les brochures abolitionnistes, en revanche il accorde toute sa protection à celles qui soutiennent l’esclavage. L’ouvrage que nous allons analyser et qui reflète malheureusement trop bien l’esprit du clergé colonial, n’a pas seulement circulé en toute liberté à la Martinique, il a été publié à Fort-Royal, chez l’imprimeur même du gouvernement, et par conséquent avec approbation de la censure locale. Le pouvoir chargé de faire exécuter la loi du 18 juillet est donc le premier à répandre une attaque directe contre cette loi! Singulière façon, on en conviendra, de préparer l’émancipation et de gouverner des pays à esclaves.

L’écrit en question est intitulé:

Observations sur quelques opinions relatives à l’esclavage émises à la Chambre des pairs à l’occasion de la discussion de la loi sur le régime des esclaves aux colonies, par M. l’abbé RIGORD, curé de Fort-Royal (Martinique).

Par M. l’abbé… Lorsqu’on lit ce titre joint au nom de l’auteur, on se réjouit tout d’abord: c’est un prêtre, un délégué du Christ, chargé de prêcher en tout lieu, au péril même de sa vie, la paix, la charité et la fraternité; c’est un homme qui a pour première mission de redire aux autres hommes la sublime parole de Moïse et de Jésus: «Aimez-vous les uns les autres.» On ouvre sa brochure avec la douce confiance d’y trouver un nouveau cri d’amour pour les opprimés, ces enfants privilégiés du Dieu des chrétiens. Hélas! non! dès la première page, M. Rigord, en posant la question, parle «des généreux efforts qu’ont faits plusieurs maîtres pour soutenir la «cause des partisans du statu quo.» Ce n’est pas sur les esclaves que porte sa sympathie; il a pris la plume en faveur des maîtres contre «les abolitionnistes, théoriciens imprudents» qui n’hésiteraient pas à sacrifier les colonies plutôt que leur «utopie.»(page 5.)

Nous devons à dire, cet opuscule nous a causé plus de tristesse que d’indignation. Cette affreuse atmosphère de l’esclavage ne corrompt donc pas seulement les possesseurs de chair humaine, elle pervertit jusqu’aux ministres de Jésus-Christ, à ce point qu’ils osent tout haut, à la face du ciel et de la terre, glorifier la servitude! Quelle audace! ou plutôt quel vertige!

M. Rigord est peut-être arrivé à la Martinique honnête et plein de foi; il a peut-être quitté la mère-patrie pour les îles, afin de se consacrer aux plus dénués parmi les plus dénués de ce monde, et aujourd’hui, ce ministre de Dieu n’est pas même sûr que tous les hommes naissent égaux; il nous dit «qu’il aime à se le persuader.» (page 8)

Après un tel exorde, personne ne sera surpris que M. l’abbé Rigord commence par établir la légitimité de l’esclavage au point de vue religieux. Comme tout ceux qui font mal, il cherche des excuses dans le sophisme et l’argutie. La conscience ne souffre pas que nous nous écartions de la justice sans essayer de nous en justifier. C’est le dernier hommage du vice à la vertu. «On n’a pas fait assez attention, dit M. Rigord, que, ni dans les saintes Ecritures, ni dans les interprétations des Pères de l’Eglise, l’esclavage n’a été marqué de cette flétrissure qui caractérise le crime dans ceux qui perpétuent une chose essentiellement mauvaise.» (page 36) Qu’est-ce que saint Paul nous commande de prêcher à l’esclave? Il nous commande de lui dire: «Esclave, obéis à ton maître comme à Jésus – Christ lui-même, faisant de bon coeur la volonté de Dieu, qui t’a mis dans cet état, et qui demande de toi cette obéissance et cette soumission.» «Nous n’avons pas d’autre morale à enseigner au noir, tant qu’il sera dans la servitude. Notre mission n’est pas plus étendue que celle de l’apôtre.» (page 68.)

En vertu de ce texte, M. l’abbé déclare qu’il ne se croit nullement obligé de parler, ni de faire quoi que ce soit contre l’esclavage, et il se charge d’expliquer par quel raisonnement le clergé colonial est parvenu à se sentir tout à fait désintéressé dans la question. «Nous avons prouvé que l’esclavage ne constituait un crime devant aucune loi, soit divine, soit humaine, et que cette condition, en tant qu’elle est le résultat d’une institution matériellement et légalement établie, n’était pas de notre compétence. Ce sont les puissances humaines qui ont légalisé la servitude; c’est à elles à briser le lien des esclaves. Quant à nous, quelles raisons pouvons-nous avoir pour saper les fondements de l’esclavage avec ce zèle qui doit nous animer toutes les fois qu’il s’agit de combattre une chose mauvaise? Notre mission n’est-elle pas plutôt de protéger les intérêts de tous, et de calmer les passions qu’une question si délicate doit naturellement soulever?» (page 57.)

Avec ces doctrines impitoyablement égoïstes, il est presque inutile de dire que M. Rigord est loin d’avoir aucune répugnance pour la traite des nègres. «Quand on réfléchit, dit-il, à l’état de dégradation dans lequel gémissent les hordes d’Afrique, on est porté à considérer la traite comme un fait providentiel, et l’on en veut presque à cette philanthropie qui ne voit dans l’homme qu’une chose: la liberté matérielle. Que de milliers de ces malheureux ont trouvé dans la servitude la liberté des enfants de Dieu!» (page 37.) Le curé de Fort-Royal poursuit longuement cette détestable pensée, et en vient, non pas seulement à absoudre l’infâme trafic, mais encore à le louer sans réserve en invoquant le Seigneur! «Les voies de Dieu ne se jugent pas d’après nos idées étroites et égoïstes. La religion ne s’occupe que secondairement du sort matériel de l’homme; à ses yeux peu importe qu’il soit libre ou courbé sous le joug de la servitude; bien plus, elle dit: Heureux ceux qui souffrent, heureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés. La conversion d’une âme a plus de prix aux yeux de Dieu que tout les avantages qui ont rapport à nos intérêts matériels.»(page 41) Ainsi donc, M. Rigord le reconnaît et l’avoue: les esclaves souffrent et pleurent; mais il veut qu’ils souffrent et qu’il pleurent, et il bénit le Tout-Puissant de ce fait providentiel, parce qu’ils seront consolés! O cruel insensé!

Nous sentons tout ce qu’a de pénible pour le lecteur la révélation de ces doctrines, qui semblent plus affligeantes encore quand on songe au caractère sacré de celui qui les professe; mais il est nécessaire d’aller jusqu’au bout. Cette brochure a une véritable portée dans la question de l’affranchissement. De même que les cruautés commises sur les habitations témoignent que l’esclavage émousse tout sentiment humain, de même, les idées de M. l’abbé Rigord prouvent qu’il atrophie tout sens moral.

On avait présenté jusqu’ici le mariage comme un moyen de moralisation pour la classe servile: eh bien! M. Rigord démontre que les exigences du catholicisme imposent au clergé colonial le devoir de ne pas marier les nègres! Entendez-le: «Si les protestants ont fait beaucoup de mariages dans les îles anglaises, c’est qu’en ôtant au lien conjugal son caractère divin, en le considérant plutôt comme un acte purement civil que comme une source de grâce et suppose par conséquent la confession, c’est-à-dire l’accusation des péchés suivie d’une détermination bien sincère de ne plus les commettre. Ainsi, la religion catholique, qui nous ordonne d’engager les esclaves à contracter des unions légitimes, nous fait un devoir rigoureux de les repousser de nos autels, lorsque nous ne voyons pas en eux les dispositions nécessaires, c’est-à-dire lorsque nous jugeons qu’il ne peuvent recevoir le sacrement du mariage sans commettre un sacrilège.»(page 74.) Ceci est bien clair. Nous devons exciter les esclaves au mariage; mais ils sont trop méchants pour se confesser avec une contrition suffisante: donc nous ne pouvons les marier! – La conséquence forcée de l’argument du curé de Fort-Royal est tout simplement la perpétuation du concubinage parmi les nègres!

Au surplus, l’abbé Rigord n’avait pas besoin de chercher ces laborieux sophismes pour essayer de s’en faire une justification. Eût-il autant de zèle que d’indifférence, autant d’amour du bien que de mépris pour ses devoirs, il ne parviendrait pas à engager les nègres esclaves à se marier. Les ministres protestants eux-mêmes, malgré «leur facilité à accorder le sacrement du mariage,» et, ce qui vaut mieux, malgré leur réel dévouement pour les pauvres noir, n’avaient pas réussi à faire de mariages sous le régime de la servitude; les nègres des colonies anglaises ne se marient que depuis l’émancipation, et cela sans qu’on ait besoin de les en presser. C’est une chose bien constatée, et nous en rappellerions les preuves données autre part, si on la niait. La moralisation préalable des esclaves par le mariage est un des non-sens employés par ceux qui ne veulent pas leur liberté. Les unions légitimes parmi les esclaves seront toujours des exceptions. Comment l’homme qui ne s’appartient pas voudrait-il épouser une femme qui n’est pas libre de se donner; une femme pour le bonheur de laquelle il ne peut rien, tandis que son maître, au contraire, peut la fouetter nue quand il lui en prend fantaisie? Comment l’homme et la femme, qui ne pourront rien pour leurs enfants; l’homme et la femme pour lesquels leurs enfants ne pourront rien; l’homme et la femme auxquels leurs enfants seront arrachés à l’âge de quatorze ans, s’il plaît au maître; comment enfin de misérables esclaves, auxquels la famille légale est littéralement impossible, consentiraient-ils à se marier? Non, non, ce n’est point parce que les nègres sont bruts ou méchants qu’il ne recherchent pas un sacrement que leur refuseraient les prêtres semblables à M. l’abbé Rigord, c’est parce que le mariage est incompatible, radicalement incompatible avec l’esclavage.

Mais n’abandonnons pas le raisonnement de l’écrivain ecclésiastique. Pourquoi les nègres sont-ils si bruts ou si méchants qu’il lui paraissent?… Ici M. l’abbé Rigord se lave les mains comme Pilate; il rejette la faute sur les puissances temporelles, et elles auront, du reste, quelque peine à se défendre contre les accusations de ce prêtre, qui ne veut évangéliser qu’autant qu’on le lui commandera et qu’on lui rendra la chose bien facile.

«L’ordonnance du 5 janvier 1840, concernant l’instruction religieuse, était inexécutable, dit-il; les devoir imposés aux curés étaient incompatibles avec l’esclavage.» (Page 63.)

Il y a des colons, même des membres de la Cour royale de la Martinique, comme MM. Lepelletier-Duclary et Robillard, encore en possession du siège où ils font exécuter les lois protectrices des esclaves, qui ont proclamé l’ordonnance du 5 janvier illégale, et, par conséquent, non obligatoire; voici un curé qui la déclare incompatible avec l’esclavage. Que l’on se figure sur quelle impunité doivent compter prêtres et magistrats pour stigmatiser de la sorte les décrets de la métropole, et comment ils appliquent la loi qu’ils flétrissent publiquement!

Au surplus, la conduite du département de la marine, en ce qui le concernait dans l’acte du 5 janvier, fut d’accord avec son indulgence pour ceux qui l’insultaient. L’auteur de la brochure établit qu’en n’envoyant pas le nombre de prêtres nécessaire, le gouvernement fut le premier à rendre son ordonnance nulle et impraticable. «Il faut, dit-il, beaucoup de missionnaires pour suffire à tous les besoins des colonies. Les curés des paroisses ne pourraient pas, dans les principales communes, remplir toute l’étendue des devoirs que demande la moralisation des esclaves. Dans plusieurs de ces communes, on compte plus de vingt habitations, ce qui ferait, d’après l’ordonnance, vingt visites qu’il aurait fallu faire dans le courant du mois, et, par conséquent, vingt absences qui ne pourraient pas se concilier toujours avec l’occurrence d’autres devoirs qui pourraient être plus urgents. Il faut donc que le ministère qu’on aura à exercer dans les ateliers soit en dehors du ministère des paroisse, et qu’il soit confié, par conséquent, à des prêtres spéciaux.» (Page 82.)

Ainsi, «il faudrait beaucoup de missionnaires pour les habitations;» au lieu de cela, le gouvernement n’envoie pas même assez de prêtres pour les paroisses! Les chapelles rurales, qui se construisent enfin, restent fermées faute d’aumôniers pour les desservir. C’est encore le curé de Fort-Royal qui l’avoue! Quelle sincérité dans l’emploi des moyens d’initiation.

Certes, personne ne sera tenté de prendre M. Rigord pour un de ces négrophiles impatients qui veulent tout faire à la fois; et cependant, on le voit, lui aussi, sans avoir d’ailleurs l’intention de blâmer, prouve que le ministère de la marine ne travaille réellement pas à ces préparations religieuses que les ennemis de l’affranchissement présentent comme un prélude obligé à la délivrance des nègres. M. l’abbé Rigord, dans sa naïveté, nous ne voulons pas dire son cynisme, va bien plus loin; s’il est pour les maîtres contre les esclaves, c’est qu’il veut rester curé à la Martinique; s’il défend la servitude, c’est que le gouvernement abandonne aux vengeances de l’oligarchie coloniale les fidèles à la loi qui prêchent la fraternité chrétienne! Voici ses propres paroles: «On ne se fait pas une idée assez juste de la situation du clergé dans les colonies. Les préjugés sont un écueil contre lequel un grand nombre de prêtres viennent échouer. Il faut être abolitionniste ou anti-abolitionniste. Dans cette situation, que faire? Nous ne le demandons pas à M. de Montalembert, qui nous accuse déjà d’être partisans des colons; mais nous lui apprendrons que TOUS CEUX parmi nos confrères qui ont voulu se jeter trop ostensiblement dans l’autre voie, ont été forcés de quitter les colonies. Il y avait cependant parmi eux des prêtres estimables, et ils défendaient une bonne cause, mais ils avaient voulu devancer l’heure de la Providence.» (Page 85.)

Tout ce qu’ont dit, M. l’abbé Goubert, dans son éloquent petit livre Pauvres nègres, M. l’abbé Dugoujon, dans sa brochure si pleine de faits. Lettres sur l’esclavage, M. l’abbé Lamache, dans le mémoire pour sa défense, où il a montré une verve de style fort rare, tout ce qu’ont dit les autres prêtres, expulsés des Antilles pour avoir embrassé la cause des malheureux esclaves, des faibles, des opprimés, est donc bien vrai et n’a rien d’exagéré. Voilà un de ces ecclésiastiques prudents et sages, comme les aiment les planteurs, qui confirme leurs assertions. Il répète ce que nous avons dit nous-mêmes tant de fois, il l’avoue: les fonctionnaires qui ne pactisent pas comme lui avec la servitude sont chassés des colonies. Et celui-là, on peut l’en croire: ce n’est pas une des victimes; il ne l’a jamais voulu devancer, l’heure de la Providence. Que répondra le ministre de la marine? N’est-il pas le premier, le vrai coupable? N’est-ce pas à lui, en définitive, que remonte la responsabilité du mal, que revient la honte d’avoir sacrifié à l’esclavage et aux préjugés créoles TOUS ces prêtres estimables, défenseurs de la bonne cause? Que deviennent, après cela, les calomnies qu’il a laissé débiter contre eux à la tribune et ailleurs, et dont il s’est fait le complice en abandonnant ceux qui en étaient l’objet comme indignes de sa confiance?

M. l’abbé Rigord, qui est évidemment un homme très léger, a fait ainsi, pour les besoins des on discours et sans réfléchir à la portée de ce qu’il disait, plusieurs aveux dont nous avons légitimement le droit de nous emparer. Venus d’un prêtre aussi dévoué aux colons, et aussi instruit des choses coloniales, ces aveux ne peuvent être suspects dans sa bouche: ils lui seront probablement fort reprochés par ses amis, comme de compromettantes indiscrétions, mais ils n’en resteront pas moins acquis à la vérité. On lit, par exemple, à la page 25 de sa brochure: «La majeure partie des propriétés de la Martinique sont grevées de dettes dont le chiffre dépasse leur valeur.» Il n’est pas inutile que les meilleurs amis des colons confirment des faits semblables.

Achevons la pénible tâche que nous nous sommes imposée. Bien que M. l’abbé Rigord n’ait pris la plume que pour combattre les abolitionnistes et réfuter M. de Montalembert, il n’est pas assez malhabile pour demander grossièrement le maintien de l’esclavage; non, il a suivi la tactique nouvelle: il se prononce en résumé pour la liberté, mais «il veut qu’on laisse la religion préparer graduellement les voies à l’émancipation, et qu’on n’entrave pas son influence par l’impatience.» Il demande du TEMPS; c’est son dernier mot. Du temps! Mais il y a 300 ans, prêtres de la servitude, que vous êtes chargés de moraliser les nègres. Ce n’est que pour en faire des chrétiens que Louis XIII, avec les déplorables idées de son époque, permit d’en faire des esclaves, et vous déclarez encore aujourd’hui qu’ils ne sont pas même en état de recevoir le sacrement du mariage. Du temps! Mais il y a bientôt HUIT années que la loi du 10 août 1839 a alloué une somme annuelle de 650,000 fr. en vue de l’amélioration morale et religieuse des noirs; il y a plus de SEPT ans que l’ordonnance pour l’instruction religieuse et élémentaire des esclaves est en vigueur; or, vous le confessez vous-même: «Il n’existe pas un seul enfant esclave dans les trois écoles gratuites de Fort-Royal.» (Page 86.) Du temps!

Mais les colons les plus endurcis ne demandent pas autre chose, leurs délégués à 25,000 fr. ne s’expriment pas d’autre manière. Du temps pour préparer les nègres à la liberté! Mais c’est un ajournement indéfini; personne n’est plus dupe de cette formule, sous laquelle il n’y a que l’esclavage avec l’hypocrisie de l’émancipation.

Au nombre des moyens qu’emploie «la religion pour préparer graduellement les noirs à l’émancipation,» M. l’abbé Rigord compte sans doute le mépris pour la classe de couleur, pour la race des esclaves. Plusieurs sang-mêlés de Fort-Royal lui ont écrit, le 25 octobre 1845, une lettre très digne, dans laquelle ils lui rappellent «qu’à l’inauguration de son presbytère, il s’est abstenu de convoquer le conseil de fabrique, parce qu’il comptait dans son sein un homme de couleur.» Ce prêtre du Dieu de l’égalité est comme les colons; il a une sainte horreur du contact des mulâtres.

On trouvera peut-être que nous nous sommes occupé trop longuement d’une pareille brochure. Ce n’est cependant pas sans raison que nous l’avons fait. M. l’abbé Rigord s’est montré plus audacieux que les autres; mais il n’est pas seul à penser ainsi parmi les prêtres des colonies. Il ne s’est pas élevé une voix parmi eux pour protester, au nom du clergé, contre les odieuses doctrines du curé de Fort-Royal: loin de là, cette brochure est dédiée à M. l’abbé Jacquier, préfet apostolique de la Martinique, parce qu’après avoir pris connaissance du manuscrit, il a daigné lui donner son approbation. Or, M. Jacquier a été porté à la charge suprême de préfet apostolique «par le voeu unanime du clergé de l’île» (Page 101).

M. l’abbé Bonnet exilé de la Guadeloupe pour son dévouement aux esclaves

(Réforme, 24 mai 1846)

On veut, dit-on moraliser les esclaves par la religion, et les mauvais prêtres seuls obtiennent les faveurs des autorités créoles qui régissent nos possessions d’outre-mer! C’est là une chose bien triste et presqu’incroyable; mais elle n’est que trop vraie. Les missionnaires qui montrent quelque sympathie pour les noirs sont certains de tomber en disgrâce. Qu’un abbé des colonies attaque ouvertement les chrétiens et les philanthropes ensemble qui demandent l’émancipation, il n’en restera pas moins curé de Fort-Royal, la cure la plus riche et la plus agréable des Antilles; mais qu’un pauvre vicaire ose manifester des sentiments opposés, sa modeste place paraîtra trop bonne encore pour lui, et si on ne l’expulse pas honteusement des îles comme tant d’autres, si on ne l’embarque pas, selon le terme consacré, on lui fera du moins rudement porter la peine de ses mérites et de ses bonnes oeuvres. C’est ce qui est arrivé à M. l’abbé Bonnet, vicaire de l’église de Sant-François, à la Basse-Terre (Guadeloupe). Cet excellent prêtre vient d’être exilé par le Directeur de l’intérieur, M. Billecoq, à la Désirade.- La Désirade est un rocher dépendant de la Guadeloupe, affreusement aride et presqu’exclusivement occupé par la léproserie où l’on concentre tous les lépreux des Antilles françaises.

M. l’abbé Bonnet est du petit nombre de prêtres qui ne sont point allés aux colonies pour y faire fortune, mais bien pour y exercer le saint ministère avec la foi des vrais apôtres; en l’envoyant à la Désirade, espèce de Botany-Bay, on a voulu l’éloigner d’abord et ensuite le punir du zèle qu’il mettait à instruire les noirs. Mais ce qui a surtout déterminé sa disgrâce auprès d’un aussi ardent créolisé que M. Billecoa, ce qu’on ne lui pardonné pas, c’est d’avoir commis le crime de prêter 100 fr. à une pauvre mère, sa pénitente, afin de l’aider à réclamer ses enfant en vertu de l’article 47.

Il en eût fallu moins encore pour exciter l’animadversion des grands planteurs auxquels M. Billecoq s’est donné. Si par hasard le département de la marine, dont l’indulgence lui semble assurée, se permet quelques observations, le directeur de l’intérieur ne manquera pas de faire la réponse dont le ministère a pris l’habitude de se contenter en pareil cas, à savoir que M. l’abbé Rigord, lui appelle cela – «devancer l’heure de la Providence». –Imprudents, dangereux; c’est ce que disent toujours les colons des gens dont ils veulent se débarrasser. L’institution de l’esclavage est si respectable qu’on ne saurait trop la ménager, en vérité!

Il semble, du reste, que l’aumône du bon prêtre ait été bénie; Mme. Romaine, par une exception rare, par un raccroc de préfecture, comme on nous écrit, a gagné son procès, ses enfants sont libres. M. l’abbé Bonnet n’aura pas seulement la conscience du devoir accompli pour se consoler dans l’exil, il aura encore le bonheur du sucés. Aussi n’est-ce point dans l’espoir qu’il lira un jour ces lignes, que nous lui écrivons; celui qui affronte la persécution n’a pas besoin des encouragements du dehors; c’est afin de montrer une fois de plus comment sont traités aux Antilles les hommes qui prennent au sérieux la mission de préparer les nègres à l’indépendance par l’instruction religieuse.

Les créoles ont trop l’usage de la tyrannie pour en ignorer la science, ils savent très bien qu’en frappant les courageux dès qu’ils apparaissent, ils obtiennent deux avantages, le premier d’eteindre toute velléité de zèle les tièdes et les timides, le second d’inspirer aux hommes corrompus l’audace d’afficher leur corruption. Ceux-ci, en voyant qu’on a le pouvoir de briser les adversaires de l’esclavage, jugent qu’on aura celui de récompenser ses défenseurs, et les planteurs ont la triste gloire de montrer au monde étonné un prêtre de Jésus-Christ, qui proclame la légitimité de la servitude.

SEMINAIRE DU SAINT- ESPRIT

§. 1

On renseigne au séminaire du Saint-Esprit que la servitude n’offense ni la loi divine ni la loi naturelle, ni la loi civile, ni la religieuse.

(Reforme 8, 9, 10 et 14 septembre 1846)

La première de trois ordonnances que nous avons analysés plus haut (page 60), donne au clergé une part importante dans l’oeuvre de moraliser que le gouvernement présente comme le prélude obligé de toute mesure d’abolition partielle ou générale. Il devient donc plus utile que jamais, d’examiner jusqu’à quel point le clergé colonial est apte à remplir la haute fonction qu’on lui assigne. Si nous démontrons que les prêtres des îles sont les complices des maîtres et soutiennent l’esclavage, il faudra que le gouvernement approprié les hommes de l’église à leur rôle apostolique, ou il donnerait à tout le monde de mettre en doute la sincérité de l’ordonnance qu’il a rendue, concernant l’instruction religieuse des noirs.

Or, nous voulons prouver que cette ordonnance sera non-avenue, comme celle du 5 janvier 1840, qui avait le même objet, si le ministère ne s’empresse au plus tôt de remanier complètement le personnel ecclésiastique des îles et ne cesse pas de le recruter comme il l’a fait jusqu’à ce jour.

Nous n’hésitons pas à le dire: tel qu’il est aujourd’hui composé, le clergé colonial est indigne de la bienfaisante et délicate mission qu’on lui confie.

M. l’abbé Rigord s’est chargé d’avance de justifier notre accusation.

Quelque personnes, révoltées de ce que dit sa brochure, nous ont témoigné leur pénible surprise en apprenant que ses doctrines étaient généralement admises par le clergé colonial, et que leur publication n’avait pas provoqué une seule protestation parmi les prêtres. C’est effectivement là un fait aussi extraordinaire qu’il est malheureusement vrai. Mais chose plus triste encore, et qui explique jusqu’à un certain point la participation des missionnaires à l’esclavage, le gouvernement se charge en quelque sorte lui-même de pervertir ceux qu’il envoie aux îles, de les façonner au système colonial.

En avançant cela, nous ne sommes mus par aucune impatience d’abolitionniste, par aucune passion politique, nous ne faisons que céder à l’évidence des faits. Que le lecteur veuille donc bien lire ce qui va suivre avant de nous taxer d’exagération.

Il existe à Paris, rue des Postes, un séminaire dit du Saint- Esprit, dont l’existence remonte à la fin du siècle dernier. Cet établissement religieux est spécialement destiné à former des missionnaires. C’est de là que le ministre de la marine tire tous les prêtres qu’il envoie aux îles, et c’est là, a-t-il déclaré encore l’année dernière(1) «que le clergé des colonies doit puiser à la fois sa direction spirituelle et ses moyens de recrutement». Pour atteindre ce but, le département de la marine a alloué au Séminaire du Saint-Esprit une somme annuelle de 50.000 fr. prise sur le fond de 650.000 fr. votée par la loi de finance du 10 août 1939, en vue de la moralisation de la population noire.

(1). Compte-rendu de l’emploi des fonds alloués depuis 1839 pour l’enseignement des noirs, mars 1846.

Et d’abord, pourquoi le séminaire du Saint-Esprit fournirait il exclusivement, comme dit le ministre, les prêtres de nos colonies? La morale évangélique n’est-elle pas la même partout? L’enseignement clérical n’est-il pas le même pour toutes les conditions? Les ministres de Dieu ont-ils donc des spécialités?

Ne sont-ils pas toujours et partout, ne doivent-ils pas être toujours et partout les hommes du dévouement et de la charité?

Aimez-vous les uns les autres, voilà toute la loi. Pourquoi est-il nécessaire que le prêtre disposé à aller aux colonies subisse un noviciat au séminaire du Saint-Esprit et aille «puiser là sa direction spirituelle?»

Nous avons nous-mêmes peine à croire que le gouvernement ait dessein de corrompre les ecclésiastiques auxquels il donne charge de moraliser les esclaves. Et cependant, comment se fait-il qu’il veuille les tirer, par exception, de la rue des Postes? Il ne peut ignorer que cette école religieuse est imbue de détestables principes précisément à l’endroit de l’esclavage, et que sa direction spirituelle est contraire à l’oeuvre d’amour qu’on se propose d’accomplir aux îles, nous voulons dire à la préparation des noirs pour la liberté.

Le meilleur moyen de juger de l’esprit d’une école est assurément d’apprécier celui de ses élèves, eh bien! la chose est évidente, l’enseignement du séminaire de la rue des Postes est mauvais, car les doctrines de ses disciples sont mauvaises, oui leur volonté pour la régénération des pauvres esclaves est négative lorsqu’elle n’est pas audacieusement hostile, et M. le ministre de la marine l’a constaté lui-même en ces termes:

«Quant aux résultats réalisés par l’intervention directe du clergé, dans l’oeuvre de la moralisation des esclaves, ils n’ont pas sans doute, jusqu’à ce jour, répondu entièrement aux nécessités de l’époque et aux voeux qui appellent la civilisation de la race noire, mais etc.» Le gouverneur de la Guadeloupe avait été plus explicite: le 29 août 1841 il s’était chargé de démentir d’avance le mais plein d’excuses du ministre.

«Ainsi qu’on la fait connaître à Votre Excellence, l’instruction religieuse n’a pas reçu ici une bonne direction. Le clergé n’apporte pas un zèle extrême dans l’accomplissement de sa mission. Les prêtres s’occupent peu de l’instruction religieuse des noirs, et, à cet égard, il faut l’avouer, l’autorité ecclésiastique mérite bien quelque reproche».

Nous avons, au reste, des témoignages plus directs, plus positifs encore sur les funestes tendances de l’enseignement de la rue des Postes. Un prêtre, ex missionnaire apostolique du Saint-Esprit, a fait à cet égard des aveux trop candides, trop peu passionnés pour qu’on puisse mettre en doute leur bonne foi. Ce qu’on va lire est extrait des Lettres sur l’Esclavage de M. l’abbé Dugoujon, qui après avoir passé dix-huit mois à la Guadeloupe, s’est retiré en reconnaissant qu’il lui était impossible de faire le bien.

M. l’abbé Dugoujon avait hâte de connaître ceux qu’il allait évangéliser; il tendit la main aux premiers nègres qui montèrent à bord, lors de l’entrée du navire à la Pointe-à-Pitre. «Le cuisiner du bâtiment, raconte-t-il, me dit en particulier de me donner bien garde de renouveler à terre ce que je venais de faire, ajoutant que quiconque donne la main à un noir ou à un mulâtre se déshonore; que l’usage ne permet pas même qu’on leur rende le salut. L’avertissement de cet homme m’aurait étonné si je ne m’étais rappelé ceux que nous avait donné M. l’abbé Warnet dans ses classes de rituels».

Ainsi, le séminaire qui forme des prêtres pour instruire la race noire, leur enseigne qu’ils ne doivent pas donner la main à un nègre!

M. Dugoujon poursuit: «Avant de venir ici et à mon arrivez, je croyais, sur la parole de mes supérieurs, que l’esclavage n’était point contraire au droit naturel, et que par conséquent on pouvait, sans scrupule aucun, vendre, acheter, aliéner des hommes; mais les choses dont je viens de parler me donnent, sur la légitimité de ce commerce, de graves soupçons»

On professe donc au séminaire du Saint-Esprit que l’esclavage est de droit naturel, et que l’on peut vendre et acheter un homme comme un cheval!. Est-ce que les élèves du Saint- Esprit, au lieu d’être chargés d’inculquer aux esclaves les premières notions de la dignité humaine, sont au contraire chargés de rassurer la conscience des maîtres sur la légitimité de la possession de l’homme sur l’homme?

«D’après les renseignements que j’avais reçus, dit plus loin M. Dugoujon, je croyais fermement que la servitude ne différait de la domesticité que par la durée, et persuadé que le maître n’a, en réalité, que la propriété du travail servile, il me semblait que la condition de l’esclave, n’atteignant nullement la personnalité humaine, n’avait rien de contraire à l’humanité».

Pense-t-on que les prêtres, qui ont pour devoir d’interposer un caractère sacré entre le maître et l’esclave, éprouveront un bien grand zèle pour celui-ci lorsqu’on met tant de soin à leur présenter la servitude sous un jour favorable et à les convaincre qu’elle ne blesse pas l’humanité? Comment se fait-il qu’à l’école où l’on élève des hommes pour aller combattre un mal, on les trompe aussi odieusement sur la nature de ce mal?.

Lisez encore ce passage:

«Les esclaves ne sont pas malheureux, nous disait-on au séminaire; ce que leur condition a de misérable et d’avilissant, la coutume le leur a rendu si naturel, qu’ils ne semblent même pas s’en apercevoir, ni désirer mieux. J’entendais également mon curé et les créoles dire à tout moment de pareilles choses, et j’avais de la peine à me faire à cette idée que des mères, qui aiment leurs enfants aussi tendrement que les négresses, pussent se trouver bien d’une condition qui les prive de toutes les douceurs et de toutes les consolations de la maternité».

Nous le demandons, si l’établissement de la rue des Postes était payé par les colons pour jeter des doutes dans l’esprit de ses disciples, sur l’urgence et la validité de l’oeuvre d’émancipation, leur pourrait-il débiter autre chose que ces misérables sophismes de maîtres: Les esclaves ne sont pas malheureux, ils ne désirent pas changer de condition».

Mais, dira-t-on peut-être: ce sont là les assertions d’un seul individu; qui peut répondre qu’elles méritent créance? La parole d’un homme ne suffit point à condamner une mission aussi considérable que celle du séminaire du Saint-Esprit, protégée et entretenue par le gouvernement. Il se peut, d’ailleurs, que M. l’abbé Dugoujon croie avoir sujet de se plaindre de ses professeurs, et que, foulant aux pieds la reconnaissance et la vérité, il calomnie volontairement l’école qui l’a élevé. Hâtons nous de prévenir cette objection. La réputation de notre auteur, comme homme et comme prêtre, est intacte; les colons eux-mêmes n’ont pu la flétrir, malgré leurs efforts. Qui lira ses Lettres pourra se convaincre qu’il est honnête; elles portent le cachet de la sincérité; on n’y trouve aucune trace d’acrimonie. Au surplus, les citations que nous avons faites témoignent de sa bonne foi par le calme qu’on y remarque. Il raconte naïvement ses impressions et ses souvenirs.(1)

(1). M. l’abbé Dugoujon n’a pas obtenu précisément l’honneur d’être chassé de la Guadeloupe, abreuvé de dégoûts, c’est lui qui a sollicité un congé. Mais l’abbé Fourdinier, supérieur du Saint-Esprit pour les colons, lui mandait aussitôt après son retour en France: «ne vous y trompez pas, on voulait que vous partissiez sans bruit, aussi le gouvernement, M. Jubelin, a-t-il écrit en même temps pour qu’il vous fût enjoint de ne pas revenir». Une feuille vouée au service de l’esclavage a essayé de calomnier M. Dugoujon; celui-ci l’a très courageusement confondue, devant les tribunaux, où il a produit d’honorables certificats de M. Lacombe lui-même, le préfet apostolique de la Guadeloupe.

Et cependant ce que rapporte M. l’abbé Dugoujon blesse à tel point la morale, qu’on est toujours tenté d’en douter. Ce n’est pas vrai, car c’est impossible, pourront dire quelques-uns. Etablissons donc que M. Dugoujon n’a révélé que la vérité, rien que la vérité: ce sont les livres de classe du séminaire du Saint-Esprit qui nous en fourniront d’irrécusables témoignages.

Ce qu’on va lire est scrupuleusement et littéralement traduit de la THEOLOGIE DOGMATIQUE ET MORALE professée dans ce collège religieux. Elle a pour auteur M. D. Lyonnet. l’édition dont nous nous servons porte la date de 1837, et se vend à Lyon, chez Pelagaud, Lesne et Crozet, rue Mercière, 26.- Ouvrez le tome 8º page 52 et ss. Traité de la justice et du droit.

«On demande si l’homme a sur un autre quelque droit de propriété (dominium) et quel est ce droit?

Réponse: Par le droit primitif de nature, l’homme n’a sur un autre homme aucun droit de propriété, parce que d’après le droit de nature, tous les hommes sont égaux, comme étant de même nature et nés du même père, et destinés à la même fin. Mais l’homme peut avoir un droit de propriété sur un autre homme, dans ce sens qu’il peut l’acheter, le vendre, ou s’en servir pour le faire travailler; car l’esclavage, de la manière que le conçoivent les chrétiens, n’est autre chose qu’une perpétuelle surjection par laquelle un homme est tenu de travailler pour un autre en retour des alimens qu’il lui donne: or, cet état n’est en contradiction avec aucune espèce de droit.

1º Il n’est pas en contradiction avec le droit naturel. Le droit naturel permet que quelqu’un cède de son droit ou qu’il en soit privé pour une raison suffisante; or, lorsque quelqu’un devient esclave, il le devient, ou parce qu’il cède l’usage de sa liberté, ou parce qu’il en est privé par une raison suffisante: car quelqu’un peut devenir esclave, soit par vente, soit par une juste condamnation, soit par le droit de guerre, soit par sa naissance. Or, dans tous ces cas, l’homme devient esclave, ou parce qu’il cède de son droit, or parce qu’il en est privé pour une juste cause.

«Premièrement, il est esclave par achat, parce qu’il a transporté à perpétuité à un autre le droit de propriété utile qu’il avait lui-même sur ses membres; c’est ainsi qu’un domestique cède pour un temps, onéreusement ou gratuitement, l’usage de ses membres; deuxièmement, il est esclave par une juste condamnation, parce que le juge qui pouvait le condamner à mort, a pu, à plus forte raison, le condamner à l’esclavage; troisièmement, il est esclave par le droit de guerre, parce que le vainqueur tient ce droit de la convention des nations; quatrièmement, il est esclave par naissance, car, dans l’intérêt public, c’est à dire, pour empêcher que les enfants qui naissent d’une esclave ne périssent ou ne vivent de vols, puisque les parens esclaves n’ont rien pour nourrir leurs enfans, le prince a pu établir que celui qui naîtrait d’une mère esclave eût droit aux vêtemens et aux alimens chez son maître, par le fait même qu’il est esclave.

2º.- Il n’est pas en contradiction avec le droit divin. S’il était contraire au droit divin, la loi qui le condamne serait ou dans l’ancien ou dans le nouveau Testament; or elle ne se trouve ni dans l’un ni dans l’autre. Elle ne se trouve pas dans l’ancien, puisque la loi de Moïse permettait aux Hébreux de se livrer en perpétuelle servitude(1). (Exod.21,Levit. 25) ni dans le nouveau, puisque Saint Pierre exhorte les esclaves à rendre tout honneur à leurs maîtres, même lorsqu’ils sont d’un culte différent.

(1). Est-ce donc à nous à défendre Moïse contre un théologien? C’est la plus grande gloire au contraire du sublime législateur des Hébreux d’avoir, à cette époque reculée du monde, protesté contre l’esclavage en n’autorisant pas la servitude perpétuelle des Israélites. Le jubilé est institué pour annuler tout engagement servile parmi les enfants d’Israël. «Vous sanctifierez cette année, vous crierez LIBERTE dans les pays pour tous les habitans. Cette année sera pour vous le jubilé. Vous retournerez chacun dans sa possession, et chacun retournera dans sa famille». (Levitique, chap. 25, V 9 et 10) Tout le monde sait, au reste, que Moïse fit une bien autre protestation contre la servitude. Il est le premier esclave révolté de l’antiquité.

3º.- Il n’est point en contradiction avec le droit civil en général. Car la servitude fut permise chez les nations, même les plus civilisées, et elle est permise, encore aujourd’hui, chez diverses nations.

. -Il n’est pas en contradiction avec le droit ecclésiastique.

«Car dans divers passages du droit canonique, on traite de la servitude et on la suppose toujours permise.

Donc, etc.

Cette propriété du maître sur l’esclave n’est que la propriété de son travail avec l’obligation pour le maître de donner à l’esclave ce qui lui est nécessaire et ce qui est raisonnablement utile à son corps et à son âme; car ces droits sont essentiels à la nature humaine et l’esclave ne peut les abdiquer.

CONCLUEZ DE LÀ 1º.- Que le commerce des nègres, quoique déplorable, est à la rigueur licite, s’ils sont privés à juste titre de leur liberté et s’ils sont traités avec humanité par les marchands. Cependant, comme ces conditions ne sont presque jamais remplies, ce n’est qu’à grand peine que ce commerce peut n’être pas condamnable. C’est pourquoi dans nos colonies et dans tous les pays où il est encore en vigueur, il est soumis à de nombreuses restrictions.

Vous direz peut-être: un commerce est illicite lorsqu’il détruit la dignité de l’homme; or c’est ce que fait le commerce des nègres, car dans ce commerce l’homme est vendu comme un cheval ou un mulet.

Répondez négativement.- Autrefois la religion de Moïse le permit aux Israélites, et maintenant la religion chrétienne, quoiqu’elle le modifie considérablement, ne le réprouve pas à la rigueur; en effet, l’homme ayant le droit utile ou l’usage de ses membres, rien n’empêche que par une servitude volontaire il le transfère à un autre. De là, personne ne peut se plaindre que l’on assimile l’homme aux chevaux et aux bêtes de somme; car il faut distinguer dans l’homme ce qui tient à la personne et ce qui tient à la nature, pour ce qui tient à la personne, il est l’image de Dieu, et par conséquent ne ressemble à rien sur la terre; pour ce qui tient à la nature, il boit, il mange et fait toutes les actions communes aux brutes. Par la servitude on aliène seulement l’usage de la vie matérielle et des membres, ce qui se loue tous les jours, aussi bien pour les hommes que pour les animaux.

CONCLUEZ DE LA: 2º.- Que les esclaves de vente ou de naissance ne peuvent s’enfuir, à moins qu’ils ne manquent du «nécessaire ou ne soient excités au péché, car en fuyant, ils priveraient leur maître de son droit et de sa chose; mais s’ils manquent du nécessaire ou sont excités au péché, ils peuvent fuir, parce que le contrat étant rompu d’une part, il l’est de l’autre par cela même. Ainsi, les esclaves faits à la guerre peuvent fuir d’après le droit de post-liminium(1) s’ils en trouvent l’occasion. En effet, les nations chez lesquelles le droit de servitude a été introduit n’ont jamais eu l’habitude de réclamer ceux qui avaient fui ainsi. De même la fuite est permise, lorsque cette fuite ne doit porter aucun dommage au bien public, aux esclaves qui le sont devenus par une juste condamnation, si la peine est trop pesante et trop longue; le prince n’a point entendu imposer l’obligation aux prisonniers de garder librement leurs fers lorsque facilement ils peuvent les briser; cette loi ne serait pas en rapport avec la fragilité humaine, et elle servirait plutôt à la perte qu’à l’édification.

(1). Suivant le droit romain, le prisonnier de guerre devenait esclave. Quand il pouvait a rentrer dans son pays, il était supposé n’en être jamais sorti, par conséquent, n’être jamais tombé dans l’esclavage. Il reprenait donc ses droits même pour le passé, ou pour mieux dire, il les conservait sans les avoir jamais perdus.- Telle était la conséquence d’une fiction admise sous le nom de post-liminum, en faveur des prisonniers de guerre qui rentraient dans leur patrie. On a appelé ce droit post-liminum, des deux mots limine (seuïl) et post (après)

Nous nous sommes trompé en disant tout à l’heure que telle était la doctrine professée sur l’esclavage au séminaire du Saint-Esprit [ dirigé par M. l’abbé Fourdinier]. La théologie de M. Lyonnet n’est plus admise. Il n’y a que les prêtres actuellement en exercice aux colonies qui aient été nourris de ce lait spirituel. En 1839, on changea le livre et l’on donna aux jeunes gens destinés à l’apostolat des isles, les Instructions théologiques à l’usage des séminaires, par M. Bouvier, évêque du Mans. On va voir si la morale, la logique et le bon sens ont beaucoup gagné au change. Ce qui suit est extrait de la 3ª édition de l’ouvrage de M. Bouvier, revu et corrigé. (1)

(1). A Paris, chez Méquignon Junior, rue des Grands-Agustins, nº 9 1839. Voir Traité du Droit, tome 6, chap. II, parag 26,27, et 28.

«Un homme peut avoir un droit de propriété parfait sur un autre homme, jusqu’au point qu’il peut, d’une manière licite, l’acheter, le vendre, ou s’en servir pour le faire travailler.

«Preuve.- Si un homme ne pouvait avoir un droit parfait de propriété sur un autre homme, ce serait certainement parce que cela serait défendu par le droit naturel, ou le droit divin, ou le droit civil, ou le droit ecclésiastique: or, on ne peut rien dire de semblable.

1.- Le droit naturel ne le défend pas.- Si en effet l’état de servitude était défendu par le droit naturel, c’est surtout parce que tous les hommes, d’après le droit naturel, sont égaux et libres, mais cette raison n’empêche pas qu’ils ne puissent devenir esclaves; car nos biens étaient communs, et cependant légitimement ils ont été divisés et sont devenus la propriété d’un chacun: donc a priori, etc., il peut se faire que quelqu’un se réduise lui-même en servitude, ou qu’il y ait une certaine raison suffisante pour qu’il soit privé de sa liberté, par exemple, 1.- le droit de la guerre, en effet, les ennemis qui sont pris peuvent être retenus comme vaincus: donc aussi ils peuvent être retenus comme esclaves; 2.- un délit, car en punition d’un crime on peut condamner quelqu’un à mort, a fortiori, à la servitude. Donc le droit naturel ne le défend pas.

2.- Le droit divin ne le défend pas, car si le droit divin improuvait la servitude, cette loi se trouverait dans l’ancien ou dans le nouveau Testament: mais elle ne se trouve ni dans l’un ni dans l’autre; bien plus, dans tous les deux on suppose que la servitude est permise: dans l’ancien, Exode 21 et Levit 25, dans le nouveau même, I. Tim 6, 1 Dnc etv

3.- Le droit civil ne le défend pas, car dans beaucoup de circonstances le droit civil a permis la servitude dans nos régions; même maintenant, il le permet dans d’autres régions encore; il est donc au moins possible qu’il ne le défende pas, donc. Etc.

4.- Enfin le droit ecclésiastique ne le défend pas, car dans beaucoup de passages du droit canon, on parle de la servitude et au contraire on suppose toujours, qu’elle est permise, Donc etc.

«D’autre part la religion chrétienne a trouvé la servitude existant partout: elle ne l’a pas prohibée, elle exhortait les esclaves à la fidélité, à l’obéissance, à la patience, et les maîtres à la miséricorde et à la douceur: ainsi elle a beaucoup adouci la condition des esclaves, et n’a pas peu contribué a leur parfaite émancipation.

«On demande 1.- si les esclaves ont le droit de s’enfuir?

R.- Les esclaves qui se sont vendus eux-mêmes, ou ont été justement vendus par autrui, ou qui ont promis qu’ils ne se sauveraient jamais, ne peuvent fuir sans injustice; en effet, alors il existe un légitime contrat en faveur du possesseur; et un contrat de cette nature ne peut sans injustice être violé, donc etc.

«Toutefois, les esclaves qui seraient excités au péché par leur maître et qui courraient un grand danger d’y succomber, ou qui seraient inhumainement traités, pourraient fuir licitement; car, dans ces cas, les maîtres abuseraient manifestement de leur pouvoir, et n’auraient pas le droit d’exiger obéissance; si cependant les maîtres changeaient de manière d’agir, alors les esclaves devraient retourner vers eux.

«Les esclaves qui, à la guerre ou en condamnation de quelque délit, ont été réduits en servitude, dans le fort de la conscience, ne seraient pas à blâmer s’ils fuyaient sans dommage pour autrui, c’est ce que nous enseignons au traité des lois avec S. Th., et en général tous les théologiens au sujet des peines.

«On demande» 2 si le commerce des Noirs est licite?

R.- Le commerce des Noirs, quoiqu’à déplorer, est néanmoins licite, à la rigueur, si trois conditions existent, qui sont entièrement nécessaires, à savoir, 1º.- qu’ils soient justement privés de leur liberté, 2.- qu’il n’y ait aucune fraude ni aucun dol de la part des marchands; 3º qu’ils soient humainement traités.

Preuves.- Ces trois conditions posées, le commerce des Noirs est licite; il ne répugne ni à l’humanité ni à la religion, ni à l’équité naturelle.

1.- Il ne répugne pas à l’humanité. En effet, on ne vend que l’usage de la vie et des membres; or l’usage de la vie et des membres peut tomber dans la propriété de l’homme, donc etc.

2.- Il ne répugne pas à la religion.- puisque les Noirs réduits en la propriété des chrétiens apprennent plus facilement la vraie religion que s’ils étaient demeurés libres dans leur religion.

3.- Il ne répugne pas à l’équité naturelle; car dans notre hypothèse, ils sont vendus par ceux qui ont le pouvoir de les vendre, et il ne répugne point du tout que les uns soient maîtres et les autres esclaves. En effet, comme dit Grotius, «si personne, d’après la nature, n’est esclave; personne d’après la nature, n’est garanti de la servitude». Donc, etc. Ainsi d’après le recueil Andeg, t. II des Etats, et Thèol du Mans. Etc.

«Mais comme presque jamais les trois conditions relatées ne se trouvent, c’est à peine s’il peut arriver que ceux qui exercent un tel commerce ne pêchent pas d’une manière damnable.

«Nos faux sages modernes ont calomnié l’église romaine, en disant faussement qu’elle favorisait trop le triste et déplorable commerce des Noirs. En effet, elle ne l’a jamais positivement approuvé; jamais ni directement ni indirectement elle n’a poussé les hommes vers ce commerce; mais à la vérité, elle n’a pas excité les Noirs, déjà en servitude, à la rébellion contre les colons, comme plusieurs apôtres furibonds de la philosophie et de l’humanité; mais toujours et partout, elle a tout fait pour rendre le malheur des esclaves plus doux et plus tolérable pour leur faire connaître les principes de la vraie religion, et les conduire heureusement à une vie meilleure».

On voit que la tortueuse et criminelle dialectique de certains théologiens n’a pas varié depuis les Lettres provinciales.

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§. 2

Légitimité de l’esclavage professée par M. Carrière, directeur

de Saint-Sulpice et par les conférences d’Angers

C’est une chose triste à dire et qui ne manquera pas d’affliger jusqu’au fond de l’âme tous les hommes sérieux et particulièrement les catholiques sincères; mais les hideuses doctrines de M. Lyonnet et de M. Bouvier, évêque du Mans, sur la dignité et les droits de l’humanité sont celles de presque tous les docteurs modernes de la religion. Nous les avons retrouvées dans le livre de M. Carrière sur la justice et le droit. M. Carrière, directeur de Saint-Sulpice, vicaire général de Paris, jouit d’une grande réputation de science parmi les théologiens. L’ouvrage que nous citons est une autorité pour tous les séminaires de France. Or, voici ce que chacun pourra y lire avec nous, au chapitre De la propriété d’un homme sur un autre homme, ou de la servitude. (t. 1er., p. 59 et ss)

«Cela posé, on peut établir ce qui suit:

Proposition. L’esclavage n’est pas en lui-même illicite.

Preuve. Pour établir et expliquer cette proposition, nous pouvons recourir soit à l’autorité, soit à la raison, ou en d’autres termes, au droit divin, au droit canonique, au droit civil, au droit naturel.

1º Au droit divin de l’ancien Testament., nous voyons dès les premiers temps Abraham lui-même posséder des esclaves.

Et n’en est aucunement blâmé. Moïse ne condamne pas la servitude, au contraire, il la suppose licite puisqu’il défend de désirer l’esclave de son prochain. Exode XX, 17 etc.

Au droit divin de nouveau Testament. Dans l’Evangile on ne rencontre rien d’où on puisse conclure que l’esclavage est illicite, dans les épîtres des apôtres, au contraire, plusieurs passages montrent qu’il est licite, etc.

Au droit canonique. Dès les premiers siècles, l’église ne dérogea en rien aux droits des maîtres, elle était si éloignée de réprouver la servitude qu’elle eut des esclaves, etc.

Au droit civil. Il est certain que la servitude a été admise chez tous les peuples. Il n’est pas moins certain qu’elle a été longtemps en vigueur, même sous des princes chrétiens, et chez les diverses nations, soit qu’elles se régissent par le droit romain ou par des lois à elles propres, etc.

Au droit naturel. Quoique personne ne soit esclave par nature, on ne doit pourtant pas conclure que l’esclavage est contraire au droit naturel, car, de même que les biens, communs d’après le droit naturel, ont pu cependant être divisés, de même, l’homme libre par sa nature a pu être dépouillé de sa liberté.

Et cela paraîtra plus clair, si on montre qu’on peut trouver des titres justes à l’esclavage. Or, on le montrera en énumérant les principaux, qui sont ordinairement réduits à quatre:

Le pacte ou le propre renoncement. Il ne répugne nullement que quelqu’un renonce à la liberté, soit pour sortir de la misère, s’il ne peut autrement pourvoir à sa subsistance, soit pour payer des dettes autrement insolvables.

Le droit de guerre. Il ne répugne pas que le vainqueur réduise les prisonniers en esclavage, car il fut un moment où il pouvait les tuer pour la sécurité de la patrie, etc.

Le débit ou une juste condamnation. Si un coupable peut être condamné à la mort, à plus forte raison, peut-il être condamné à la servitude. Et dans le fait, cette peine est infligée en plusieurs endroits du droit canon.

La naissance. En effet, sont esclaves ceux qui naissent d’esclaves. Ce titre est plus difficile à justifier. Cependant, il semble qu’on peut l’expliquer ainsi. Premièrement. Si l’esclavage des parents vient d’un délit, on conçoit alors comment il peut s’étendre aux enfants. Grand nombre de peines, par exemple l’infamie, sont souvent infligées au condamné et à ses descendants. Secondement. Si l’esclavage des parents provient d’un contrat, ils peuvent obliger leurs enfans, quand ce contrat conclu ainsi tourne à leur avantage, si, par exemple, c’est une nécessité pour conserver leur vie et celle de leurs enfans, c’est ce qui fait que les docteurs enseignent communément qu’un père peut vendre son enfant, s’il ne peut le nourrir autrement. (Conférences d’Angers)

Corollaire:

De là: 1º La question: est-il permis aux esclaves de prendre la fuite? M. Carrière la résout affirmativement dans certains cas, négativement dans d’autres.

De là: 2º On peut conclure ce qu’on doit penser du commerce des nègres, dit communément traite des nègres. Afin que la controverse soit convenablement vidée, il faut considérer ce commerce ou en soi, ou dans ses circonstances, ou par rapport aux lois positives.

1º De la traite considérée en elle même. Au premier abord, il paraît assez révoltant que l’homme, image de Dieu, soit exposé en vente à l’instar d’une marchandise, cependant la chose examinée avec maturité ne présente, par elle-même rien, d’absolument illicite. Car l’esclavage une fois admis, toute la question revient à ceci: peut-on vendre et acheter les esclaves? Or, on voit là peu de difficultés. Dans le Pentateuque (Exode XXI). Dieu prescrit les règles à suivre dans cette opération qui n’est point présentée comme quelque chose de blâmable.

2º De la traite considérée dans les circonstances qui l’accompagnent. On peut établir dans cette question deux choses qui semblent d’abord contradictoires et qui pourtant s’accordent entre elles.

Premièrement. Eu égard à l’état des pays où les nègres sont achetés, la traite leur est souvent utile à eux-mêmes, car ces nègres sont souvent exposés à la mort par le droit commun du père sur les enfants, du prince sur ses sujets, du vainqueur sur le vaincu. Or, par l’espoir du gain on s’abstient de les faire mourir. Secondement. Sans la traite, s’il faut en croire les voyageurs, la population noire serait trop grande, tant à cause de l’extrême fécondité des femmes, que parce que les hommes ne restent presque jamais célibataires. Troisièmement, enfin, la plupart de ces nègres sont apportés en Amérique où, à la faveur des lois, ils vivent assez heureux. De sorte que de Bonald pense qu’ils sont beaucoup moins malheureux que plusieurs de nos paysans ou de nos marchands. Ils supportent, il est vrai, de durs travaux de corps, mais cela est nécessaire à leur caractère, portés qu’ils sont naturellement à la volupté et à la paresse.

Donc, tant que les moeurs et le droit commun de ces nations ne changeront pas, ce commerce sera plus utile que nuisible considéré par rapport aux nègres. D’ou il suit, comme le fait observer de Bonald, «que ces prétendus amis de l’humanité qui se sont élevés avec tant de véhémence contre la traite et se sont efforcés de porter les nègres à la révolte, auraient été bien plus utiles à ces malheureux, s’ils se fussent appliqués à les éclairer de la lumière de la vraie religion. Si au lieu à la tribune de Paris des maximes philanthropiques, ils eussent fait des missions au Congo et à la côte d’Angola, ils eussent pu réussir à changer les idées des noirs, et très certainement ceux-ci et les blancs vivraient en paix dans nos colonies. On n’y aurait pas incendié les villes ni égorgé les habitans, et nous aurions quelques blancs de plus à Saint-Domingue et quelques noirs de moins à Paris.

Souvent, cependant, il se rencontre, dans ce commerce, diverses circonstances qui le souillent et en bannissent les sentimens d’humanité.

Premièrement. De la part des vendeurs.

«Bien de fois, ils vendent des captifs faits dans une guerre injuste, qu’ils n’ont même entreprise que pour avoir des prisonniers dont la vente aux Européens leur procure de grands avantages, ce qui fait dire à Bergier: «Avant que la traite eût lieu, les guerres étaient plus rares». Les Conférences d’Angers assurent le contraire, p. 396. Mais, dit Molina, il est certain que lorsque les navires portugais abordent dans leur pays, ces barbares sont plus excités à enlever des hommes, pour avoir des captifs qu’ils puissent échanger contre des marchandises. Souvent aussi, les vendeurs se procurent des esclaves par violence et par fraude; souvent ils font avorter les femmes parce que les marchands n’achètent point celles qui sont enceintes.

Secondement. De la part des acheteurs.

«Pour ce qui concerne le corps, les noirs sont traités avec la plus grande inhumanité, surtout dans la traversée, ils sont entassés dans l’entrepont comme des animaux, presque nus et sans nourriture; de sorte que les maladies et les contagions qu’engendre cet entassement et la corruption de l’air en font périr un grand nombre. Plusieurs se laissent mourir de faim. Quant à l’âme, parmi les acheteurs, les uns ne s’occupent nullement de leur salut; d’autres empêchent de les baptiser, dans la crainte qu’ils ne recouvrent la liberté avec le baptême; d’autres encore forcent à les baptiser, sans qu’ils aient été nullement préparés à recevoir ce sacrement. Voyez Vie du père Claver, par le père Fleuriau. l. II, où on trouve beaucoup de choses sur cette matière. Molina aussi raconte beaucoup d’abominations. D XXXV, nº 18.

D’où il conclut qu’il n’est pas étonnant que Dieu ne favorise pas ce commerce, et que personne, ou presque personne, ne s’y enrichisse, comme il atteste l’avoir entendu dire par les marchands eux-mêmes; de là aussi plusieurs auteurs plus récent disent que, bien que ce commerce puisse absolument être licite en lui-même, dans le fait cependant, il est généralement illicite.»

Ainsi, M. Carrière, le savant théologien, n’ignore pas tous les maux, tous les crimes qu’entraîne le trafic de chair humaine; il les analyse avec la froide impassibilité d’un greffier qui relève un compte; et pourtant il déclare que cet exécrable commerce est plus utile que nuisible aux nègres!

M. Carrière cite le Code Noir, il le connaît par conséquent; or, le Code noir déclare les esclaves choses mobilières. Et cela n’empêche pas M. Carrière d’enseigner que l’esclavage chrétien n’est pas plus licite qu’immoral! Quoi! l’esclave cesse d’être un homme, il meurt comme être social et raisonnable, comme citoyen, il devient une chose, il est enfin condamné à tous les vices possibles par cette condition même, et sa condition n’est pas plus contre la nature que contre la justice! ô théologien!.

M. Carrière nous apprend aussi qu’un certain nombre de théologiens soutiennent que le maître doit avoir droit de vie et de mort sur son esclave; il cite entre autres Heineccius comme défenseur de cette opinion, et bien qu’il déclare ne la point partager, il ne montre ni étonnement ni indignation qu’on l’ait eue!

Le vicaire-général de Paris, le directeur du séminaire de Saint-Sulpice, ne se contente pas d’établir la légitimité de l’institution servile et de la traite, il emploie son érudition à prouver que l’on a eu tort de prêter aux papes des idées défavorables à la servitude; il défend, en ces termes, Alexandre III d’avoir jamais proclamé la haine de l’église pour l’esclavage, comme on le supposait généralement:

«Voltaire, cité par De Maistre (Du Pape), a eu tort de dire: «Enfin, en l’année 1167, le pape Alexandre III déclara, au nom du concile, que tous les chrétiens devraient être exempts de la servitude. Cette loi seule doit rendre sa mémoire chère à tous les peuples. Alexandre III ne défendit qu’une chose, à savoir que les Juifs ou les Sarrasins eussent des esclaves chrétiens.»

M. Carrière ne se trompe malheureusement pas ici.

Le Journal historique et littéraire de Liège, t.III, p. 389 et 390, fait remarquer que l’on ne trouve aucun décret d’Alexandre III sur ce sujet, sauf celui qui fut porté au concile de Latran, en 1179. Il est conçu en ces termes: «Il ne sera permis ni aux Juifs ni aux Sarrasins d’avoir dans leurs maisons des esclaves chrétiens, ni sous prétexte de nourrir les enfants ni pour leur service.» (Voir dans Labbe, concil. (col. 1541) on lit ce qui suit: «Comme les sacrés canons ont pris soin que les Juifs n’aient pas d’esclaves chrétiens, nous vous prescrivons par la teneur des présentes que sans permettre d’appel vous défendiez publiquement sous peine d’anathème que quelqu’un se rende esclave d’un Juif».

De ces observations(1) il résulte bien clairement, cela est trop certain, que l’église, au temps d’Alexandre III, admettait la légalité morale de l’esclavage, puisqu’elle réglementait cette affreuse institution, sans protester même contre le fait de son existence.

(1). Elles ne nous appartient pas, nous les trouverons dans nos notes, mais nous avons oublié, en les copiant, d’en indiquer la source.

M. Carrière, dans sa très longue dissertation théologique, cite plusieurs fois les Conférences ecclésiastiques du diocèse d’Angers. Cet ouvrage, en 24 volumes, est un corps de doctrine des plus estimés dans l’église. Il fait loi. Nous avions peine à croire qu’il donnât une approbation aussi explique à l’esclavage, nous résistons à supposer qu’une assemblée des hommes les plus éclairés de la religion chrétienne autorisât, sans restriction, le commerce de chair humaine. Nous avons voulu lire…

Il n’est que trop vrai, les conférences d’Angers déclarent que l’esclavage n’est contraire ni à la loi naturelle ni à la loi divine. Conférences sur les états, tome III, septième conférence, suite des devoirs et des principaux pêchés des marchands; 4º question du commerce. Page 389 et suivantes, éditions de Paris 1777: «Abraham, le père des croyants, avait des esclaves, même en très grand nombre, qui s’étaient donnés à lui, ou qui étaient nés dans sa maison ou qu’il avait achetés. Dieu donna depuis une loi par le ministère de Moïse, aux descendants de ce saint patriarche.

«Loin d’y proscrire la servitude, Moïse y fait divers règlements qui en supposent la légitimité et montrent qu’elle n’est pas contraire à la loi naturelle, loi immuable et perpétuelle à laquelle Dieu ne pourrait déroger sans se contredire lui-même.

«Jésus-Christ a laissé à cet égard les choses dans l’état où elles étaient, il est bien venu pour délivrer les hommes de la servitude du démon, mais non de la servitude politique et civile. Il a guéri des esclaves à la prière de leurs maîtres, sans rien dire à ces maîtres qui put fait entendre qu’ils avaient tort d’en avoir. Aussi les apôtres, bien instruits de la volonté de ce divin législateur, ont regardé l’esclavage comme une condition légitime, ils ont reconnu les droits des maîtres sur leurs esclaves; ils ont prescrit à ceux-ci, à titre de devoir, la dépendance et la soumission, et bien éloignés de leur inspirer le désir de se mettre en liberté, ils ordonnent aux esclaves de rester tranquilles dans l’état où ils se trouvent. Dans aucun endroit ils ne font une loi ni ne conseillent même aux maîtres chrétiens d’affranchir leurs esclaves, mais seulement de les traiter avec douceur et charité.

L’esclavage n’est pas du ressort de la religion, c’est une matière purement temporelle; aussi l’Eglise a fidèlement suivi en ce point les institutions civiles. Depuis qu’elle a pu posséder des biens, ses ministres ont eu des esclaves au même titre et de la même manière qu’ils possédaient leurs autres biens. Les conciles et l’histoire l’attestent.

«Puisque l’esclavage ne renferme rien de contraire à la nature, aux lois divines, au droit des gens, et qu’il est autorisé après les institutions civiles, c’est une conséquence que la vente et l’achat des esclaves soient licites. Une esclave peut même gagner à changer de maîtres.».

Après cela il ne surprendra personne que les théologiens d’Angers, tout en proclamant le mal que produit la traite en Afrique, finissent par y donner les mains…. «Il se trouve ainsi que les marchands d’esclaves ne pouvant les délivrer, leur font tout le bien qu’il dépend d’eux lorsqu’ils les achètent.»

A d’aussi honnêtes marchands on ne peut refuser les moyens de tuer en parfaite sûreté de conscience ceux qui refusent leur générosité. Les prêtres du Christ n’y manquent pas, ils prévoient tout avec une sagacité qui montre assez la connaissance qu’ils avaient de l’ingratitude propre au caractère africain. Les révoltes dans la traversée obligent quelquefois à faire des exécutions rigoureuses, c’est une punition permise, lorsqu’elle est nécessaire pour contenir ou conserver, ou pour sauver les autres, et conforme aux ordonnances».

L’assemblée ecclésiastique va même jusqu’à dire que ceux qui ont une guerre juste avec les nègres peuvent réduire en servitude les hommes qu’ils prennent. «Si la guerre est juste dans les motifs, comme ces peuples font esclaves les prisonniers de guerre, ceux qu’on fait alors sur eux deviennent esclaves de droit. Ils ne peuvent s’en plaindre, c’est la loi de leur pays qu’ils subissent, et qu’ils font subir aux autres. (Page 308)» D’ou suit invinciblement que, comme les anthropophages mangent leurs prisonniers de guerre, nous avons le droit de manger les prisonniers que nous faisons sur les anthropophages!!

Même dans une telle voie, les casuistes d’Angers ont poussé la logique à un point incroyable. «La puissance paternelle, disent-ils, peut aussi quelquefois s’étendre par la force des lois civiles, jusqu’à donner droit de vendre ses enfants. La loi naturelle ne s’oppose point à l’exercice de ce droit dans certains cas. La loi naturelle ordonne aux pères de nourrir leurs enfants et de veiller à la conservation de leur propre vie. Si donc un père n’a pas le moyen de nourrir son enfant, ni de se nourrir lui-même, et qu’il ne puisse se procurer ce secours qu’en vendant cet enfant, la loi naturelle ne sera point blessée, puisqu’on en remplit alors le devoir le plus pressant; à moins que les lois civiles ne le défendent et n’y suppléent par un autre moyen.

«Il vaut encore bien mieux qu’ils les vendent que de les voir mourir de faim. Cette vente est alors permise, ainsi que dans le cas où il est plus avantageux à ces enfants de devenir esclaves que de rester libres». (page 104)

Tout ce qu’on vient de lire est textuel. Nous croyons inutile de rien ajouter. Ces dissertations, véritablement monstrueuses, portent avec elles leur propre condamnation, et il n’est pas d’âme un peu généreuse où elles ne produisent tout d’abord la répulsion, l’horreur, le d’égout. Et ce sont des docteurs, des théologiens de la religion catholique, apostolique et romaine, des interprètes de la loi de Jésus-Christ qui parlent ainsi!

Comment s’étonner, lorsqu’on les trouve à ce point unanimes sur une telle question, qu’il faille attribuer une part directe au catholicisme dans l’établissement de l’esclavage des nègres aux îles d’Amérique? Louis XIII, roi bigot, n’autorisa la traite, personne ne l’ignore, que pour convertir les nègres à la vraie religion, et ce sont les théologiens de son temps qui fondèrent de la sorte la légitimité de cette damnable exploitation de créatures humaines. Ils couvrirent la cupidité du manteau de la religion. On baptisait avec compassion les Africains à leur arrivée, et puis on les jetait dans le tombeau de la servitude; on se faisait des frères en Jésus-Christ pour les condamner à coups de fouet au travail forcé; et ce qu’il y a de plus révoltant dans cette infâme comédie, c’est que tout en versant l’eau de l’égalité chrétienne sur la tête des néophytes, au nom de la fraternité chrétienne, on proclamait en même temps que les frères à peau noire étaient d’une nature inférieure à celle des frères à peau blanche!…

Il en fallait moins encore pour qu’on pût juger l’oeuvre infernale à sa juste valeur. si cette ardeur de prosélytisme eût été sincère, aurait-on été enlever à l’Afrique ses habitants, tandis qu’on négligeait les païens sur les lieux mêmes où l’on allait s’établir?

Les Français et les Anglais, quand ils vinrent occuper les petites Antilles, eurent de longues guerres à soutenir contre les courageux Caraïbes, et finirent par signer avec eux des traités de paix. Une fois cela obtenu, ils les abandonnèrent à l’idolâtrie, sans chercher jamais à les attirer vers Dieu, mais sans attenter non plus à leur liberté. Inconséquents jusque dans le crime, les législateurs du temps de Louis XIII et de Louis XIV, qui autorisaient l’abus le plus criant de la force à l’égard des noirs, se firent, au contraire des Espagnols, et peut-être uniquement par esprit de contrariété, un mérite de respecter l’indépendance des Caraïbes. Ils envoyaient en Afrique chercher des nègres pour conquérir des âmes à Dieu, et ils laissaient tranquillement à leur côté les Caraïbes devenir la proie du démon. Les repris de justice, qui peuplèrent d’abord nos colonies, beaucoup plus inquiets sans doute du salut des âmes rouges, réduirent quelques Indiens en servitude, bien entendu pour les convertir; mais les saints du gouvernement ne le voulurent pas souffrir, et l’on trouve dans le Code de la Martinique un ordre du roi du 2 mars 1739, qui, «voulant prévenir les inconvénients que cette traite pourrait avoir, fait très expressément défense de s’y livrer, et déclare libres tous les Caraïbes ou Indiens qui seront amenés dans les îles du Vent.»

Non seulement l’église ne se fit pas scrupule alors d’autoriser la servitude des nègres, mais elle y participa. En France, en Espagne, en Angleterre, en Portugal, au Brésil, partout enfin elle eut des esclaves noirs comme elle avait eu dans le moyen âge des esclaves blancs.

Les religieux envoyés dans les possession françaises pour baptiser les noirs introduits, et confesser les traitants et les colons, voyant qu’on ne les payait pas bien, demandèrent qu’on leur concédât, à traiter de solde, quelques terres et des hommes pour les cultiver; ce qui fut fait. Dès lors, ils devinrent propriétaires d’esclaves, comme les plus grossiers des engagés le devenaient au bout de leur temps, chaque couvent qui s’établit eut des habitations, des sucreries, et ils finirent même par y mettre tant de passion, que l’état se vit obligé de réfréner leurs envahissements, leur insatiable avidité de possession humaine.

Dans le mémoire du roi pour servir d’instruction à M. de Ricouart, intendant de la Martinique, on trouve le passage suivant:

Pour empêcher que les communautés religieuses ne fassent de trop grands établissements dans les colonies, il a été ci-devant défendu de souffrir qu’elles eussent des habitations de plus de 400 nègres travaillant, et ordonné de les obliger de vendre ou mettre hors de leurs maisons ce qu’elles auraient au-delà. Le sieur Ricouart y tiendra exactement la main; rien n’est plus essentiel, et sans cette précaution, les religieux posséderaient bientôt la plus grande partie des îles.»

La Révolution, en détruisant les communautés religieuses, a détruit ce scandale d’hommes réunis pour servir Dieu et possédant des créatures humaines; mais l’esprit qui les animait n’a point disparu, ce fatal esprit est encore tout vivant au fond des livres des docteurs de la loi, et corrompt l’âme des jeunes gens qui viennent pieusement y chercher la lumière.

C’est aux idées fausses, aux détestables principes que de pareils livres entretiennent dans le clergé, qu’il faut attribuer son impardonnable silence au milieu des cris de pitié qui s’élèvent de toute part en faveur des malheureux esclaves!. N’est-il pas remarquable, en effet, que l’on ne trouve aucun prêtre vivement engagé dans la question de l’abolition, dans cette cause de la liberté, de la justice et de la charité, à laquelle un prince mahométan vient de s’associer avec gloire. Le bey de Tunis, Ahmed Pacha, dont le nom ne périra pas, a prononcé l’abolition de la servitude dans ses états, et, du haut de ces trente mille chaires d’où les ministres de Jésus-Christ s’adressent au moins une fois par semaine au peuple des fidèles, pas une voix ne s’élève en faveur des esclaves! Que penser de la foi et des sentimens d’humanité de tous ces prédicateurs qui se sont fait depuis quelques années un renom plus ou moins brillant?

Il n’en est pas un, pas un seul qui ait prêché pour les hommes en servitude, pour la délivrance des captifs noirs!

Le clergé se condamne lui-même à mort en ne faisant plus rien d’utile. Où a été la source de son influence? Dans la cause du faible et du pauvre qu’il soutenait. Il verra s’éteindre jusqu’au souvenir de sa grandeur passée, s’il persiste, comme il le fait maintenant, à borner sa mission aux instructions spirituelles et aux pratiques du culte. Il périra, s’il ne rentre pas dans la société active pour s’attaquer aux maux qui la désolent toujours.

Par quelle fatalité, nous le demandons encore, ne voit-on aucun prêtre intervenir pour les esclaves et joindre ses efforts à ceux des abolitionnistes?

Par quelle fatalité les hommes de la religion semblent-ils rester insensibles aux souffrances de ces créatures de Dieu que l’on traite comme des animaux?

Le clergé protestant de la Grande-Bretagne s’est mis à la tête de la sainte ligue contre la servitude, et il n’y a plus d’esclaves sur aucune terre anglaise. Le clergé catholique de France ne s’est pas même montré touché par le sentiment d’une généreuse émulation! Bien mieux, hélas! un de ses chefs principaux a eu l’incroyable courage de se déclarer implicitement hostile à la cause de l’émancipation! Oui, l’archevêque de Paris a refusé de se réunir à ceux qui demandent la délivrance des captifs noirs. On lui a dit que le clergé colonial était mauvais, et il a décliné la tâche de l’améliorer!

Nous lisons dans le bulletin nº 19 de la Société française pour l’abolition de l’esclavage, page 66, cet affligeant extrait de ses registres: «Le janvier 1842. On annonce que des négociations sont entamées par le gouvernement avec l’archevêque de Paris pour que le clergé des colonies soit mis sous sa direction spéciale, ainsi que le séminaire du Saint-Esprit, attendu que l’autorité des préfets apostoliques dépendant de Rome n’est pas assez forte ni assez gouvernementale. La plupart des ecclésiastiques employés aux colonies sont opposés à l’émancipation.

Le 16 février. Il est résulté d’un rapport fait au nom d’une commission qu’il n’y avait pour le moment aucun concours à attendre de M. l’archevêque de Paris pour l’émancipation des esclaves!»

Que l’on nous comprenne bien; toutefois, nous ne voulons pas être injuste; nous reprochons au clergé national moderne d’être resté neutre dans la grande affaire morale de l’abolition, mais nous ne l’accusons pas d’être contre, nous reconnaissons même de tout notre coeur que l’univers religieux, a toujours soutenu la cause de l’affranchissement; nous n’avons pas oublié non plus que le chef suprême de l’église, qui vient d’expirer, le pape Grégoire XVI, par une encyclique du 3 décembre 1839, a déclaré: «L’esclavage des nègres, des Indiens, ou de tous autres hommes contraire au droits de la justice et de l’humanité, et qu’il a défendu sévèrement par son autorité apostolique, qu’aucun ecclésiastique ou laïque osât soutenir le commerce des nègres sous quelque prétexte que ce soit.»

Qui ne sait d’ailleurs qu’un théologien de grand renom et de haute vertu, l’abbé Bergier, a combattu l’esclavage avec la dernière énergie. N’est-ce pas ce savant prêtre contemporain de l’Encyclopédie, qui a prononcé ces paroles, dignes de ce que la Convention a dit de plus beau: «Il n’est pas possible, assure-t-on, de cultiver les îles autrement que par des esclaves; dans ce cas, il vaudrait mieux renoncer aux colonies qu’à l’humanité. La justice, la douceur, la charité universelle sont plus nécessaires à toutes les nations que le sucre et le café»(1)

(1). Dictionnaire Théologique, art. Nègre.

Cet absolu dans le respect des principes, ce sacrifice de toutes choses qu’on doit faire à la souveraine équité sont des idées communes à tous les esprits honnêtes et vraiment grands. Sous Louis XIV, un homme recommandait au fils du prince de faire délivrer les galériens aussitôt après l’expiration de la peine prononcée par les tribunaux. «Et ne dites point, ajoutait-il, qu’on manquerait d’hommes pour la chiourme, si l’on observait cette justice; la justice est préférable à la chiourme».

Et qui mettait ainsi la liberté d’un forçat au-dessus de la marine de France? C’était Fénelon, ce prêtre à l’âme virginale, que sa noble pureté fit surnommer le cygne de Cambrai. «Il ne faut compter, disait-il à son royal élève, pour réelle puissance que celle que vous avez sans blesser la justice et sans prendre ce qui n’est pas à vous.(1)

(1). Direction pour la conscience d’un roi 23eme. paragraphe.

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§. 3

Corruption des prêtres dans les colonies

Les directeurs du séminaire du Saint-Esprit avaient donc d’éminentes autorités ecclésiastiques qui pouvaient les guider, l’Église, malgré ses tendances générales, leur fournissait d’admirables modèles à suivre, et leur chef suprême, le pape, leur commandait au nom de son infaillible autorité de détester la servitude et de soutenir l’émancipation des Nègres. Ils ont mieux aimé adopter les cruelles maximes de ceux qui prétendent que l’esclavage ne blesse ni la loi divine, ni la morale humaine, et choses inexplicable, cette école qui mériterait à bon droit le nom d’école de pestilence, est précisément celle où le gouvernement va chercher les ministres du culte pour les colonies.

Qu’arrive-t-il de là? Les jeunes ecclésiastiques s’embarquent, l’âme infectée de ces abominables sophismes; la servitude, qui n’a rien à leurs yeux de révoltant en principe, perd bientôt ce qu’elle a d’horrible en fait, et ils finissent par adopter cette autre abominable doctrine du lieu, que les nègres sont des hommes cupides; et que le fouet, à leur égard, est bien plus efficace que l’évangile. Les prêtres, que l’excellence de leur nature fortifie contre tous ces éléments de perversité, en butte à l’inimitié des planteurs qu’ils gênent et irritent par leur intromission, à la malveillance des autres prêtres que leur sagesse humilie, mal soutenus par les préfets apostoliques, aussi propriétaires de noirs, abandonnées par l’administration civile vouée tout entière aux créoles; ne peuvent rien contre le torrent, et n’ont plus que deux partis à prendre; ou se taire, ou revenir en France abreuvés de dégoûts comme MM. Perron, Aigniel, Dugoujon, Boudet, Peyrol, Magne, Brien et Goubert(1) quand on ne les expulse pas, s’ils osent parler comme MM. Fontaine, Plaignier, Lamache, Roussille et Parguelle.

(1). Nous savons ce qu’on a dit de M. Goubert. Nous savons qu’on l’accuse d’immoralité, parce que, voyant son ministère impossible, il est rentré dans la vie laïque et s’est marié. Chacun peut avoir son opinion sur les prêtres qui se marient; quand à nous, nous honorons leur courage; mais il restera toujours à demander aux gens éminemment moraux de l’administration coloniale et du département de la Marine pourquoi ils ne se sont aperçus de l’immoralité de M. Goubert qu’à partir du moment où il a manifesté son éloquente sympathie pour les esclaves?

Quoi de surprenant, après ce qu’on vient de lire, que les colonies soient assurément le pays de la terre où les prêtres fassent le plus d’efforts pour dénaturer la morale du Christ. et se montrent plus éloignés de l’esprit évangélique. Loin de se donner aux faibles et aux opprimés, loin de se sacrifier pour eux, ils sont au contraire les séides des colons, et ne craignent pas de souiller leur caractère sacré en possédant eux-mêmes des esclaves. Oui, nous l’affirmons, et personne n’osera nous contredire, les hommes de Dieu sont arrivés à cet effroyable degré de corruption que non seulement ils tolèrent l’esclavage, mais qu’ils font trafic de nègres, qu’ils en achètent et en vendent tous les jours!.

Nous ne voulons par revenir sur la brochure de l’abbé Rigord, qui peint de couleurs malheureusement si exactes les sentiments du clergé colonial; mais nous croyons utile, pour confirmer ce que nous venons de dire, de rapporter encore quelques passages de M. l’abbé Dugoujon: «Je suis employé, écrit-il le 15 juillet 1840, comme vicaire depuis environ un mois, dans une paroisse de la Grande-Terre nommée Sainte-Anne M. le préfet apostolique, en m’annonçant à mon curé, M. Boissel, lui avait mandé qu’il avait cru s’apercevoir que j’étais de la nouvelle école (ami des nègres). Cet avertissement a été cause que j’ai été extrêmement mal accueilli et du pasteur et de ses ouailles blanches». (Page 42)Tous les projets anti-abolitionnistes qui naissent dans les colonies ont un écho fidèle au presbytère de Sainte-Anne. C’est là que j’ai appris que les créoles, après la publication des ordonnances royales du 5 janvier 1840, avaient résolu de se soustraire à la juridiction de la mère-patrie, pour se donner aux Américains ou aux Russes» (Page 70)… Les prêtres zélés ne peuvent que gémir des choses que je viens de raconter, car ces infractions à la discipline générale de l’église sont passées en usage dans toutes les paroisses. Malheur à l’ecclésiastique qui oserait y porter atteinte et entreprendre d’établir dans son église les règles du catholicisme. il s’attirerait le blâme de tous. L’ironie, le sarcasme lui seraient prodigués en toute rencontre; la calomnie et les persécutions ne lui seraient pas ménagées».

On porta dans une seule soirée, devant la porte de l’église Sainte-Anne, quatre nègres à enterrer; aucun d’eux n’avait rempli ses derniers devoirs de religion. Je ne fis point d’observation par rapport aux deux premiers; mais, voyant arriver un troisième et puis un quatrième, je crus que je devais instruire ceux qu’ils les portaient de ce qu’il avaient à faire à l’égard de ceux qui étaient dangereusement malades.

Mes paroles furent rapportés au maire, qui, croyant y voir un acte inquisitorial contre les maîtres, alla s’en plaindre au curé. Celui-ci vint me trouver dans ma chambre, et après m’avoir fait part de la plainte du maire, il ajouta:- Je vous ai excusé en disant que vous n’avez point eu d’intention mauvaise, que vous n’avez agi que par zèle.- Ma conduite n’avait pas besoin d’excuse, mais de justification, je n’ai fait que mon devoir.- Ah! mon ami, vous ne connaissez pas le pays; ce n’est pas aux esclaves qu’il appartient de faire venir un prêtre, mais aux maîtres; et quand ceux-ci ne le font pas, les esclaves ne peuvent le faire. Ainsi, avertir les esclaves de la nécessité de se confesser, et les menacer de l’enfer sils se négligent, c’est les porter à murmurer contre les maîtres qui n’ont pas soin de remplir ce devoir.

Ces passages font connaître quelle liberté d’action l’usage du pays laisse aux prêtres, et jusqu’à quel degré ils sacrifient aux droits du maître leurs plus impérieux devoirs en même temps que le salut éternel des nègres.

Maintenant M. Dogoujon va nous montrer un curé trempant dans une des turpitudes les plus infâmes de l’esclavage. «Un noir de M. Chambon, curé de Petit-Bourg, avait, depuis longtemps, des rapports secrets avec une demoiselle blanche appartenant à une ancienne famille (avril 1841). Cette intrigue, qui prouve ce que j’ai dit ailleurs, que l’antipathie des dames blanches pour les nègres est loin d’être une vérité, cette intrigue vient de transpirer. La jeune personne est enceinte de plus de sept mois. Le curé désire se défaire de son nègre, nommé Jean, et l’exporter à Puerto-Rico. Il lui impute d’avoir eu la pensée de le voler pour se sauver aux îles anglaises avec son amante (ce qui n’a pas l’ombre de la probabilité) Déjà le pauvre Jean est dans les prisons de la Pointe-à-Pitre». (Page 75)

«La justice et l’humanité faisaient assurément un devoir au procureur du roi, auquel M. Chambon s’adressa pour obtenir le bannissement de son nègre, de refuser. Au lieu de cela, il a répondu à M. Chambon qu’il ferait ce qui dépendrait de lui pour l’obliger; qu’à la vérité, il n’était pas facile d’accorder ce qu’il demandait, les philanthropes ayant toujours les yeux ouverts sur eux, mais qu’il allait en écrire à la Basse-Terre. Je tiens ces paroles de M. Chambon lui-même, qui me les rapporta dans le presbytère de la Pointe-à-Pitre, en sortant de chez de procureur du roi.(1)

(1). La réponse de la Basse-Terre a été affirmative, car j’ai appris depuis mon retour en France que le pauvre Jean a été vendu à Puerto Rico»

Quel drame! le magistrat et le prêtre s’accordant ensemble pour commettre une affreuse iniquité, pour sacrifier un innocent.

Hélas! les apôtres de Jésus-Christ, en se faisant propriétaires d’hommes, ne doivent-ils pas naturellement dépouiller toute pitié, tout instinct de justice ou de charité pour prendre des sentiments communs à tous les maîtres: c’est ainsi que les esclaves de l’église ne sont pas fustigés avec moins de cruauté que ceux des habitations. On en pourra juger par les deux pièces suivantes:

«Jacques, gardien du cimetière est autorisé à faire punir Joseph, esclave appartenant à la fabrique et attaché au cimetière, pour refus de faire son service pendant la semaine, notamment dans un enterrement où il a refusé de porter le brancard.

Cayenne, 12 septembre 1840. Le préfet apostolique, signé Guillier.

Et en marge: «vu pour 20 coups de fouet» Cayenne, 5 septembre. Signé, le maire, F. Rombault.

Joseph Apollon, gardien du cimetière par intérim, est autorisé à conduire à la geôle le noir Toussaint, de la fabrique, attaché au cimetière, pour le faire punir de ce qu’il a manqué essentiellement à son devoir, en quittant le travail pendant une demi-journée, qu’il a passé dans la débauche.

«Cayenne, 30 août 1840. Signé le préfet apostolique, Guillier.

Et plus bas: Vu pour 29 coups de fouet à donner au nègre Toussaint. Cayenne, 30 août. signé, le maire Roubault».

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§. 4

Réformes possibles

Comprend-on maintenant pourquoi les créoles demandent avec tant d’instance que l’on moralise les nègres par la religion avant les émanciper? Oh! ils savent bien ce qu’ils font, ils savent bien que les prêtres sont à eux, que les prêtres ont comme eux des esclaves, comme eux des intérêts dans la servitude, comme eux le goût dépravé du pouvoir dominical, et qu’ils ne feront rien, par conséquent, pour la liberté.

Ils espèrent ainsi maintenir leurs noirs dans l’abrutissement et gagner du temps, voilà tout. L’ancien préfet apostolique de la Martinique. M. l’abbé Castelli, qui les a longtemps pratiqués et qui les connaît bien, l’a nettement avoué dans son état du 28 mars 1840. «Les maîtres ne secondent point et ne veulent point seconder la propagation de l’instruction religieuse». M. Castelli a renouvelé cette déclaration devant la commission coloniale le 29 avril 1842.

Nous ne pouvons croire que le gouvernement veuille encore se prêter à une jonglerie religieuse, surtout après la loi du 18 juillet et les formels engagements qu’il a pris lorsqu’elle fut discutée. S’il n’entre pas dans les blâmables calculs des maîtres, s’il espère réellement trouver dans la religion un moyen de moraliser des esclaves, s’il ne veut pas qu’il en soit de l’ordonnance du 4 juin 1846 comme de celle du 5 janvier 1840; avant toute chose, il changera le personnel du clergé actuel des colonies, et jusqu’à ce que l’enseignement du séminaire du Saint-Esprit soit radicalement modifié, il cessera d’y prendre les aides religieux dont il a besoin.

Les missionnaires doivent savoir qu’ils sont les apôtres de l’émancipation prochaine, des professeurs de liberté et non point de servitude. Pour cela, il est, par dessus tout, essentiel de leur défendre de posséder des esclaves. A leur égard, nous répéterons ce que nous avons déjà dit tant de fois à l’égard des magistrats. Tant qu’ils auront des nègres, il y aura toujours du propriétaire d’esclaves au fond de leurs opinions, de leurs principes et de leurs actes. L’intérêt de l’homme ne doit jamais être mis en opposition avec son devoir, car, il faut bien l’avouer, en cas de lutte le devoir n’aura pas souvent le dessus, et peut-être même sera-t-on encore consciencieux en écoutant la voix de l’intérêt; l’intérêt est habile à modifier, à pervertir notre jugement.

C’est quelque chose d’épouvantable que, dans notre siècle, un prêtre appelé à prêcher la fraternité universelle, un magistrat appelé à rendre à chacun ce qui lui appartient, obligés de s’élever, le premier jusqu’au droit divin, le second jusqu’au droit naturel, c’est quelque chose d’épouvantable, disons-nous, que de tels hommes soient propriétaires d’esclaves! Laissez du moins cette infâme propriété à d’autres, jusqu’à ce qu’on ait voulu l’anéantir à jamais. Il était de la dignité du clergé et de la magistrature d’y renoncer; mais puisqu’ils n’en ont pas eu la gloire, qu’une loi fasse savoir à la postérité qu’il a fallu leur interdire de posséder des hommes.

Alors il y aura sans doute encore à craindre les relations de société, l’influence du milieu, de l’amitié, des préjugés même, l’entraînement enfin; mais l’effet sera un peu moins redoutable.

Qu’on le sache bien, du reste, cette purification elle-même demeurerait sans nul fruit, si le gouvernement ne donnait en même temps une organisation meilleure au corps apostolique, si les prêtres qui doivent préparer l’affranchissement des noirs n’étaient d’abord affranchis les premiers du joug des colons. Il faut, pour qu’ils puissent accomplir leur mission, qu’ils aient la faculté d’agir en toute liberté, qu’ils soient indépendants.

Aujourd’hui les curés ne sont en réalité, que les instruments des maires, tous propriétaires d’esclaves. Osent-ils, par un zèle véritable, mécontenter le maire, celui-ci les dénonce au gouverneur qui les réprimande ou les chasse, s’ils ne veulent se mettre à l’air du pays.

Pag. 547-548

Lettre des ouvriers de l’imprimerie Gustave Gratiot

En finissant ce livre, j’ai besoin de publier la lettre suivante. C’est un nouveau titre à mettre dans les archives du peuple.

Désirant que l’ouvrage parût vite, j’avais proposé une gratification pour encourager les compositeurs. Voici la simple et noble réponse que je reçus.

 3 avril 1847

         Monsieur,

Les fêtes de Pâques n’interrompront pas la composition de votre livre, et vous recevrez, sans interruption, de nouvelles feuilles. Quant à votre généreuse proposition, nos compositeurs tiennent à honneur de travailler sans gratification pour la sainte cause que vous défendez.

         Votre tout dévoué serviteur.

         Bourdier

Et le législateur reculerait l’abolition parce qu’il coûtera quelques millions.

Table analytique

Préface

Chapitre 1er. Des lois des 18 et 19 juillet 1845, et de leur application.

Projet de loi sur l’amélioration du régime des esclaves, page 5.- Le peuple prend part à l’abolition de l’esclavage, page 5.- Noble pétition de neuf mille ouvriers, page 6.- Elle a été utile aux esclaves, page 7.- Caractère du projet de loi présenté à la Chambre des Pairs; c’est malgré tout, un pas vers l’abolition, page 8.

Historique de la discussion du projet de loi à la Chambre des Députés, page 9.

Séance du 29 mai, page 9.- M. Ternaux votera la loi quoi qu’elle soit mauvaise, pour ne pas ajourner à un an le peu de bien qu’elle produira. M. J. Lasteyrie, rapporteur, propose l’adoption par le même motif, page 9.- Puisque l’on veut essayer d’un régime intermédiaire, mieux vaut que ce soit aujourd’hui que demain. Engagement du ministre de la marine relatif à l’adoucissement du régime disciplinaire, page 11.

Séance du 30 mai, page 11.- M. Levavasseur repousse la loi parce qu’elle inquiéterait les capitaux, page 11.- M. Tocqueville la défend parce qu’elle mène à la liberté, page 12.- M. Leray s’appuie de l’opinion d’un abolitionniste pour faire l’éloge du régime colonial.- M. Gasparin, établit que les abolitionnistes pratiques ne sont pas abolitionnistes, page 13.- M. Mackau, déclare qu’il a interdit la déportation des esclaves à l’étranger, page 14.

Séance du 31 mai, page 15.- M. Carné trouve la loi suffisante, page 15.-

Urgence de la loi d’expropriation. M. Castillane déclare qu’il n’est pas abolitionniste, page 16.- M. Galos loue la loi comme acte de transaction et de transition.- M. J. Lasteyrie résume généreusement la discussion, page 17.

Séance du 2 juin, page 18.-M. Larochefoucault-Liancourt veut substituer le nom de personne non libre à celui d’esclave, page 18.- M. Berryer parle contre la loi en se disant abolitionniste, page 19.- Ledru-Rollin la soutient, quoiqu’insuffisante, pour ne pas retarder d’un jour le bien relatif qu’elle fera. M. Roger persiste à introduire un amendement. M Lherbette rappelle les écoles fermées aux esclaves par les maires de la Guadeloupe, page 20.-

M. Gasparin obtient des engagements utiles de M. Mackau. Tous les esclaves, même les domestiques, peuvent exiger un jour par semaine pour leur nourriture, page 21.-

Séance du 4 juin, page 21.- M. Pascalis établit que le rachat de la mère entraîne la liberté de l’enfant et réciproquement, page 22.- Adoption du rachat forcé. Observations de M. Gasparin sur les commissions de rachat, page 23.- M. Isambert, M. Beaumont, M. Ledru-Rollin et M. Dufaure traitent de la magistrature coloniale, page 24.- Adoption de l’engagement de cinq ans, page 25.

Séance du 5 juin, page 25.- Affranchissement des esclaves du domaine, page 25.

Le ministre s’engage à supprimer le châtiment corporel, au moins pour les femmes. Il déclare que les affranchis seront libres comme l’air, page 26.-

M. Gasparin demande que l’on abolisse la servitude en Algérie. Vote du crédit pour les établissements de travail libre, page 27.- Vote du fonds de rachat. Sur la proposition de M. Aubois, la chambre décide qu’on lui rendra compte de l’emploi des fonds pour l’instruction des esclaves, page 28.

Observations générales sur la discussion.- page 28.- L’émancipation est une oeuvre démocratique, page 28.- Les carlistes ont voté contre la loi. La loi est mauvaise. et pourtant il fallait la voter pour accélérer le triomphe du principe, page 29.- Elle a été reconnue par tous comme un acte transitoire, page 30.- Le parti de la chambre doit servir à éclairer les colons, page 34.- Elle a mieux aimé nuire aux maîtres par le rachat forcé que de ne pas servir les esclaves. La loi est tout entière dans l’exécution, page 32.-

Texte de la loi du 18 juillet 1845, page 33.

Texte de la loi du 19 juillet 1845, page 37.

Retard dans la publication des ordonnances complémentaires, page 38.- Les lois nouvelles n’ont été promulguées aux colonies que le 24 septembre, page 38.- L’indifférence du ministère pour les esclaves explique la résistance des colons, page 39.- C’est l’humanité que l’on ajourne en ajournant les ordonnances, page 40.-

Première ordonnance, datée du 3 novembre, page 40.- Elle est incomplète. Les esclaves d’ailleurs restent encore privés de tous les autres bienfaits de la législation nouvelle, page 41.- Le ministre néglige son droit et son devoir, page 42.- Il y a six mois que les femmes peuvent être délivrées du fouet et on les fouette encore, page 43.

Pétition à la chambre des députés sur l’exécution des nouvelles lois, page 43.- Au 20 janvier 1846, les esclaves ne jouissent encore d’aucun des avantages que ces lois leur accordent. Le fonds de 400,000 fr. est intact, page 44.- Il est indispensable que le législateur intervienne dans ce qui se passe aux colonies, page 45.

Discussion des crédits demandés pour la libération des esclaves du domaine, page 46.

Le gouvernement n’avait demandé que 6,000 fr. M. d’Haussonville développe un amendement tendant à augmenter cette somme de 95,000 fr., page 46.- Le délégué des colons défend la propriété domaniale comme inattaquable, page 47. l’amendement accepté par le ministre est renvoyé à la commission du budget de 1847, page 48.

Suite de la discussion des crédits, page 49.- M. Isambert prouve que les lois ne sont pas exécutées. Le conseil de la Martinique repousse avec violence le projet de décret sur le travail extraordinaire, page 49.- M. Isambert demande la loi d’expropriation, elle aplanira des difficultés. Silence significatif de M. Mackau, page 50.- M. Ternaux-Compans porte à la tribune un acte de barbare iniquité de M. Frémy, directeur à la Martinique. M. Mackau se tait, page 51.- Doctrine de M. Frémy sur les bourreaux, page 52.

Amendement de 140.000 fr. pour la libération des noirs du domaine, page 53.-

L’État possède des esclaves, page 53. – M. Durand de Romorantin défend la propriété de l’homme par l’homme comme une propriété honnête, page 54.- M. Guizot confond ces chicanes. Légalité de la libération des esclaves du domaine, par M. Gatine, page 55.- Les baux des habitations domaniales ne sont pas un obstacle à la libération, page 56.- La chambre vote l’amendement presqu’à l’unanimité, page 57.-

Ordonnances relatives à l’instruction religieuse et élémentaire, au régime disciplinaire, à la nourriture et à l’entretien des esclaves, page 59.- Au point de vue de l’amélioration, ces ordonnances sont bonnes, page 59.- Aucun moyen de constater que le maître a envoyé les esclaves à la conférence religieuse. Les visites des curés sur les habitations ne sont pas assurées, page 60.- Si le maître n’envoie pas ses jeunes esclaves à l’école, on ne peut vérifier le délit. Il fallait imposer un registre de présence. La loi essaie d’affranchir l’âme avant le corps, page 64.-

Le fouet supprimé pour les femmes, et réduit à 15 coups pour les hommes, page 62.- Registre de punitions. Il faut demander l’abolition complète du fouet, page 63.- La détention disciplinaire fixée à 45 jours laisse encore place à l’arbitraire, page 64.- Arrêté du gouverneur de la Martinique sur les salles de police, page 65.- Prohibition des fers, chaînes et liens. Les entraves, page 66.- Droit de plainte. Impossibilité de le garantir. Nourriture, page 67.- L’ordonnance ne précise rien sur la concession d’un terrain en échange de la nourriture, page 67.- Grave lacune, page 68.- Tout esclave, même lorsqu’il ne fait pas l’échange, a droit à un petit jardin, page 69.- Atteinte à la jouissance du jour réservé. La concession d’un jour par semaine ne dispense le maître que de la nourriture, page 70.- Il fallait fixer des limites pour la publication des arrêtés locaux. Le procureur général de la Guadeloupe admet déjà que des conventions entre maîtres et esclaves pourront modifier la législation nouvelle, page 71.- On confie l’exécution de la loi à ceux qui ont le plus d’intérêt à l’étouffer. Nécessité de la faire connaître aux esclaves, page 72.- Rien de fait pour les mariages. Juges de paix. Le travail facultatif des esclaves fixés à 0 centimes par heure. Les conseils coloniaux n’ont rien réglé de ce qui est laissé à leur décision, page 73.- Lenteur calculée. L’indulgence accordée à l’obstination des colons augmente leur audace, page 74.

Les préparations ne préparent que le désordre, page 75.

De l’instruction élémentaire et religieuse des esclaves, page 75.- Le ministère de la marine a dépensé 3.900.000 fr. pour apprendre à lire à douze enfants esclaves. Mauvaise excuse, page. 76.- Le gouvernement n’envoie pas même ses noirs à l’école. Le maire de la Pointe-à-Pitre fait fermer aux esclaves l’école ouverte pour eux. M Mackau écrit de désobéir à ses propres ordonnances, page 77.- Il y a six ans qu’a commencé d’une manière précise la période d’expérience et rien n’est fait page 78.- Les maîtres sont plus passionnés dans la résistance aujourd’hui qu’en 1839, page 79.

Arrêté du gouvernement de la Guadeloupe sur l’instruction élémentaire, page 80.- La loi a été votée le 4 juin 1845, on ouvre les écoles le 1er. décembre 1846. Texte de l’arrêté, page 80.- Il n’existe d’écoles que dans un petit nombre de quartiers, et là encore les enfans ne pourront recevoir que trois heures de leçons par semaine. L’arrêté ne renferme aucune clause qui garantisse son exécution, page 81.- La loi de 1845 ne sera pas plus exécutée que celle de 1839, page 82.

Inexécution de la loi du 18 juillet, page 83.- Le fouet toujours porté au champ de travail, page 83.- Deux esclaves punis pour résistance à une violation de la loi, page 84.- Un enfant mis en prison par son père pour avoir appris à lire à un petit nègre, page 85.- Aucune autorité n’assiste à la distribution des prix de l’école de couleur. Mépris de la loi certifié par les livres des négociants, page 86.-

Preuves judiciaires de l’instruction de la loi, page 87.- Affaire Jabrun.- Le châtiment corporel appelé correction paternelle, page 87.- Il n’est pas illégal de frapper un esclave avec un bâton par la raison qu’on peut lui casser le bras avec une rigoire, page 88.- Les juges donnent plus de créance à trois médecins qu’à deux plaignants et plusieurs témoins. L’autorité garde sur la violation de la loi un silence significatif. Un atelier se révolte pour renoncer aux améliorations du régime servile, page 89.- L’accusé en se conformant aux anciens usages au lieu de se conformer à la législation nouvelle n’est pas coupable. Les conventions faites entre maîtres et esclaves peuvent modifier la loi, page 90.- Salle de police bâtie par anticipation, page 91.- Le législateur qui a cru faire du bien aux esclaves ne leur fait que du mal.- Sage lenteur de l’administration à accomplir son devoir, page 92.- M. Jabrun, homme de progrès, n’a été poursuivi qu’à l’instigation du parti de la résistance. Il ordonne encore des châtiments corporels, page 95.

Arrêté du gouverneur de la Guadeloupe concernant la nourriture des esclaves. Le bâton remplace le fouet. page 94.- Les esclaves sont restés 14 mois privés des bénéfices de la loi, page 94.- Malgré la volonté du législateur ils sont encore condamnés à manger éternellement de la morue salée. Le supplice de la barre rétablit par l’autorité locale, page 95.- Les lois favorables aux esclaves ne seront toujours qu’un jeu pour les maîtres, page 96.- Au lieu d’avancer on recule au-delà de 1786. Un planteur de la Martinique veut remplacer le fouet par des garcettes, page 97.

Résumé, page 97.- On a privé pendant un an les esclaves d’une partie des améliorations votées pour eux.- Tous les décrets des conseils coloniaux sont à rendre. Les esclaves que la loi et les ordonnances enlèvent au maximum de travail et au fouet sont tous soumis au maximum et au fouet, page 98.-

Le gouvernement n’a encore statué ni sur les mariages ni sur les concessions du terrein. Les Turcs nous devancent dans les préparation à l’affranchissement, page 99.

 CHAPITRE II.- Attitude des conseils coloniaux en présence des lois nouvelles.

Martinique. La loi du 18 juillet précipite les colonies vers l’abîme! page 400.-

 En présence de la persécution, le devoir du conseil était la résistance, page 100- Le projet de loi est odieux, page 101.

Guadeloupe. Les colons repoussent les innovations les plus modérées, page 101.- Discours du gouverneur, page 101.- La loi créé des tribunaux d’exception et ébranle jusque dans ses fondements la société coloniale, page 102.- Le conseil, s’il était libre, repousserait encore le pécule et le rachat. Tout changement est déclaré inutile et dangereux, page 103.- Les créoles en parlant d’eux, disent toujours les colonies. Promesses de concours franc et loyal, page 104.-

Martinique. Appréciation de lois des 18 et 19 juillet, page 105.- M. Mathieu dit nous, quand il parle des colons page 106- La loi n’a fait autre chose que ce que la philanthropie véritable des maîtres avait consacré, et elle consomme la ruine des colonies par des mesures désastreuses, page 107.- Les colons n’oublient rien et n’apprennent rien. Ils repoussent toute transaction, page 108.- Quelques règlements d’humanité les exaspèrent, page 109.- Il faut avant tout affranchir les fonctionnaires. Les colons se soumettront quand le gouvernement le voudra, page 110.- Ils savent que l’opinion publique les condamne. Leur résistance est l’ouvrage du ministère, page 111.

Guadeloupe. les plus sages parmi les colons, page 112.- Bon esprit des habitants page 112.- La perte des colonies. Les maîtres ne veulent rien céder, page 113.- Vous voulez tuer l’esclavage, vous tuez les îles. Le travail cessera dès qu’il sera facultatif, page 114.- Il était impossible de donner moins que ce que donnent les lois nouvelles. Les colons ne veulent ni ne peuvent prêter leur concours à l’émancipation, page 115.

Martinique et Guadeloupe. Dernières manifestations des conseils, page 116.-      Les conseillers de la Martinique refusent de promettre leur concours financier. Aveu de troubles et de désordres graves, page 116.- Les maîtres repoussent la responsabilité de ce qui s’accomplit. Les ordonnances sont impraticables, page 117.- Il fallait donner de l’instruction aux enfants esclaves pendant les heures de repos. Relâchement général dans la discipline, page 118.- Les demi-mesures toujours préjudiciables. Symptôme de progrès, page 119.- Un pas du conseil de la Guadeloupe vers l’abolition, page 120.-

Cayenne. L’habitude de la tyrannie enlève aux colons l’usage de la raison, page 121.-

Les idées des créoles sont celles des nobles de l’an 1300, page 121.- Beau discours du gouverneur, page 122.- La loi de juillet a anéanti l’autorité du maître. On ne pouvait la rendre sans indemniser auparavant, page 123.- Le peu que donne la loi. La génération prochaine ne voudra pas croire à ce qui se passe aux îles, 124.- Jamais conseil colonial n’a demandé l’émancipation, page 125.- Le travail libre aux colonies est une chimère. Les colons doivent s’accuser de tous les désordres de l’état transitoire. Ferme réponse du gouverneur, page 126.

Le journal le plus avancé des Antilles, page 127.- Il demande que l’épée des sergents de ville soit remplacé par un nerf de boeuf, page 127.- On n’apprend pas plus l’égalité à des maîtres que la liberté à des esclaves. Danger des demi-mesures, page 128.- L’émancipation mettrait un terme forcé à tous les troubles, page 129.

 CHAPITRE III.- Les autorités des colonies complices des maîtres.

M. Layrle, gouverneur de la Guadeloupe, page 430.- Les fonctionnaires des colonies sont les adversaires déclarés de l’abolition, page 130.- M. Layrle félicite les maîtres de leur conduite, page 131.- Il n’a eu de plaintes à recueillir nulle part, 132.- C’est à la lueur de deux incendies qu’il parle de la tranquillité des ateliers. Il blâme le rachat forcé, page 133.- Il décourage la population servile. Il appelle le fonds de rachat fonds métropolitain, page 134.

Les fonctionnaires inférieurs se règlent sur le chef. La France est-elle destinée à recevoir des leçons d’un barbare, 135.

M. Mathieu, gouverneur de la Martinique, fait saisir les discours de M. Beugnot, page 136.- Quarante caisses de marchandises bouleversées pour y trouver ces discours, page 136.- M. Larosière, directeur des douanes, support de censure, page 137.- La mesure prise à l’égard de M. Agnès est un moyen d’intimidation. L’autorité persiste dans les errements du passé, page 138.-

Basses persécutions contre le négociant auquel étaient adressés les discours, page 139.

M. Larosière agissait d’ordre supérieur, page 139. Il faut méchamment confisquer de nouvelles caisses adressés à M. Agnès, page 140.- Il assigne celui-ci comme fraudeur, page 141.- M. Agnès est renvoyé de la plainte et M. Larosière condamné à 400 fr. de dommages-intérêts, page 142.- Cette affaire particulière se lie à la chose publique, page 113.

Comment M. de Mackau défend l’acte de censure de M. Mathieu. Libre disposition de brochures contre abolitionnistes, page 143.- M. de Mackau falsifie volontairement la vérité à la tribune. Texte de l’acte de saisie, page 144.- C’est bien le discours d’un pair de France dont l’autorité a voulu arrêter la circulation.

M. de Mackau se moque de la chambre des pairs, page 145.- Distribution par la poste locale, des discours du délégué des blancs. Droit de surveillance sur la presse, page 146.- Le gouverneur de la Martinique est au service du parti de l’esclavage, page 147.- Peut-il saisir le Moniteur? La presse, aux colonies, est ouvertement hostile à l’émancipation, page 147.- Les colons sont terrifiés par le moindre écho d’indépendance. Ils sont loin de se préparer pour la liberté. Danger de leurs dispositions, page 149.

M. de Mackau fait ajourner le rapport de la plainte portée a la chambre contre la saisie, page 149.- L’ajournement était l’annulation de la plainte, car le rapport occupait la dernière séance, page 118.

M. de Mackau ordonne la restitution des brochures saisies, page 150.- Cette solution est une victoire sur la faction des maîtres et une mesure sage, page 150.

M. Mathieu a compromis la dignité du commandement, on le nomme contre-amiral, page 151.

Un fonctionnaire public vendant un nègre libre, page 151.- Ziègler vend à madame Cadeot un jeune noir, Mentor, qu’il a amené du Sénégal, page 152.

-M Cadeot, aujourd’hui ordonnateur à Cayenne revend ce nègre qu’il sait libre, page 153.- Mentor est reconnu libre, page 154.- On étouffe l’affaire et l’on se contente de rapatrier Mentor, page 155.

M. Boréa, commissaire de police à la Guadeloupe.- Acquittement prononcé par des magistrats sans assesseurs, page 156.- Boréa fouette de sa propre main une femme enceinte. Horribles détails, 157.- Acquittement. Conduite de M. Mittaine, procureur-général, page 158.

Comment le directeur de l’intérieur à la Martinique fait exécuter la loi sur l’instruction des esclaves.- page 159. – Un arrêté local du 2 octobre oblige les maîtres à envoyer leurs enfans esclaves à l’école, page 159. – M Frémy, le 12 février suivant, appelle l’attention de messieurs les propriétaires sur l’obligation où ils sont d’obéir à l’arrêté, page 160.

Le ministre de la marine a, par sa conduite, la plus grande part dans la résistance des colons. Les fonctionnaires des îles plus arriérés que les habitans, page 160.

-Les colons savent réduire les autorités en servitude, page 160.- Le maire de Saint-Pierre fait de sa seule autorité fouetter un nègre canotier et n’est pas poursuivi. Le ministre de la marine est créolisé, page 161.- MM Goubert et Bousquet, disgraciés; M. France, expulsé pour avoir pris les lois au sérieux. Des magistrats servent l’injustice pour garder leur place, page 162.- D’autres exagérent le zèle pour les planteurs, afin de mieux mériter la bienveillance du pouvoir. La censure permet d’insulter M. Meynard, qui exprime quelques idées de progrès, et ne lui permet pas de répondre, page 163.-

Grâce à la faiblesse du gouvernement, les maîtres sont moins résignés à l’abolition aujourd’hui qu’il y a six ans. L’autorité dispute aux habitans le privilège des supplices, page 164.

CHAPITRE IV.- Situation de l’ancienne classe de couleur.

Le conseil municipal de Fort-Royal donne sa démission en masse pour ne pas siéger avec un mulâtre. Par le même motif, le conseil colonial refuse une invitation à dîner du gouverneur. Adhésion du pouvoir au préjugé de couleur, page 165.-

Mulâtre élu au conseil municipal. Protestation et démission du conseil, page 165.- Le gouverneur annule l’élection. Acte énergique de M. Macao. Un mulâtre élu membre du conseil colonial. M. Mathieu, gouverneur, supprime à cause de cela, en 1845 le repas officiel d’usage, page 166.- Lettre de M. Clavier, le conseiller mulâtre. Le conseil, en 1846, refuse l’invitation à dîner que M. Mathieu est forcé de faire, page 167.- Puériles préoccupations des blancs; le gouvernement les entretient. Suspension de la milice, page 168.

Les mulâtres encore exclus des lieux publics à la Guadeloupe. Les cafés privés,. page 170.- Quatre mulâtres ne peuvent se faire servir dans un café, page 169.- Cafés privés, page 170.- Un maire créole, page 171.- Où en est la société coloniale. Aucune raison d’ordre ne peut justifier les cafés privés, page 172.- Les colons sont incorrigibles, page 173.

Fermeture de la loge des francs-maçons mulâtres, tandis qu’on laisse fonctionner celle des blancs. une soeur de Saint-Joseph cachée, parce qu’elle est négresse page 173.- Il n’y a de frères que selon l’épiderme, page 173.- Le maire de Saint-Pierre fait fermer la loge des mulâtres. Le supérieure de Saint-Joseph confine au convent une soeur négresse qui débarque à Fort-Royal, page 174.- Cette soeur est consignée à bord d’un bateau qui l’amène à Saint-Pierre, et précipitamment envoyée à Sainte-Lucie, page 175.- Le département de la Marine n’emploie pas aux Antilles trois prêtres noirs dont il peut disposer, page 176.

Élection municipale à Saint-Pierre, M. Layrle rend public les cafés privés à la Guadeloupe, page 176.- La classe de couleur prend enfin son véritable rôle. Sa conduite louable dans les élections de Saint-Pierre. Les blancs plus raisonnables que l’autorité. La suspension de la milice n’est qu’une lâche concession du pouvoir au préjugé de couleur, page 177.- Progrès politique, page 178. Réponse du mairie de la Basse-Terre à un mulâtre qui se plaint de n’avoir pas été reçu dans un café, page 179.- On s’adresse à M. Billecocq, qui ne répond même pas, M. Layrle supprime toutes les autorisations de privés, page 180.- Il fait également ouvrir aux demoiselles de couleur la maison d’éducation des soeurs de Saint-Joseph, page 181.

Provocations à la guerre civile entre les blancs et les mulâtres. Acquittement par la magistrature coloniale, page 181.- M. Fourniols, procureur du roi, insulte un mulâtre, page 181.- Réparation, page 182.- Lettre de M. Mittaine, procureur-général, page 183.- Un blanc fait mettre à la barre un mulâtre libre et acquitté.- page 184.- Mulâtres emprisonnés arbitrairement. L’administration surexcite les vanités de l’épidémie, page 185.- Provocations à la guerre de couleur, page 186.

CHAPITRE V.- Clergé colonial

Brochure en faveur de l’esclavage, publiée à la Martinique par l’abbé Rigord, page 187.- Cet ouvrage a été publié à Fort-Royal, chez l’imprimeur du gouvernement, page 187.- Les abolitionnistes, théoriciens imprudents. l’Abbé Rigord aime à se persuader que les hommes naissent égaux. La religion catholique ne flétrit pas l’esclavage, page 188.- Les prêtres sont désintéressées dans la question. La traite est un fait providentiel, page 189.- Les exigences du catholicisme imposent au clergé de ne pas marier les nègres, page 190.- La moralisation des esclaves par le mariage est un non sens, page 191.- L’ordonnance du 5 janvier 1840 était incompatible avec l’esclavage. On n’a pas envoyé assez de prêtres pour l’exécuter, page 192.- M. Rigord avoue que tous les prêtres qui tiennent pour l’abolition sont forcés de quitter les colonies, page 193.- C’est au ministre de la marine que revient la responsabilité du mal. Autre aveu de l’abbé Rigord, page 194.- Il se prononce en résumé pour la liberté, mais il demande du temps. Son adhésion au préjugé de couleur, page 195.- Pas un seul prêtre des colonies a protesté contre cette brochure, page 196.-

M. l’Abbé Bonnet exilé de la Guadeloupe pour son dévouement aux esclaves.- page 196.-

-Le crime de M. l’abbé Bonnet, page 197.- En frappant ainsi les bons, on étouffe le zèle des tièdes et l’on augmente l’audace des mauvais, page 198.-

Séminaire du Saint-Esprit.- § 1er. On enseigne au séminaire du Saint-Esprit que la servitude n’offense ni la loi divine, ni la loi naturelle, ni la loi civile, ni la loi religieuse, page 198.- Le clergé colonial est indigne de la mission qu’on lui confie. Le gouvernement se charge de façonner à l’esclavage les prêtres qu’il envoie aux îles, page 199.- Pourquoi prendre les prêtres au séminaire du Saint-Esprit? page 200.- Ils ne s’occupent pas de l’instruction religieuse des noirs. Enseignement du séminaire, page 201.- Théologie dogmatique et morale de M. Lyonnet. L’esclavage n’est en contradiction avec aucun droit, page 204.- Le commerce des nègres est licite, page 206.- Les esclaves ne peuvent s’évader sans pécher, page 207.- Instructions théologiques à l’usage des séminaires, par l’évêque du Mans. Aucun droit ne défend l’esclave, page 208.- Un esclave ne peut s’enfuir sans injustice, page 209.- Le commerce de nègres est licite, page 210.-

§ 2.- Légitimité de l’esclavage professé par M. Carrière, directeur de Saint-Sulpice, et par les conférences d’Angers, page 211.- L’esclavage n’est contraire à aucun droit, page 212.- Titres justes de l’esclavage, page 213.- La traite est plus utile que nuisible aux nègres, page 214.- Circonstances qui souillent ce commerce, page 215.- On a eu tort de prêter aux papes des idées défavorables à la servitude, page 217.- Conférences d’Angers. Dieu et Jésus-Christ autorisent l’esclavage, page 218.- L’église a toujours eu des esclaves. Les négriers ont droit de tuer les nègres qui se révoltent, page 219.- Les pères ont droit de vendre leurs enfants comme esclaves, page 220.- Le catholicisme à une part directe dans l’esclavage des nègres. On ne s’inquiétait pas du salut des âmes rouges, page 221.- Les communautés religieuses ont des esclaves aux colonies, page 222.- On ne trouve aucun prêtre engagé dans la question de l’abolition, page 223.- L’archevêque de Paris refuse de s’occuper de l’émancipation. L’univers et le pape Grégoire XVI contraires à l’esclavage, page 224.- Paroles de l’abbé Bergier, dignes de la Convention, page 225.

§ 3 Corruption des prêtres des colonies, page 225.- Les jeunes prêtres ecclésiastiques, déjà préparés par le séminaire du Saint-Esprit, se pervertissent rapidement aux colonies. Les bons ne peuvent rien contre le torrent, page 226.

-Les prêtres ont des esclaves. Infractions à la discipline de l’église passées en usage dans toutes les paroisses des Antilles page 227.- Avertir les esclaves de leurs devoirs religieux est un attentat aux droits du maître. Un prêtre trempant dans une des plus infâmes turpitudes de l’esclavage, page 228.- Les esclaves de l’église ne sont pas moins fouettés que ceux des habitants, page 229.

§ 4.- Réformes possibles, page 230.- Pourquoi les créoles demandent qu’on moralise les noirs par la religion, page 230.- Il faut changer le personnel du clergé, lui interdire de posséder des esclaves, page 231.- et l’affranchir du joug des colons. M. l’abbé Grivel accusé de prédications indiscrètes, page 232, – et changé de résidence, page 233.- Les prêtres doivent être indépendants du chef de la colonie. Si l’évêque est mauvais, son clergé sera mauvais, page 234.- La seule garantie est l’inviolabilité, sauf jugement motivé et publié. Même avec un bon clergé, on ne moraliserait pas les esclaves, page 235.- Tout bien est neutralisé par l’esclavage, 236.

M. l’abbé Leguay, supérieur du séminaire du Saint-Esprit, avoue que l’on y enseigne la légitimité de l’esclavage.- page 236.- Lettre de M. Leguay, page 237-

Il appelle la question de la servitude un terrain brûlant. Il souhaite que l’on puisse trouver un moyen de rendre les nègres à la liberté sans les exposer à des maux plus funestes que l’esclavage, page 238.

Réponse à M. Leguay restée sans réplique. il faut choisir les bons prêtres partout où ils se trouvent. page 239.- Lettre d’un curé de campagne à M. Leguay, page 239.- L’esclavage est bon ou mauvais, page 240.- Si l’on veut avoir une école spéciale de missionnaires coloniaux, il importe de faire une théologie qui n’enseigne pas la légitimité de la servitude. Nécessité de remanier le clergé actuel. Danger de mêler les jeunes ecclésiastiques aux anciens, page 243.- Un curé des colonies souscrivant pour la défense de l’esclavage, page 244.- Il n’est pas nécessaire de préparer les prêtres pour les îles. La servitude n’a été abolie que dans les pays protestants ou mahométans, page 245.

M. Guyard, préfet apostolique de la Guadeloupe. Le préjugé de couleur, chassé de la vie publique, trouve refuge dans les églises, page 246.- I M. Guyard appelle les abolitionnistes un parti, page 246.- Il parle des droits des maîtres. Il aura égard aux circonstances de personnes et de lieux pour promulguer la fraternité humaine, page 247.- il fait l’éloge du clergé colonial, page 248.- L’abbé Rovieri, curé de Saint-Pierre, divise la population dans son église selon la couleur, page 250.- Le préfet apostolique M. Jacquier, fait de même, page 251.- Il exile M. l’abbé Féron qui a assisté à la distinction de prix d’une pension de couleur. l’abbé Ravinant à Saint-Roch, page 253.- l’abbé Lacordaire dit que l’esclavage des nègres est justice, page 254.-

Doctrines de M. Jarquier, préfet apostolique de la Martinique, page 255.- Le seul coupable aux colonies, c’est l’esclave, page 256.- C’est pour aider les colons que les prêtres ont passé les mers. ils ne seront jamais les prédicateurs de l’émancipation, page 257.- M. Jarquier trouve vaines et futiles les déclamations contre l’esclavage, page 258.- l’esclavage nuit à l’éducation religieuse des esclaves, page 259.- Les maîtres sont hostiles à l’instruction religieuse. Succès des prêtres dans les îles émancipées, page 260.- Lettre de M. l’abbé Dandin, page 261.- Les doctrines de l’abbé Jarquier d’autant plus mauvaises qu’il est préfet apostolique, page 262.- Indifférence du ministère de la marine en présence de ces scandales. Pétition du clergé français pour l’abolition, page 263.

Conclusion, page 264.- C’est l’institution de l’esclavage qui fait les prêtres indignes et les fonctionnaires prévaricateurs, page 264.

CHAPITRE VI.- Sévices et cruautés

Comparaison du sort des esclaves avec celui des prolétaires, page 265.

Fausseté et danger de cette comparaison. L’esclave le mieux traité a besoin d’être abruti pour ne pas souffrir, 266.- Le boeuf, plus heureux que le garçon de ferme. Sort d’un esclave, 267.- Les nègres sont aussi misérables matériellement que moralement. Outre les siennes propres, l’esclavage a toutes les misères du prolétariat, page 269.

Bien que l’existence matérielle des esclaves soit en général tolérable, l’émancipation immédiate n’est pas moins indispensable, page 272.- La condition des esclaves les moins maltraités est encore abjecte et remplie de mal.- Les adoucissements du régime servile n’empêchent pas les exceptions effroyables, page 273.- Ce n’est pas la majorité, c’est la minorité des esclaves dont le destin est devenu supportable, 274.- Les chevaux de fiacre et les chevaux de luxe, page 276.-

Histoire d’un esclave. Ce qu’est le droit de plainte accordé aux nègres, page 276.- Quelques traits de l’esclavage peint d’après nature, page 282.- Un enfant de douze ans, le corps sillonné de coups de fouet, page 283.- un autre couvert des chaînes. Cage en bois où l’on enferme des nègres, page 284.- Les maîtres commettent des cruautés sans en avoir conscience, 285.- Esclaves tués sous les coups, page 286.-

Les lois seront toujours impuissantes à régler humainement l’esclavage. Médecins au rapport. Magistrats des colonies, page 287.- Les parens d’un marron punis pour la faute du marron. M. Pujo, procureur du roi, ne poursuit pas, page 288.- Un esclave roué de coups et meurtri vient se plaindre, le docteur Reynier déclare que le châtiment n’est pas excessif et M. Selles, procureur-général ne poursuit pas, page 289.- Les médecins aux rapports, la conscience et l’intérêt, page 290.- Esclave enchaîné pendant quatre mois sans que M. Selles veuille intervenir. Le crime de l’un compromet la communauté entière, page 291.

Partialité des médecins au rapport dans les affaires de sévices, page 292.- Elle est avouée par le ministre de la marine, page 293.- Dédain des autorités pour les dépêches ministérielles, page 294.- Les chirurgiens de la marine ne seront pas plus impartiaux que les médecins civils, page 296.- A chaque tentative d’amélioration on rencontre une impossibilité, M. Mackau se borne à vouloir bien compter les plaies faites par le fouet, page 296.- Avec le fouet il y aura toujours des barbaries, page 297.

Affaire des frères Jaham. Les colons font éclater leur sympathie pour les coupables, page 297.- Déférence des magistrats pour les accusés de sévices, page 298.

Procès, page 299.- Le procureur du roi constate l’intérêt des colons pour les accusés, page 300. M. Desportes, médecin au rapport. L’esclave Gustave meurt à l’hôpital à la suite de mauvais traitements, page 301.- Jean-Baptiste, âgé de douze ans, tué sous les coups et les chaînes, page 302.- MM. Martineau, Lafaye, Deguerre et Fazeuille, médecins au rapport, démentent l’accusation, page 304.- Rosette est fouettée malgré son état de grossesse et l’on verse sur les plaies une composition de piment et de jus de citron, page 306.- Esclaves contraints à manger des excréments. M. Robillard, conseiller, page 307.- Vincent, âgé de cinq ans, battu, enchaîné et chargé d’un carcan à cochon, 308.- Ch. de Jaham coupe un bout de l’oreille de Jean-Baptiste et le force à l’avaler avec des excréments et une igname imbibée du sang qui coule de la plaie, page 312.- Dépositions à décharge. M. Robillard, page 316.- Acquittement. Résumé, page 317.

Les esclaves des frères Jaham n’ont pas été rendus à la liberté et leurs maîtres n’ont pas été expulsés de l’île, quoi qu’en ait dit M. Mackau à la tribune, page 318.-

M. Mackau déclare deux fois, le 15 mai que Rosette et Vincent sont libres, et c’est le 14 mai qu’il écrit de les affranchir, page 319.- Flagrante désobéissance des autorités aux ordres ministériels, relativement à l’expulsion des acquittés. Acte d’affranchissement de Rosette et de Vincent, page 320.- Les provocateurs des frères Jaham sont les autorités civiles et judiciaires, page 324.

Haine des colons pour le magistrat qui a instruit l’affaire Jaham, page 322.

Affaire Crosnier et Gigon. Un esclave forcé de tenir sa mère pendant qu’on la fouette. Condamnation à 500 fr. d’amende par les magistrats sans assesseurs, page 323.

-Unanimité de la presse quand il s’agit de l’abolition de l’esclavage, page 323.- Acte d’accusation, page 324.- Punition des membres de la famille d’un esclave fugitif, page 325.- Le fils condamné à tenir sa mère que l’on fouette, page 326.- M. Beausire, président de la Cour royale, page 327.- En France Crosnier et Gigon n’auraient pas même pu songer aux actes infâmes qu’ils ont commis. Supplice des maringouins, page 327.- Belles paroles du docteur Cornuel sur le châtiment corporel, page 328.- Evasion de 16 esclaves de Crosnier et Gigon, page 328.- Le procureur général brigue l’honneur salarié de la délégation, page 329.

Un atelier puni devant l’autorité parce qu’il a préféré louer son travail du samedi à une autre personne qu’à son maître, page 329.

Affaire O’Neil et Assié de Pompignan. Une femme nourrice frappée à coups de bâton et blessée par un géreur. Condamnation à 100 fr. d’amende par les juges sans assesseurs, page 334.-

Colombe, enceinte, après avoir été blessée au visage par O’Neil, reçoit 29 coups de fouet par ordre de Pompignan et est ensuite enchaînée, page 332- Un nègre canotier chargé de chaînes, page 333.- Les maîtres commettent innocemment d’horribles cruautés. Le planteur peut-il être seul juge des châtiments corporels qu’il ordonne, page 334.

Geronimo Paez et Louis Garnier. Un géreur assassine un esclave, le propriétaire le chasse en retenant sur ses gages la valeur du mort. Il est ensuite acquitté par la cour d’Assises, page 335.-

Un directeur de mines au Brésil fait ouvrir la poitrine à cinq esclaves pour y trouver des diamants qu’il les soupçonne d’avoir pris, et il est simplement condamné à payer la valeur des nègres, page 335.- Fait analogue à la Martinique, page 337.

Nouvelle traite. Exportation d’esclaves à Puerto Rico, M. Billecocq, directeur de l’intérieur à la Guadeloupe, met en esclavage des nègres libres, page 338.-

Traite de cabotage, page 338.- Exportation de trois esclaves malgré les ordres du ministre de la marine. M. Fremy, directeur de l’intérieur de la Martinique, refuse de livrer une femme condamnée à l’exportation et que l’on veut racheter, page 339.- M. Billecocq donne un nègre anglais à M. Navailles, trésorier de l’île. Il avait déjà vendu une femme libre en 1842, page 341.

Trente esclaves exportés de Marie-Galante à Puerto-Rico, le 26 février 1847, page 341.

Affaire Marie. Déportation d’esclaves d’une île à l’autre, page 342.- Madame Joli de Sabla envoie vendre une de ses femmes à Saint-Martin, page 343.- Marie, la mère de cette femme, porte plainte; on fait revenir l’esclave, mais alors M. Billecocq permet que Marie et sa fille soient expédiées à la Martinique pour y être mises à la criée, page 344.- Le repos d’un pays peut-il jamais exiger l’éloignement de deux femmes? Plusieurs journaux s’intéressèrent à Marie, page 345.- L’esclavage musulman et l’esclavage chrétien, page 346.- On n’ose pas vendre Marie et sa fille à la Martinique, elles sont ramenées à la Guadeloupe où on les met de nouveau en prison, page 347.- Prévarication de M. Devaux, commissaire de police, non poursuivie par M. Mittaine, page 349.- Marie s’adresse à M. Layrie, qui fait sortir elle et sa fille de prison en les autorisant à chercher un nouveau maître. Madame Joli de Sabla n’est pas une femme méchante, page 350.- Le trait de la négresse Marie prendra place dans les fastes de l’amour maternel. La faculté de déportation même d’une possession française à une autre, est une concession à la tyrannie dominicale, page 354.

Affaire Saint-Prix Fortier. Encore d’horribles sévices. Condamnation à 200 fr. d’amende par les magistrats sans assesseurs, page 352.- Les crimes de l’esclavage tiennent à l’esclavage même, page 352.- Maxime séquestré pendant quatre mois avec de lourds anneaux à chaque pied. Quarts de travail de 20 heures, malgré la loi du 18 juillet, page 354.- Quatre esclaves enchaînés pendant 16 mois, nourriture insuffisante, page 355.- L’accusé soutient qu’il a usé de son droit. Le défenseur compare le maître qui sévit au juge qui condamne malgré lui à la peine de mort, page 356.- Aucune différence entre les magistrats et les assesseurs, puisqu’ils sont les uns comme les autres possesseurs d’hommes, page 357.- On laisse les esclaves dans l’ignorance de leurs droits. Il est impossible de transiger avec l’esclavage, 358.

Epouvantable arrêt de la chambre de mises en accusation de Cayenne, délibérant sans assesseurs, page 359.- Un maître qui fouette de sa propre main une femme enceinte de sept mois ne sort pas des limites du pouvoir disciplinaire, page 360.

Affaire Leprince.- Pour 500 francs d’amende, en peut tuer une vieille femme en l’excédant de travail. Jugé par les magistrats sans assesseurs. Nécessité de la publication officielle des procès des sévices, page 361.- L’esclave Thémie, au moment où la justice la prend sous sa protection, est dans un tel état qu’elle meurt deux jours après, page 361.- Le département de la Marine a suspendu la publication des procès de sévices dans l’intérêt des maîtres cruels, page 362.- Le midi nègre, page 363.- Atteinte portée par le tribunal à la législation nouvelle. Arrêt des herbes, page 364.- Plus de tournées de patronage, page 365.

Affaire Havre.- Esclaves emprisonnés pendant trois ans sans que le sachent les magistrats inspecteurs. Le sieur Basset voulant saisir le pécule pour cause de marronage. Probité d’un esclave. Page 365.- Un esclave qui demande à se racheter est aussitôt arrêté comme empoisonneur et le maître prend le pécule, page 365.- Conseil de M. Pujo à cet esclave qui porte plainte. Le plaignant a perdu l’usage de ses jambes à la suite de deux ans d’une séquestration complète, page 366.- Véritable démoralisation des maîtres. M. Basset, page 367.- Dans l’esclavage le bien même engendre le mal. Trait de probité du nègre Cercle, page 368.

Affaire Nau et Toréé.- Esclaves fouettés sur un mulet mort. Nombreux sévices. Condamnation dérisoire par les juges sans assesseurs. M. Morelle procureur-général, page 369.- Quelques arrêts de la cour royale de la Martinique, page 369.-

-Une femme de 70 ans et son fils fouettés jusqu’à effusion de sang sur un mulet empoisonné, page 370.- Trois esclaves morts à la suite de mauvais traitements. Autres sévices, page 371.- Atelier forcé d’assister au supplice à genoux et les mains jointes, page 372.- Traces du fouet sur la femme de 70 ans constatés trois mois après l’exécution. circonstances atténuantes, page 373.- Aveux des accusés, page 371.- défense de M. Reboul. Deux femmes fouettées pour leur déposition en justice, page 375.- MM. Thoré et Dessertes s’approprient la taxe de leurs nègres témoins, page 376.- M. Morel, procureur-général, reconnaît aux maîtres le droit d’enchaîner. Il n’intervient pas, page 377.- Il est copropriétaire d’une habitation avec M. Thoré. Condamnation à 15 jours et 1 mois de prison, page 378.- M. Thoré. Condamnation à 15 jours et 1 mois de prison, page 378.- M. Thoré est un colon progressif. Conduite honorable de M. Devaulx, page 379.- La loi sera toujours impuissante contre les forfaits de l’esclavage, page 380.

Affaire Paul Desgrottes.- 100 francs d’amende pour deux esclaves séquestrés et enchaînés pendant 14 mois. Jugement de magistrats sans assesseurs, page 380.

Les abus les plus monstrueux sont les inévitables résultats de l’esclavage, page 380.- L’accusé déclare n’avoir fait que ce que font tous les habitants, page 382.- 100 francs d’amende pour une infraction qui en rapporte 1000. Malgré les lois nouvelles le régime disciplinaire n’est toujours que ce que veut le maître, page 388.

Affaire Lehimas.- Atrocités, condamnation à 16 jours de prison et 1290 francs d’amende par les magistrats sans assesseurs. Le fouet, page 384.- Les faits de sévices ne sont pas de rares exceptions, page 384.- Belle coutume des moeurs créoles. Les colons perdent jusqu’aux générosités que l’esclavage pouvait comporter, page 386.- Lehimas retire aux blancs le droit de grâce. Châtiment de Jenny, mère de 9 enfans et enceinte, page 387.- Le fouet. L’atelier de Lehimas privé d’une nourriture suffisante, page 388.- Violation de la loi nouvelle. Les juges qui condamnent Lehimas à 16 jours de prison et 170 francs d’amende, condamnent à 2 années d’emprisonnement et 200 francs d’amende. M. JosephCatherine, pour avoir donné asile à trois marrons, page 389.

Affaire Degazon.- 20 ans de travaux forcés pour l’esclave, rien pour le maître. Jugement de cour d’assises, page 390. Jurés probes et libres. Acte de justice de M. Laryle, page 394.

Affaire V. C. Desgrottes.- Les nègres sont plus maltraités depuis la loi du 18 juillet qu’auparavant. M. Pujo patron des esclaves. Droit de plainte, page 391.- Négresses de houe. Irène et Constance punies parce qu’elles apportent leurs nourrissons sur le champ de travail, page 392.- Arrêt de non lieu, 393.- M. Pujo renvoie à son maître, pour être fouetté, un esclave qui est venu porter plainte, page 394.- Droit de plainte, page 395.- M. Pujo étouffe une autre plainte portée et constatée contre le sieur Roignan, page 396.- Si M. Pujo n’avait pas vu le ministère avancer les mauvais magistrats il serait resté honnête, page 397.

Seconde affaire Crosnier.- Un mois d’emprisonnement et 200 francs d’amende pour récidive de châtiments excessifs. La cour royale jugeant sans assesseurs, page 397.

-Nous honorerons toujours les bons maîtres, page 397.

Affaires Dagomel, Loumagne et autres.- Jugements de magistrats créoles. Le conseil privé de la Guadeloupe refuse d’obtempérer à une réquisition du tribunal favorable à un esclave, page 399.- Femme volée, le maître est simplement condamné à la rendre, 399.- Le tribunal acquitte M. Loumage accusé de sévices, mais il demande que l’esclave maltraité lui soit retiré. Le conseil privé refuse, page 400.- Réponse à M. Dain, sur l’affaire Loumagne page 401.- Aveuglement des créoles les plus éclairés dès qu’il s’agit de choses coloniales, pages 403.- Le sieur Pechez condamné à 3 mois de prison et 150 francs d’amende pour avoir violé tous les articles de la nouvelle loi ensemble, page 406.- Une année d’emprisonnement pour l’esclave, 25 francs d’amende pour le maître l’esclave et le maître étant accusés du même fait, page 407.- Non lieu en faveur du sieur Petit qui met une jambière à une esclave, page 407.- M. Devaulx se pourvoie en cassation contre l’arrêt de non lieu. Autre non lieu prononcé par la chambre d’accusation de Cayenne, page 408.- M. Chevalier renvoie à leur maître, par la gendarmerie, deux esclaves qui ont porté plainte.- ils sont fouettés devant les gendarmes. M. Chevalier s’est converti, page 409.- L’esclave, lorsque l’on poursuit le maître, est toujours mis en prison, page 410.-

Affaires J. Dispagne et Humbert Desprez. Supplice dont l’antiquité même ne fournit pas d’exemple. Peine de 45 jours de prison prononcé par les juges sans assesseurs, page 410.- Avortement après un quatre-piquets, page 411.- 45 jours de prison, page 442.- Le sieur Desprez fait porter jusqu’à complète putréfaction, au cou d’un esclave, la tête d’un boeuf qu’il le soupçonne d’avoir empoisonné. MM. Mercier et Poyen étouffent l’instruction.- Non lieu, page 442.

Les colons sont cruels parce qu’ils sont maîtres.- page 443.- On ne sait pas tout. La mansuétude est impossible dans l’esclavage, page 443.- Les colons se rendent solidaires des crimes en défendant les criminels, page 414.- La domination d’un seul sur plusieurs engendre fatalement le crime, page 445.- Les colons, par leur sympathie pour les coupables, prouvent assez que leurs forfaits tiennent foncièrement à l’esclavage. Hors de leurs habitation ils montrent généralement en caractère brillant, page 446.- ils sont les premières victimes de leur monstrueuse puissance.- page 447.-

Magistrature coloniale, page 447.- Comment les parquets s’excusent d’envoyer les plus grands coupables en police correctionnelle, page 417.- La police correctionnelle des colonies acquitte autant que la cour d’assises. Les planteurs ne trouvent pas grand mal à une cruauté soldée avec quelques francs d’amende qu’ils ne payent même pas, page 418.- Les plus grands excès se commettent sans que les patrons le sachent ou l’empêchent. Jonglerie des visites de patronage. Sur 72 plaintes d’esclaves 40 repoussées, page 419.- Arrêts de non lieu systématique. Les magistrats propriétaires d’hommes sont esclaves de l’esclavage, page 420.- Hommes de parti ils ne peuvent rendre que des jugements de passion. circulaire de M. de Mackau injurieuse pour eux. M. Robillard, conseiller, attaque dans le journal Les Antilles, la jurisprudence de la Cour de Cassation, page 421.- et le Courrier de la Martinique ne peut publier l’arrêt Virginie, page 422.- Même avec des magistrats métropolitains, on n’aurait pas encore bonne justice, page 423.- Les juges les plus compromis restent sur leurs sièges, page 424.- M. de Mackau fait enregistrer au Bulletin des Lois, en 1847, une ordonnance clandestine de 1829, en faveur des magistrats de l’esclavage. La justice est impossible avec la servitude, Relevé ministériel des affaires de sévices, page 425.

CHAPITRE VII.- Ventes publiques d’hommes et de femmes, page 426

L’esclave appartenant au meilleur des maîtres est encore en proie à des maux incalculables. Vente après décès page 426.- 50 nègres d’une habitation vendus par lots ou séparément. Une femme vendue cinq fois du 14 décembre 1841 au 3 mai 1843, page 427.- Misères avilissantes. Ventes pour cause de départ, page 429.- Ventes après faillite. C’est en sortant de la table de communion qu’un créole court acheter son frère en Jésus-Christ. Cynisme d’annonces page 430.- Assimilation révoltante des esclaves aux animaux, 431.- Chasse aux marrons avec des chiens, 432.- Le gouvernement met des hommes et des femmes à la criée pour son propre compte, 433.- une vente à la Martinique en 1841, page 434.- Une à Bourbon en 1831, page 435.- Une à la Guadeloupe en 1840. C’est précisément parce que l’esclavage a ces conséquences forcées qu’il faut le détruire sans délai, page 436.- Le Danemark a interdit l’exposition depuis 1838. Abdul Medjid a fait fermer les marchés d’esclaves à Constantinople, page 437.- La France ne peut-elle imiter au moins les Turcs?

CHAPITRE VIII.- Evasions aux îles anglaises, page 439

Evasion de 13 esclaves de la Martinique, page 439.– Evasion de 41 esclaves de la même île, page 440.- Evasion de 9 esclaves de la Martinique et de 40 de la Guadeloupe.- Le droit de fuite, page 441.- Les nègres ont à la liberté un titre qu’aucune loi n’a pu prescrire, page 442.

Evasion de 30 esclaves de la Guadeloupe. Magnifique aventure. Amour filial. Esprit de famille, page 443.- Un esclave réfugié à Antigue revient se mettre en servitude pour sauver sa femme; il entraîne 25 nègres dans sa seconde fuite. Trait d’amitié sublime, page 444.- Deux noirs évadés reviennent à la Guadeloupe parce que leur mère pleure leur absence, page 445.- Esprit de famille, page 446.

Condamnation par contumace de 20 évadés, page 447.- Des fugitifs enlèvent avec eux un homme libre dans la crainte qu’il ne les dénonce, page 448.

Les colons chantent pour cacher qu’ils ont peur, page 449

Evasion de 22 esclaves tant de la Guadeloupe que de la Martinique. Tentative d’évasion punie. Amour. Trait de génie. La fuite d’un esclaves est légitime. Jugement de colère, page 449.- Neuf esclaves fouettés sur la place publique pour tentative d’évasion. Un nègre veut partir avec la femme qu’il aime, elle l’oblige à emmener son jeune frère dont elle ne consent pas à se séparer, 450.- Il n’y a de légitime dans l’esclavage que la haine de l’esclave pour le maître, page 452.- Deux nègres fuient en plein jour avec un bateau emprunté à un colon. Condamnation par contumace de 5 évadés à 10 années de chaîne de police. On aurait pu les condamner à mort ou à avoir les jarrets coupés, page 453.- L’émancipation est un devoir de saine politique aussi bien que d’humanité, page 454.

CHAPITRE IX.- Suicides d’esclaves, page 455.

Les maîtres ne réclament pas les cadavres marrons, page 456.- Le marron qui se défend lorsqu’on veut l’arrêter fait une chose louable, page 459.- On ne peut être bon esclave qu’à condition d’avoir perdu toutes vertus. Le maître est coupable de la mort de l’homme qui se tue pour échapper à la servitude, page 460.- Les suicides d’esclaves sont plus nombreux qu’on ne le pourrait croire, page 461.- M. Matthieu glorifie le régime servile en présence de 8 suicides, page 462.- Les noirs tiennent à la vie comme les blancs, page 463.- Dix morts volontaires et sept morts inexpliquées en six mois dans une seule colonie, page 464.- Et l’on ne sait pas tout. Gratine se fait sauter le cervelle avec un pistolet chargé de cailloux, page 465.- Justine se coupe la gorge.- N’y a-t-il pas assez de preuves du désespoir suprême de l’esclave page 466.- Relevé frauduleux des suicides fourni à M. Mackau par ses parquets, page 467.- Les juges créoles calomnient les suicidés, page 468.

CHAPITRE X.- Admirable conduite des Nègres pendant le tremblement de terre de la Guadeloupe, page 469.

La bonté, qualité distinctive des nègres, page 469.- Touchante générosité d’un esclave, page 470.- Les créoles hors de leurs habitations. Souscription des esclaves pour les victimes du tremblement de terre, page 471.- Haute moralité d’une résolution des émancipés d’Antigue. Puise-t-elle être imitée par les délégués des blancs, page 472.-

CHAPITRE XI.- Sourde agitation des Ateliers, page 473

Tout le monde est d’accord sur les dangers de la situation. On en accuse injustement les abolitionnistes, page 473.- Opinion de M Humboldt, de M. Moreau Jonnés, page 473.- De M. Jean de la Batie, page 474.- Du gouverneur et du procureur général de Bourbon, du gouvernement, du gouverneur de la Guadeloupe, page 475. Du procureur–général de la même île, de la commission des affaires coloniales, page 476.- De l’abbé Rigord, de l’abbé Hardi, de l’abbé Dujoujon, page 477.- De M. Fortier. membre du conseil colonial de la Martinique, de M. Sully Brunet, page 478.- D’un colon de la Guadeloupe, de M. Chazelles, rapporteur de la commission spéciale de cette îles, de M. Thé. Lechevalier, page 479. De M. Pelouze, les colonies réclament une augmentation de forces militaires. Les lois transitoires irritent les maîtres et les esclaves au lieu de les rapprocher, page 480.- Incendies à la Guadeloupe, pillage à Bourbon, révolte à Cayenne, page 481.- Evasions en masse à la Martinique. Les deux conseil des Antilles avouent des désordres graves, page 482.- Les noirs commencent à se rendre compte de la violence qui leur est faite. Nègres marrons se défendant contre M. Leprince, page 483.- Un atelier délivrant un marron arrêté. Les maîtres accusent la loi et les abolitionnistes d’allumer les torches, page 484.- La tyrannie a toujours enfanté la révolte. Fallait-il ménager l’esclavage parce qu’on ne pouvait l’attaquer sans réveiller les noirs page 485.- Le droit des esclaves à la révolte est écrit dans tous les coeurs. Sacrifier quelque chose est souvent le moyen de sauver tout, page 186.- Esclaves et maîtres tout le monde souffre aux colonies. Les lois préparatoires ne préparent que le désordre, page 487.

CHAPITRE XII.- Indemnité, page 488

Le maintien de l’esclavage coûte plus cher que ne coûterait l’établissement de la liberté. L’indemnité ne s’élèvera pas au-delà de 140 millions, page 488.- Pourquoi nous croyons l’indemnité légitime, page 488.- La garnison des îles émancipées comparée à celle des nos colonies, page 489.- La paix de l’esclavage demande 8 millions de budget militaire, l’indemnité ne dépasserait pas le capital de 6 millions de rente. Les maîtres n’ont demandé que 785 fr. par tête aux émancipés du rachat forcé. La valeur moyenne d’un esclave dans la force de l’âge est de 1000 fr. page 490.- Les maîtres ont nécessairement exagéré le prix du rachat forcé, page 494.- La moyenne de différentes estimations d’esclaves est de 685 fr. On sera juste en portant l’indemnité à 750 fr. page 492.- On ne doit rien pour les vieillards et les infirmes. Les maîtres affirment eux-mêmes que le quart d’un atelier constitue une charge sans compensation, page 493.- On ne doit rien pour les Africains introduits dans nos colonies depuis l’abolition de la traite, page 494.- 42 millions, total de l’indemnité. Est-ce là une dépense pour la France, quand on a songé à son objet? page 496.- La moindre agitation augmentera les frais de l’esclavage. En cas de guerre nos colonies sont infailliblement perdues elles ne sont pas libres, page 496.- L’insurrection de la Jamaïque en 1832 a coûté 45 millions et 10.000 hommes. Le présent et l’avenir, page 497.

CHAPITRE XIII.- Heureux résultats de l’émancipation dans les colonies anglaises, page 499

§ 1er. Témoignages officiels. Malaise de l’état transitoire, page 499. L’Affranchissement se résout en des termes fort simples, page 500.- Les colons font dépendre la prospérité de la France de l’esclavage de 250.000 hommes noirs! Il faudrait abolir, même si l’abolition devait nuire à nos intérêts matériels, page 501.- L’expérience anglaise a réussi. Rapports officiels sur la Jamaïque, page 502.- Sainte-Lucie, page 503.- Mont Sarrat, 504.- Les Iles Vierges, Nevis, Saint-Kitts, Guyanne, Remarques générales, page 505.- Authenticité et véracité de ces rapports, page 507.- Les moeurs des noirs émancipés ont subi une amélioration sensible, page 508.

§ 2.- Travail, salaire, produits.- La diminution des produits n’implique pas une diminution égale de travail, page 508.- Les colons anglais n’ont pas su conduire les émancipés, page 509.- Les colons français l’avouent. Les bras n’ont pas manqué à qui a pu les payer, page 510.- Il n’est pas exact de dire que les demandes de salaires aient été exagérées page 511.- Interdire aux affranchis de posséder serait créer une nouvelle caste d’ilotes. Les émancipés ont produit pendant la liberté les trois quarts de ce qu’ils produisaient étant esclaves, page 512.- Tableau comparatif des importations de 1844 et 45. La récolte de 1845 s’est considérablement élevée au-dessous de la moyenne de production depuis l’émancipation. La récolte de la Trinité en 1845 dépasse les récoltes du temps de l’esclavage. Les deux faces de la médaille, page 514.-

§ 3.- Les esclaves anglais n’étaient pas mieux préparés que les nôtres pour l’indépendance, page 515.- Si les noirs de la Grande-Bretagne étaient plus civilisées en 1834 que les noirs français aujourd’hui, le fait ne tournerait pas à l’avantage du département de la Marine. Les colons anglais tenaient alors le même langage que les nôtres, page 545.- Tous les progrès des affranchis sont le fruit de la liberté, Ils étaient si peu avancés en 1838 qu’il fallut leur expliquer que les cases des habitations n’étaient pas à eux, page 516.- Antigue n’était pas dans une position exceptionnelle, page 517.- Sa population servile diminuait d’année en année page 518.- Il n’y avait pas de mariage. La prospérité particulière d’Antique tient à ce que les noirs n’y ont pas été soumis aux vexations de l’apprentissage page 549.- Les colons anglais disent que notre émancipation sera moins laborieuse que la leur, parce que nos nègres sont plus instruits, page 520.

§ 4.- Chemins de fer à la Jamaïque, à la Trinité, à la Barbade, à Antigue et à Dumeray, page 521.- Des maisons de Londres en relation continuelle avec les colonies anglaises prennent intérêt dans le rail-way de la Trinité, page 523.- Pendant que les colonies émancipées se couvrent de locomotives, les nôtres n’ont pas même un bateau à vapeur pour joindre la Pointe-à- Pitre à la Basse-Terre, page 525.-

§ 5.- Abolition de l’esclavage dans l’Inde et dans toutes les autres possessions anglaises, page 525.- l’Angleterre a un capital de 3 milliards 750 millions dans les colonies des Antilles, page 525.- Elle a poursuivi l’oeuvre de l’abolition avec sincérité, page 526.- En aucune partie du monde un Anglais ne peut avoir d’esclaves, page 528.- En aucune partie de l’empire anglais un esclave ne peut être légalement possédé, page 529.

CHAPITRE XIV.- Abolition de l’esclavage partout, excepté en France, page 532.

§ 1.- La Suède affranchit les esclaves de Saint-Barthélemy. La postérité dira-t-elle que la France fut la dernière à abolir la servitude? page 532.- L’ordonnance du roi Oscar de 1843 plus libérale que les lois des 18 et 19 juillet, page 533.- En 1846, les Etats de Suède votent 250.000 fr. pour l’affranchissement définitif. Analyse du règlement d’estimation,, page 534.- Les maîtres de Saint-Bathélemy ont montré les meilleures dispositions, page 536.

§ 2.- Affranchissement des esclaves en Valachie et en Égypte. Prochaine abolition dans les îles danoises, page 536.- Les esclaves de l’Etat, du clergé et des établissemens publics émancipés en Valachie. Ceux des boyards ne peuvent tarder à l’être, page 536.- L’abolition en cinquante jours en Egypte. Le Danemarck avait fait en 1838 ce que nous avons fait en 1845. En 1844, il a accordé deux jours libres à l’esclave, page 537.- Et les nègres danois sont aussi misérables que jamais, page 538.- Partout les hommes de bonne foi disent que l’esclavage s’oppose par sa nature même, à tout bon résultat des mesures les plus sages, page 539.- Le gouvernement danois est mis, par une résolution des Etats, en demeure de présenter un projet d’abolition complète et simultanée. Les antécedens du cabinet de Copenhague sont un sûr garant de son adhésion, page 540.

Conclusion, page 511.- Les colons français veulent garder des esclaves à tout prix, page 541.- M. Mackau donne un bill d’indemnité au clergé colonial. Il prétend que la législation de juillet a un caractère définitif, page 542.-

Les esclaves doivent se racheter eux-mêmes par le travail et l’épargne, et M. Mackau leur retire l’unique moyen qu’ils aient de gagner quelque chose, page 543.- La législation de juillet n’a jamais été considérée que comme un acte de transition. M. de Mackau a confessé que la société coloniale pèche par les bases essentielles, et il n’y veut plus rien changer. 544.- A la chambre des députés appartient de vaincre la résistance des colons et du ministre de la marine, page 545.- Légèreté avec laquelle M. Mackau traite 10.000 pétitionnaires, 30.000 nègres se sont endormis esclaves à Antigue, le 31 juillet 1834, et réveillés libres le lendemain. Antigue est la seule colonie où il n’y ait jamais eu de trouble. Bons sens des pétitionnaires, page 546.- Il faut que les lois des 18 et 19 juillet soient impuissantes, puisque les maîtres en veulent faire aujourd’hui la charte des colonies. La France gardera-t-elle la honte de la servitude quand tous les peuples s’en délivrent, page 547.- Chaque Français a une part de responsabilité dans le grand crime social de l’esclavage, page 547

Tom. II

DU RACHAT FORCÉ, page 1

§ 1.- Le rachat forcé est une mesure immorale au fond, bonne en fait, page 4.- Un projet d’ordonnance sur le rachat forcé avait déjà été soumis aux conseils coloniaux et rejeté en 1836. On accorde comme un bienfait aux nègres la faculté de se racheter, page 1.- Il est immoral d’obliger les esclaves à payer leur liberté. On leur demande une sagesse que l’on n’attend pas des plus hauts fonctionnaires de l’État.- Les serfs nos ancêtres ne se rédimèrent point lorsque Louis X leur en laissa la faculté, page 2.- même indifférence pour la liberté chez les Grecs et les Romains après un long esclavage. Le rachat forcé change radicalement la condition de l’esclave. Les noirs des Antilles plus moraux que les Français de 1346, page 3.- La loi du rachat a provoqué chez beaucoup d’entre eux une heureuse révolution. Plus de 500 demandes de subvention à la Martinique, page 4.- Beaucoup d’esclaves ne peuvent se faire de pécule, page 5.

§ 2.- Mauvaise composition des commissions de rachat.- page 5.- Commissaires du rachat, page 5.- A Cayenne, où y a 16.000 esclaves, la Cour royale en possède 4.000. Les quatre présidens des Cours royales sont propriétaires d’esclaves, page 6.- Le taux de la rançon fixé par ceux-là mêmes qui la perçoivent. Les maîtres regardent le rachat forcé comme une violation de leurs droits, page 7

§ 3.- Ordonnances du 3 novembre 18454 sur le rachat forcé.- page 8.- Les ordonnances sont plutôt faites pour entraver le rachat que pour le faciliter. Le maître refusera un billet de sortie à l’esclave qui voudra se racheter, page 8.- Point de délai fixé pour la transmission des demandes de rachat, non plus que pour l’estimation ni pour toutes les opérations successives, page 9.- Une femme en instance pendant plus d’une année pour obtenir sa liberté malgré ses droits, page 10.- L’esclave obligée de s’adresser à son propre possesseur pour qu’il agisse à titre de défenseur d’office. Les propositions de liberté laissées au libre arbitre de l’administration, page 11. L’ordonnance semble entendre, contrairement à l’esprit de la loi, que l’on ne pourra donner à un esclave le prix entier de son rachat, page 12.- Le ministère avoue le mauvais emploi du fonds de rachat. Deux esclaves seulement rachetés à la Martinique pour cause de sévices.- Le ministère de la marine obligé de faire des observations sur l’interprétation malveillante de la loi, page 44.-

§ 4.- Mauvais vouloir des commission de rachat, page 45.- Retard calculé dans les estimations. Plainte de madame Félicité, page 45.- Les commissaires de Cayenne, auxquels on présente un enfant impubère seul, estiment aussi la mère. Le principe de l’art. 47 est absolu, page 46.- Il s’applique au cas d’affranchissement par rachat forcé, d’après MM. Odilon Barrot et Dupin aîné. Spoliation du maître ou de l’esclave, page 47.- il n’y a pas spoliation du maître. Les colons jouissent du commodo depuis trois siècles qu’ils se résignent à l’incommodo, Difficultés des moyens transitoires. Composition des Cours d’assises lorsqu’il y a deux accusés, dont un libre et un esclave, page 18.

§ 5.- Estimation exagérées, page 19.- Évaluations doublées à Cayenne, page 19.- Prix énormes à la Guadeloupe. Les esclaves renoncent à se racheter sans l’aide de l’Etat. La Martinique dépasse toute mesure dans ces exagérations, page 20.- Les estimations de ses commissaires d’un quart plus élevées que les demandes des maîtres. M. Mackau laisse faire malgré ses engagemens. On érige les maîtres en donateurs de l’excédant des évaluations, page 21.- Apports des esclaves et de l’Etat. La moyenne des subventions de l’Etat a été de 424 fr.! Les enfans rachetés étaient si bien libres de droit aux yeux des commissaires, qu’ils confondent leur prix dans celui des parents. Femmes cotées à 5.050 fr. page 22.- La moyenne des estimations, 1.823 fr. Quelques exemples d’évaluations scandaleuses,. Les maîtres n’avaient exigé que 785 fr., par tête. Les fonctionnaires aux colonies sont encore plus arrièrés que les colons, page 23.- Sages lenteurs de M. Mackau. Enormes remises des maîtres sur les esclaves sans pécule rachetés par l’Etat, page 24.- Il faudrait quintupler le fonds de rachat. 500 demandes de subventions à la Martinique. Les esclaves ruraux n’entrent que pour un tiers dans le nombre des rachetés. Les arbitres ont voulu créer des antécédents pour l’indemnité, page 25.

§ 6.- Engagements. Une femme libre rachetée sur les fonds de l’État, page 26.- L’engagement de cinq ans des affranchis est une prolongation de la servitude, page 26.- L’engagement contracté avant la manumission est nul de droit. Les procureurs-généraux refusent toute patente de liberté avant l’engagement. Impudente circulaire de M. Morel tendant à rendre le rachat impossible, page 27.- Le ministre de la marine ordonne de ne faire contracter l’engagement que postérieurement au rachat, page 28.- La maire de la Basse-Terre continue à exiger l’engagement préalable, page 29.- Mépris des colons pour les ordres ministériels. Ils obéissent quand on sait vouloir. L’engagement préalable était un guet-apens tendu aux esclaves par les parquets, page 30. Engagements onéreux de Rosemond envers M. Amé Noël, page 31.- 120 fr. de gages pour un an. La commission approuve, page 32.- Rosemond demande la liberté de sa femme légitime Marie-Anne. Marché prévaricateur proposé et consomme par M. Mittaine, procureur-général, page 33.- Les maîtres veulent imposer des conditions vexatoires, page 35.- La commission refuse de sanctionner l’engagement d’une affranchie parce qu’il a été contracté avec un propriétaire mulâtre, page 36.- Le conseil privé de la Guadeloupe donne à l’obligation de l’engagement un effet rétroactif. Le conseil des délégués se plaint de l’inexécution de la clause relative aux engagements, page 37.

§ 7.- Résumé, page 38.- Le rachat forcé a produit 281 libres, en 18 mois, sur 74.000 âmes; il ne peut rien sur la suppression totale de la traite, page 39.- Mais il attaque moralement le principe de la propriété humaine. Un vieillard de 73 ans et une femme de 58 ans payés ensemble 2.700 fr. page 40.

DE L’ARTICLE 47 DU CODE NOIR, PAGE 41

§ 1.- Les tribunaux des colonies interprètent d’abord la loi dans son vrai sens. On remanie les cours royales à dessein, et la jurisprudence change aussitôt, page 41.

-Texte de l’art. 47.- Il fut rayé par les colons, page 41.- On divise barbarement la famille esclave, au mépris de la loi, page 42.- Première revendication de liberté, en vertu de l’art. 47, obtenue en 1836 à la Guadeloupe. Madame Adeline. Même interprétation à Bourbon. Ravinet, page 43.- Les colons font changer les juges, et tous les bénéficiaires de l’art. 47 sont repoussés, page 44.

§ 2. Affaire Virginie.- Faits, page 44.- Premier arrêt de la Cour de cassation, en 1841. Danger du renvoi à la Cour de Bordeaux, page 45.- Opinion de M. Dupin (le baron) page 46.- La Cour de Bordeaux rejette. Immortel arrêt de la Cour de cassation, toutes chambres réunies, page 47.- Importants résultats de cet arrêt dans toutes les colonies. On refuse encore à mademoiselle Virginie de lui rendre ses enfants page 49.- La courageuse mère n’a pas lutté moins de huit ans. La Cour de Poitiers, jugeant en dernier ressort, lui alloue 45.000 fr. de dommages et intérêts, page 54.- Cette indemnité est l’amende de l’outrage aux lois divines et humaines, page 53.- Affaire Coralie, page 54. – La Cour de cassation préjuge que l’art. 47 s’applique au cas de rachat de l’esclave par lui-même, que les individus qui ont dépassé l’âge de puberté peuvent encore se prévaloir du principe lorsqu’ils ont été séparés de leurs parents étant impubères, page 57.- Que le droit du tiers ne s’oppose pas à l’affranchissement dans les circonstances données, page 58, – La Cour royale de la Guadeloupe l’avait jugé ainsi primitivement. Affaire Andrèze Néron, page 61.- Les patronnés étaient soumis au fouet avant l’arrêt Louisy, page 62.

§ 3.- La jurisprudence de la Cour de cassation de nuira pas aux affranchis, page 62.

-Cette jurisprudence affranchira plus de libres aujourd’hui détenus en servitude, que la libéralité des maîtres n’en pourrait émanciper. Les colons affranchissent gratuitement très peu d’esclaves, page 63.- La loi du rachat forcé a d’ailleurs tué l’objection, page 65.-

§ 4.- Les parquets refusent d’agir d’office pour les bénéficiaires de l’art 47, page 65. – Le ministère public, après l’arrêt-loi de la Cour régulatrice, devait déclarer libres les bénéficiaires de l’art 47, quitte aux maîtres à former opposition; au lieu de cela, il oblige les esclaves à entamer le procès, page 65.- MM. Ristelheuber et Jorna repoussent la requête des époux Leger, qui leur demandent d’intervenir d’office, page 66.- plainte de M. Bellevue en faveur de madame Agacine, également repoussée par M. Bernard, procureur-général de la Guadeloupe, page 67.- Autre plainte de M. Sousignant contre M. Jorna. Madame Adélaide n’est pas plus heureuse auprès des ministres de la marine et de la justice, page 69.- Le procureur-général Bernard défend à son parquet d’agir d’office, page 70.- Jugement du juge royal de la Basse-Terre, M. Lacour, qui reproche au ministère public de ne pas faire son devoir, page 71.- M. Navaille, trésorier de la Guadeloupe, retient esclaves des libres de l’art. 47, page 72.- Inhumaine coalition des patrons avec les maîtres, page 73.- Le procureur du roi Fourniols fait revenir un maître sur la remise volontaire qu’il avait consentie d’un libre de l’art. 47 page 74.- Des milliers de postulants légitimes obligés d’abandonner leurs droits faute de moyens de les faire valoir, page 75.- l’art. 47 périra si les parquets n’interviennent pas d’office comme l’ordre public le leur commande, page 76.- MM. Vidal de Lingende et Jouannet amènent la Cour de Cayenne à reconnaître le droit d’initiative du ministère public. La nommée Polixene fouettée pour avoir fait valoir ses droits à l’art. 47. page 77.

§ 5 Les Cours royales des îles repoussent systématiquement la jurisprudence du tribunal régulateur, p. 78.- Les juges de première instance obéissent à la Cour de cassation, les cours royales infirment toutes leurs sentences, page 78.- Incroyable considérant d’un arrêt de la Cour de la Guadeloupe. Indigne calcul des magistrats coloniaux, page 79.- Ils insultent publiquement le tribunal régulateur, page 80-

§ 6.- Position des esclaves dont la mise en liberté par les tribunaux de première instance a été annulée par les Cours Royales, page 80.- Les individus rendus aux maîtres par l’arrêt d’information sont traités avec une rigueur pleine de vengeance, même après cassation en France de cet arrêt d’infirmation, page 80.- Affaire Elia Plata, page 81.- Affaire Henriette, Marie et Suzanne, anciennes esclaves de madame Montaigne-Lacaille, page 83.- Arrêt de la Cour royale de Paris qui prononce leur liberté définitive, page 86.- Elles ne triomphent qu’après cinq ans et trois mois de procédure. Ces mortelles lenteurs judiciaires découragent les plus fermes volontés, page 87.- Nécessité de poursuivre des condamnations pécuniaires, page 88.-

§ 7.- Dommages et intérêts en faveur de l’individu libre retenu esclave. Pourvoir suspensif en matière de liberté. Ventes déguisées en affranchissement, page 88. Magnifique sentence de M. Meynier, prononçant des dommages et intérêts en faveur de madame Marie-Anne, page 88.- Les maîtres exploitent et maltraitent l’esclave pendant les sept ou huit années de procédure. Affaire Uranie, page 9.- Bel arrêt de M. Meynier, qui met cette femme sous la sauvegarde d’un séquestre, et déclare le pouvoir suspensif en matière de liberté, page 94.- Vente d’esclaves impubères déguisée en affranchissement, dans l’espoir d’échapper à l’art. 47.- Nouvel arrêt de M. Meynier, qui déjoue cette tactique, page 97.

§ 8.- Certificats d’indigence.- page 99.- Un maître refuse d’enregistrer un acte d’émancipation, page 99.- Comment les maires motivent leur refus de certificats d’indigence. Propriétaires d’esclaves qui se trouvent avoir à délivrer des certificats à des noirs qu’ils retiennent eux-mêmes indûment en servitude, page 101.- Affaire Julien-Julien, page 102.- Lettre de M. Etienne Botherel, page 404.- Il obtient un certificat après huit mois et cinq jours d’efforts, Clémence, après le même laps de temps, ne peut en obtenir un, page 105.- Les procureurs-généraux le ministère restent sourds aux plaintes portées contre les maires. Coalition des autorités civiles et judiciaires pour étouffer l’art. 47, page 106.- Consultation sur l’état d’indigence de l’esclave constaté par sa condition même. Le certificat peut seul lui donner accès à la Cour de cassation, page 107.- Certificat donné par des hommes libres et admis pour la Cour de cassation, page 110.- Flettrissure imprimée à la conduite des maires par M. l’avocat général Chégaray. La Cour suprême, en cassant tous les arrêts des Juges coloniaux, dit ce qu’est la justice aux îles, page 111.

§ 9.- Des libres rachetés avec les fonds de l’Etat, page 112.- Affaire Catherine, page 112.- Quoique reconnue libre, ou rachète cette femme avec les fonds de l’Etat, et on laisse ses enfans en servitude. M. Mittraine lève le séquestre prononcé en faveur de Catherine. Affaire Pierre, page 115.- M. Mittand se fait le courrier de rachats frauduleux. il libère madame Adelise, mère de Julien-Julien, sur le fonds de rachats, page 117.- M. de Mackau s’associe aux forfaitures commises sous le titre de libertés litigieuses, page 118.- Constatation du fait: 168 personnes sur 744 rachetées avec l’argent de l’Etat, étaient libres de droit, page 119.- La position du maître ne méritait pas ces coupables égards. M. Mackau cherche dans son rapport à dissimuler la félonie, page 120.- Ses aveux, page 121.

Du rachat forcé et de l’art 46 à l’île Bourbon. page 121.- Vingt demandes de rachat en onze mois. Difficulté de former un pécule. Le rachat forcé ne peut avoir aucune influence sur l’affranchissement général, page 122.- La commission de Bourbon a diminué 44.000 fr. sur les demandes des maîtres. Tendance des colons à paralyser la loi. Moyenne des estimations de Bourbon, 1.684 fr. page 123.- Il y aura lieu de fixer une compensation différente pour chaque colonie.- Une femme rachetée 4.500 fr. à titre de sujet race, par 124.- Etalon, page 125.- La mère qui se rachète ne doit pas être forcée de racheter son enfant avec elle, page 125.- Le droit de rachat individuel est absolu, page 126.- Les commissaires de Bourbon, en estimant la mère et l’enfant, réservent le droit de revendication de la mère. Grave abus sur l’âge de puberté à Bourbon, page 127.

Admission de treize pourvois comprenant la liberté de trente-deux individus, page 128.- La cour de cassation confirme le mot de forfaiture appliqué aux prétendues libertés litigieuses. Les treize pourvois favorables à la famille esclave. Rachat volontaire, de droit. Lorsque l’enfant séparé est devenu pubère, il a encore droit à l’art. 47 page 129.- L’enfant esclave peut être donné en cadeau. La Cour de cassation n’exige ni la consignation d’amende ni le certificat d’indigence. Se trouvera-t-il des avocats pour prêter assistance aux maîtres? page 130.- Ces treize pourvois concernent des libertés que M. Mackau appelle des libertés litigieuses, page 131.

Le procureur-général de la Guadeloupe refuse une subvention à une esclave qui veut se racheter, parce que cette esclave a plaidé contre son maître, ladite esclave étant d’ailleurs libre en vertu de l’art. 47, page 131.- Plainte de madame Annoncine, page 131

DE LA PÉTITION POUR L’ABOLITION COMPLÈTE ET IMMÉDIATE DE L‘ESCLAVAGE ET DE SES RÉSULTATS, PAGE 135

Discussion de la pétition à la Chambre des députés les 24 et 26 avril 1847. page 135

-Analyse de la pétition, page 137.- Onze mille signataires, page 138 Le rapport, malgré la réserve des mots, dit bien tout le mal, et insiste sur le caractère transitoire des dernières lois, page 139.- Citation tronquée d’un de nos ouvrages, par le député salarié des colons. Apostrophe de M. Lherbette. M. Lasterye, page 140.- M. Levavasseur, page 141.- M. Mackau, page 143.- M. Dupin aîné page 444.- La chambre vote le triple renvoi. Rien ne peut améliorer la servitude. Constitution d’un comité abolitionniste à Lyon, page 145. Nécessité de pétitionnaire, page 446.-

Refus de crédit pour augmenter le personnel du ministère public aux colonies. Les magistrats créoles favorisés par le département de la marine, page 146.- La commission déclare que c’est la qualité et non la quantité qui importe à la magistrature coloniale. M. Barbaroux, procureur-général de Bourbon, p. 147.- Les procureurs-généraux sont paralysés par leur mauvais entourage. M. Delvaux n’a pas obéi à l’ordre d’expulser les frères jaham, page 148.- M. Galos défend les choix du ministère de la marine. M. d’Haussonville demande la recomposition des Cours d’assises, page 149.- Gratification aux assassins. La chambre refuse le crédit, page 150.- Ce vote de défiance oblige M. Mackau à quitter le ministère. Vingt-deux avancements donnés aux juges dévoués aux maîtres, page 154.- Les deux seules disgrâces ont frappé des magistrats honnêtes, mais dévoués aux esclaves, page 153.- Les parquets inférieurs des Antilles livrés tous sans exception à des créoles propriétaires d’esclaves. M. Galos déclare le contraire de la vérité relativement aux juges de paix, page 154.- On ravive les passions coloniales par ces mauvais choix. Le juge d’instruction de Saint-Pierre puni de sa rare intégrité. Les doutes contre la magistrature coloniale sont légitimes, page 155.

Projet de loi sur la composition des Cours d’assises. Nécessité d’exclure les créoles de la magistrature coloniale, page 156.- L’exposé des motifs est un acte d’accusation contre la magistrature coloniale, page 156.- Texte du projet de loi.

Il a pour but d’exclure les assesseurs des Cours d’Assises parce qu’ils sont colons. Au même titre, les colons ne peuvent logiquement être magistrats. Les anciens édits l’avaient ainsi jugé, page 158.- Le ministère a fait pour les médecins aux rapports ce que nous demandons pour les juges, sa lettre de suspicion à la magistrature, page 159.- Toute la justice réside dans les parquets ou les Cours Royales. Le mal qu’y peuvent faire les colons, page 160.- Mépris insolent du ministère public pour la loi. Les fonctionnaires ne daignent pas même envoyer leurs enfants, esclaves aux écoles., page 164.- Statistique judiciaire, page 162.- Les peines prononcées contre les maîtres depuis 18 mois, dans les quatre colonies, s’élèvent en total à cinq ans de réclusion, un an onze mois de prison et 2,684 fr. d’amende. Pour un seul nègre, vingt ans de galères. M. Mackau avoue que la vindicte publique n’est pas satisfaite. M. Dupin aîné accuse la magistrature des îles, page 163.- M. Nouguier jugeant à la Cour royale de Paris les juges créoles, page 164.- Libération de Léonarde et de ses onze enfants. Jamais corps constitué n’a été aussi sévèrement blâmé que la magistrature coloniale, page 165.- Nul ne doit être juge dans sa propre cause. Nous ne nous dissimulons pas la gravité de la mesure d’exclusion des créoles, page 166.

Les 100,000 affranchis oisifs, page 166.- Les colons demandent qu’on remette les affranchis en servitude, page 166. Le conseil des délégués des blancs insulte la classe des affranchis. Ce qu’il y a parmi les 100,000 vagabonds, page 167.- M. Perrinon. Les vagabonds, en demandant l’abolition, se montrent plus nobles que les planteurs. Les délégués des blancs attaquent l’île de Haïti, page 168.- Les blancs succombent comme les nègres dans un mauvais milieu social. La légalité s’oppose aux déplorables désirs des colons, page 169.- Quiconque ne mendie pas échappe à l’application de la loi sur le vagabondage. Tant qu’il y aura des cultivateurs esclaves, les libres ne travailleront pas à la terre, page 170.

Réclamation de M. Sully-Brunet, page 174.- M. Sully-Brunet, délégué des blancs de Bourbon, avoue que le mot affranchi est impropre et déclare que l’esclavage n’est utile ni aux maîtres ni aux esclaves, page 174.- Il ne reconnaît aux maîtres qu’un droit légal à une indemnité. Les colons ne sont pas dans le droit commun et ils invoquent le droit commun pour la représentation directe, page 172.- Le département de la marine est le plus grand coupable, page 173.

Protestation présentée à la Chambre des députés par les colons français, page 173.

-Ils n’osent rien nier et ils avouent d’une manière implicite la véracité des faits. En France les crimes sont punis, aux colonies ils sont acquittés, page 174.- Les créoles ont revendiqué par leur conduite la solidarité de tous les crimes. Leur attitude au procès Jaham, page 175,- au procès Havre. Leur haine pour M. Hardouin, juge d’instruction, page 176.- N’y eût-il que quelques faits, fallait-il les cacher? Tous les maîtres peuvent devenir cruels. Ils ne sauraient condamner les attentats de pouvoir dominical sans condamner l’esclavage, page 177.- L’auteur dit aujourd’hui ce qu’il disait il y a sept ans, page 178.- Pendant que MM. Fitz-James protestent, leur géreur est accusé de mauvais traitements envers leur esclaves, page 179.

Violentes attaques des journaux des Antilles contre les abolitionnistes, page 180.-

Les injures des feuilles créoles repoussées avec mépris. Sagesse et loyauté de la presse métropolitaine dans les questions de sévices, page 180.- Ces colères, ces tentatives d’intimidation ne prouvent que la solidarité des colons avec les criminels, page 181.- Le public est resté convaincu de l’authenticité des faits révélés. Impudeur de la censure de M. Bellecocq et de M. Frémy, page 182.

Irritation des esprits parmi les blancs à la Martinique, page 182.- Symptômes significatifs, page 182.- M. Frémy, malgré ses antécédents, encourt la disgrâce des colons pour une légère résistance. Lettre de M. Latuillerie, page 183.- Lettre de M. Clay, page 184.- Lettre de M. Thaly. M. Thaly, mulâtre, trahit la cause des esclaves, page 185.- Lettre de M. Thoré, page 186.- A quelle sorte de folie le département de la marine a amené les colons à force de concessions. M. Frémy a perdu depuis longtemps tout droit au respect de ses administrés, page 187.

NOUVEAUX ACTES DE SÉVICES ET DE CRUAUTÉS, page 188.

Affaire Fourier. Traitements barbares exercés sur huit esclaves, d’où résulte pour l’un deux la mort, et pour les sept autres incapacité de travail pendant plus de vingt jours. Acquittement, page 188.- Il y a autre chose à faire que des lois palliatives pour mettre un terme aux barbaries de la servitude, page 188.- Henri mort à la suite de mauvais traitements. Fustigation quotidienne pendant huit jours.- Abadia, Thérèse, Occotia, incapacité de travail pendant plus de vingt jours, page 189- Autres sévices, page 190.

Affaire Filias Boulogne. Cruauté sans non, mort, condamnation à quinze jours par les magistrats jugeant sans assesseurs, page 190.- Un esclave malade s’évanouit au travail; le géreur le fait fouetter jusqu’au sang pour le ranimer, page 190.- Masque de fer-blanc. Interrogatoire, page 191.- Le fouet, cause initiale de toutes les cruautés. La loi du 18 juillet n’a point adouci le régime disciplinaire, page 192.

Affaire Montgaillard Percin, page 193.- Le sieur Percin ouvre la tête d’un esclave à coups de bâton; les magistrats, sans assesseurs, le condamnent à 100 fr. d’amende, page 193.- Détails, page 193.- Le sieur Percin, pour se défendre, porte contre Moïse une accusation qui entraîne la peine capitale.- Déposition de M. Le pelletier Duclary. Les nègres toujours conduits à coups de fouet malgré la loi, page 194.- M. Morel, président du tribunal, excuse le sieur Percin. Publication des procès de sévices, page 195.

Affaire Houel, Guillet et Lepelletier. Circonstances atténuantes invariablement admises dans toutes les affaires de sévices par les magistrats jugeant sans assesseurs, page 196.- Le sieur Houel donne à une femme des coups de poing et des coups de pied qui laissent des traces. 100 fr. d’amende. Trois mois de chaîne de police contre Théodorine pour s’être défendue contre le sieur Houel qui voulait la mettre en prison, page 197.- Circonstances atténuantes en faveur du sieur Guillet coupable d’avoir fait appliquer quinze coups de fouet à un enfant de onze ans. Autres jugements avec circonstances atténuantes. M. Bralin, page 199.

Affaire Havre. Séquestration immobile de trois esclaves pendant deux années et sept mois, page 199.- Faits, page 199.- Composition de la Cour d’Assises, page 202.

Audience du 22 mars 1847. L’accusé arrive escorté par ses parents et ses amis, le président lui fait donner un fauteuil, page 202.- Interrogatoire, page 203.- Le sieur Havre déclare que l’autorité locale était prévenue, page 204.

Audience du 23. Déposition des médecins, page 204.- Note sur M. Hardouin. Publication tronquée du procès dans un journal de la localité, page 209.- M. Jacquier déclare qu’il ne déposera pas des secrets de la confession d’Angèle et de Jean-Baptiste, page 211.

Audience du 24, page 212.- Déposition de Jean-Baptiste, page 213.- Déposition d’Angèle, page 215.

Audience du 25, page 217.- Pas un témoin n’affirme le poison, page 218-

Un maître conteste la légalité de l’ordonnance du 16 septembre 1841, page 220.

Audience du 26, page 222.- Hideux genre de supplice, page 223.- Réquisitoire du procureur-général. Rare dévouement dont l’accusé est l’objet depuis qu’il appartient à la justice. On peut être homme privé excellent et maître impitoyable, page 224.

Audience du 27.- Plaidoyer, page 229.- Quand le gouverneur refuse la déportation, le devoir et l’intérêt du maître commandent la détention. M. Jacquier, préfet apostolique, et deux curés vont à la prison faire une visite d’estime et de sympathie à l’accusé, page 233.- Le procureur-général donne un témoignage public de confiance à M. Hardouin. Il annoncera qu’il provoquera la déportation des esclaves dangereux, page 234.- Le président déclare qu’avant 1845, jamais le gouverneur ne refusait à un maître la déportation d’un esclave. On ne peut croire que M. Devaulx consente à punir le soupçon, page 235.- Energie et talents naturels déployés par Jean-Baptiste. Caprices de la fortune. Ce procès est l’expression des moeurs coloniales, page 236.- M. Pory-Papy introduit contre le sieur Havre une action en restitution du pécule et en dommages et intérêts pour détention arbitraire, page 237.

Affaires Remallon et autres. Tortures, 200 fr. d’amende prononcée par les juges sans assesseurs. Seize jours de prison pour violation de tous les articles de l’ordonnance relative au régime disciplinaire, page 237.- Supplice de la suspension, page 238.- Sévices du sieur Dupuis-Désilets et du sieur Paul Placide, page 239.

Affaire Hurel. Meurtre avec des circonstances hideuses. Six mois de prison, page 239.

Les colonies sont frappées d’un vertige fatal. Une esclave tuée à coups de pied. Arrêt de la chambre des mises en accusation, page 240.- Le sieur Hurel est membre du conseil colonial, page 244.

Affaire Piquard. Sévices exercés sur un malade. Condamnation à un mois d’emprisonnement prononcée par les magistrats sans assesseurs, page 242.- Fustigation et mise aux fers d’un nègre atteint d’éléphantiasis, page 242.- Cachots tortionnaires encore subsistants malgré l’ordonnance de 16 septembre 1841.- Le malade n’a pu se plaindre au magistrat pendant les visites d’inspection, page 243.- Le patron des esclaves fait punir deux noirs qui se sont refusés à un quart de 24 heures, page 244.- Ces atrocités ne sont possibles que dans l’esclavage. Fausse position d’un géreur, page 243.- Les plus grandes barbaries sont commises par des géreurs. Il n’y a pas de sévices en Europe de fabricants à ouvriers, page 246.

Jugements Léo Mézire et Bréhant. Plan combiné de la magistrature coloniale pour anéantir les lois du 18 au 19 juillet. Admission de six nouveaux pourvois de l’art. Cassation de l’arrêt de non-lieu Alphonse Petit, page 247.- Sévices sur un enfant de sept ans par le sieur Léo Mézire, page 147.- La Cour royale, jugeant en police correctionnelle, déclare que l’audition des esclaves comme témoins contre leur maître n’est admise qu’en Cours d’assises, et refuse d’entendre ceux du sieur Léo Mézire, page 248.- Le sieur Léo Mézire est condamné à 8 jours de prison et 25 francs d’amende. Impunité garantie, page 249,- Anarchie dans le sanctuaire même de la justice, page 250.- Les six nouveaux pourvois, page 254.- Madame Adelise, dont l’arrêt de la Cour de cassation assure la liberté, a été rachetée en partie avec le fonds de l’Etat. Le tribunal suprême préjuge que l’esclave est en état d’indigence reconnue. Réquisitoire de M. le procureur général contre l’arrêt de non lieu Alphonse Petit, page 252.- Cassation de cet arrêt. La barre, quand les deux jambes sont prises, est un véritable supplice. Le conseil privé autorise les médecins à condamner les esclaves à la barre malgré la loi, page 255.- Véritable complot de la magistrature, page 256.- Arrêt de la Cour royale de la Martinique qui décide, dans l’affaire Bréhant, que les planteurs peuvent refuser leur concours aux visites de patronnage, page 257.- La loi est annulée, page 258.

DISCUSSION DE LA LOI SUR LA JURIDICTION CRIMINELLE AUX COLONIES,

Page 260.

Le ministère s’engage à faire dominer l’élément métropolitain dans la composition de la magistrature coloniale, et à détruire les derniers traces du fouet. p. 260.- Empressement de la Chambre à voter cette loi, page 260.- M. Desprez propose de donner au procureur-général le droit de récuser deux magistrats créoles ou propriétaires d’esclaves. Pas de conditions d’impartialité dans la magistrature actuelle, page 261.- M.P. Gasparin représente l’impossibilité matérielle d’exclure tout à coup les colons. M. Ledru-Rollin démontre le complot de la magistrature coloniale, page 262.- Pourvois en cassation contre les arrêts Léo Mézire et Brélhant, page 263.- La loi est déclarée insuffisante par le ministre et par le rapporteur, page 264.- M. Lasterye, M. Hébert, page 265.- M. Desprez retire son amendement, page 266.- cinq voix sur sept pour la condamnation. Interpellation de M.P. Gasparin sur le fouet, page 267.- M. Montbello répond que l’intention du gouvernement est de faire disparaître le châtiment corporel. Amendement de M. Ledru-Rollin, tendant à faire déclarer qu’au 1er. janvier 1850, tout magistrat possesseur d’esclaves sera considéré comme démissionnaire, page 269.- Les détentions au-delà de quinze jours ne resteront plus impunies, page 270.- C’est le département de la marine qui a défendu d’agir d’office dans le cas de l’art. 47, page 271.- Instruction élémentaire, page 272.- M. Ledru-Rollin retire son amendement. La loi votée à l’unanimité. Utilité de ces discussions, page 273.- Supprimez le maître et l’esclave, et il n’y aura plus de crimes de maître à esclave, page 274.-

RACHAT FORCÉ ET ARTICLE 47, page 275

Rachat forcé à la Martinique en 1847, Remise de 40.000 fr. par les maîtres sur les estimations exagérées de la commission. Moyen de se faire payer 900 fr. par l’Etat un esclave sans valeur. Spoliation au préjudice de la liberté générale, page 275.- 197 rachetés. dont un tiers seulement appartenant à la classe des laboureurs, page 275.- Moyenne des estimations, 1.163 fr. tandis que sur les 197 affranchis, il y a 81 enfans, page 276.- Journaliers évalués 2.400 fr. remise de 40.000 fr. pour les maîtres. Explication de ces remises, page 277.- 900 francs pour un esclave sans valeur, page 279.- Odieuses exigences de MM. Chabagne, Bence et Pecoul. Pas de rachat au profit d’esclaves victimes de sévices, page 280.- Si la commission avait été équitable, on aurait racheté deux tiers de plus d’esclaves. Mille demandes de subvention au parquet de la Martinique, page 281.

Discussion à la Chambre des députés sur le rachat forcé et l’art. 47.- Représentation directe. Le ministère s’engage à obvier aux estimations exagérées des commissions de rachat, à faire déclarer libres les esclaves introduits postérieurement à la loi qui défend la traite, enfin à enjoindre aux parquets de poursuivre d’office dans le cas de l’art. 47, page 281.- Insuffisance des lois pour la répression de la traite. Représentation directe, page 282.- Quels sont les hommes qu’enverraient à la Chambre nos provinces à esclaves page 283.- M.P. Gasparin signale le détournement du fonds de rachat, les estimations exagérés. Il demande que l’état civil de tout esclave présenté à la commission soit constaté. De toutes les bouches sort le mot prévarication. Le ministre reconnaît l’iniquité des évaluations, page 284.- Le remède qu’il propose est inefficace. M. Ledru-Rollin insiste pour que le ministère s’engage à faire poursuivre d’office les cas de l’art 47. Il démontre que les noirs introduits aux colonies postérieurement aux lois contre la traite sont libres de droits, page 285.- Le ministre s’engage à les faire émanciper. Les parquets seront tenus de vérifier les déclarations de tout esclave qui se prévaudra de la qualité de nègre de traite, et devront poursuivre d’office les affaires de l’art, 47. M Lherbette demande que le maître soit tenu à une indemnité, et que les fonctionnaires prévaricateurs soient poursuivis, page 286.- Bonnes dispositions de M. Montebello. Les colons renonceront à l’esclavage dès qu’ils ne seront plus soutenus par la direction des colonies, page 287.

DERNIERS FAITS, page 288

Exportation d’esclaves de la Guadeloupe à Puerto-Rico. La direction des colonies plus coupable que les colons, page 288.- M. P. Gasparin dénonce à la tribune l’exportation de trente nègres de Marie-Galante; M. Galos reconnaît le fait. Ce qui s’est passé à Puerto-Rico, page 288.- Les trente esclaves seront émancipés, page 289.- Ces exportations sont plus fréquentes qu’on ne suppose. M. Mercier, M Poyen. C’est le ministère plus que les créoles qu’il faut accuser, page 290.- Tous les postes de procureurs du roi, sans exception, sont occupés par des créoles. La chambre a prononcé un blâme sévère contre la direction des colonies. Epuration indispensable de la magistrature, du clergé et de l’administration, page 291.

Néant de toutes les tentatives d’améliorations. La loi du 18 juillet n’est pas même encore mise entièrement à exécution, page 291.- Rien n’est changé aux colonies. Le mariage, l’époque et la durée du travail extraordinaire, la concession de terrain, autant de questions encore à résoudre, page 292.- L’instruction élémentaire nulle. La force des choses est plus puissante que la volonté nationale. La suspension continue de la milice de la Martinique est une concession du département de la marine aux vanités créoles, page 294.- Est-ce le budget qui décide de l’humanité et de la justice de la France, page 295.

Rapport du juge d’instruction dans l’affaire Havre, page 295.- Dans ce tableau, peint d’après nature, on voit l’esclavage à nu, 296.

Faits généraux, page 296.- Elie séquestré en février 1843, mort aux fers en août 1844, page 304.- Jean Baptiste, sa séquestration aux fers de février 1843 à fin de septembre 1846; Tortures de cette séquestration, page 313.- Angèle, âgée de 65 à 70 ans. Quatre-piquets avec déchirure des chairs. Séquestration aux fers de fin de 1843 à septembre 1846, page 330.

ARTICLES DIVERS, PAGE 340

De l’esclavage dans l’antiquité, 1842, page 340.- L’esclavage est une des plus honteuses erreurs de l’humanité. Les anciens n’admettaient pas que la société pût être sans esclaves, page 340.- C’est la servitude qui imprima tant de cruauté à leur moeurs, qui engendra le mépris du commerce et de l’agriculture, et qui transforma les citoyens de la Grèce et de Rome en peuples de parasites, page 341.- Monstrueuses aberrations sociales auxquelles cette institution donna naissance, page 342.- L’esclavage n’est pas coexistent avec la société, il fut attaqué déjà dans l’antiquité, page 343.- La perpétuité de l’esclavage est impossible, page 344.

Traite 1842, page 344.- Elle commença avant la découverte du Nouveau-Monde. Las Casas ne fit que l’étendre à Saint-Domingue, page 344.- C’est Louis XIII qui l’autorisa chez nous, au nom de la religion. Elle a enlevé à l’Afrique 30.000.000 de nègres, page 345.- Eux et leurs enfans sont morts sous des fouets de planteurs. La servitude est moins barbare en Afrique que chez les nations civilisées- L’esclavage moderne est plus affreux que l’esclavage antique. La traite abolie par le congrès de Vienne. Le droit de visite seul moyen efficace de la réprimer tant que l’esclavage subsistera, page 346. Elle n’est pas plus cruelle depuis qu’on la poursuit. 118 hommes, sur 316 périssent dans un seul voyage de négriers. L’émancipation générale peut seule anéantir ce trafic d’assassins, page 347.

Esclavage des nègres. 1843.- Observations adressés au peuple, page 348

Même sujet, page 351

La Guadeloupe, 1843, Histoire. Statistique page 355. Christophe Colomb touche à la Guadeloupe en 1493, – Basse-Terre et Grande-Terre, page 356.- Superficie générale de l’île et de dépendances. Répartition du territoire, page 357.- L’Olive et Duplessis traitent en 1635 avec la compagnie des îles de l’Amérique, pour la colonisation de la Guadeloupe. Nature du contrat, page 358.- Engagés, Longue famine. Guerre aux Caraïbes. Misère des colonisateurs, page 359.- introduction de la canne en 1644. Houel et Boisseret achètent la Guadeloupe en 1649. En 1654 l’île n’avait que 1200 habitans capables de porter les armes, page 360.- Toutes les îles remises à la compagnie des Indes occidentales créée en 1664. Les colonies sont incorporées au domaine de l’Etat en 1674.- La Guadeloupe placée dans la dépendance de la Martinique. En 1700, 11.000 habitans, dont 6.700 nègres En 1753, 50,000 habitans dont 40.500 nègres. Prise par les anglais en 1759, et rendue en 1763, page 361.- Constituée indépendante de la Martinique en 1775. Rapide essor.- En 1790, 107.000 âmes dont 90.000 esclaves 32.000.000 de commerce page 362.- La Guadeloupe était bouleversé par la guerre civile entre les colons depuis 1790 lorsque la Convention abolit l’esclavage en 1794.- Les Anglais aidés par les colons s’en emparent en avril 1794, avant même que la nouvelle du décret d’émancipation soit connue dan l’île. Victor Hugues reprend l’île sur les Anglais, page 363.- En 1800 sous le régime de la liberté, les revenus de l’île montaient à 12 millions. Bonaparte rétablit l’esclavage en 1802 après une guerre infâme. La Guadeloupe, retombée au pouvoir des Anglais en 1810, est rendue à la France en 1815, page 364.- Nombre des moulins à sucre, chiffre des exportations, valeur totale des propriétés, mouvement commercial, en 1835. Culture du café, page 365.- Population en 1839. Le quart de l’île seul est cultivé, page 366.

§ 2 La Pointe-à-Pitre. Tremblement de terre, page 367.- Pas d’eau à la Grande-Terre. Fondation de la Pointe-à-Pitre en 1763. Le commerce fuit toujours les villes officielles, page 367.- Beauté de la Pointe-à-Pitre. La Guadeloupe plus civilisée que la Martinique, page 368.- Fléaux des Antilles. Tremblement de terre, page 369.- Celui de février 1843. On ne peut exagérer les effet d’un tremblement de terre, page 370.- Incendie, Episodes, page 3671.- Morts. Désastres, page 373.- Secours, page 374

§ 3 Centralisation des usines de fabrication. Possibilité de la petite propriété aux colonies, page 375.- Avantages des usines centrales. La canne ne contient pas de sucre incristallisable, page 375.- Immenses bénéfices d’une fabrication meilleure, page 376.- Possibilité de la culture de la canne en petit, page 378.- La canne est la seule grande production possible des colonies, page 379.- inconvénients actuels des vastes propriétés, page 380.

§ 4 Compagnie royale des Antilles. Point de crédit, point de développement industriel et agricole sans l’abolition, page 381.- Au milieu du désastre, on a oublié les nègres, page 382.- rien ne peut se faire de sérieux sans leur émancipation, page 383.- Les capitaux ne braveront jamais l’avenir de l’esclavage, page 384.- Projet d’une compagnie d’exploitation des usines centrales par M. Lebaudy. Tout intérêt d’ordre moral y est froidement sacrifié, page 385.

§ 5 Nécessité économique de l’abolition. Émigration européenne aux colonies, page 388.- L’esclavage est jugé, page 388.- Si l’abolition est un acte de justice, la différer est un acte d’injustice. La pénurie des colons les empêche de rien innover. L’abolition serait un bien pour tout le monde, page 389.- L’esclavage est un obstacle à tous, page 390.- L’État doit refuser son concours à tout ce qui profiterait à la servitude, page 391.- Les Nègres travailleront étant libres. ils ont travaillé à Saint-Domingue et à la Guadeloupe pendant la liberté. La classe libre fuit le travail de la terre parce qu’il est déshonoré, page 392.- L’émigration européenne est la seule bonne, page 393.- Pourquoi l’Angleterre a de belles colonies. L’utilité des colonies est fort contestable, page 394.- Elles sont françaises, voilà le seul et impérissable droit à la sollicitude de la France, page 395.

Projet d’une avance de dix millions à la Guadeloupe. Pétition des colons se plaignant que les secours de la métropole aient été distribués aux pauvres, page 395.

Tout secours accordé aux maîtres nuirait aux esclaves. Les colons ne sont, pour la plupart, que les géreurs de leurs créanciers. Leurs énormes sacrifices pécuniaires pour soutenir l’esclavage, page 396.- L’emprunt créerait à l’émancipation autant d’adversaires que de prêteurs. Blanchissage, page 397.- Prêter de l’argent à des possesseurs d’hommes c’est participer au crime de l’esclavage, page 398.- Pétition des colons pour se plaindre que l’on ait distribué les secours aux plus pauvres, page 399.- Perversité morale qu’engendre le régime servile, page 400.

Projet d’une nouvelle traite des nègres, 1845 page 400.- convention entre l’iman de Mascate et le gouverneur de Bourbon, signé à Zanzibar, page 401.

L’iman ne s’est pas engagé pour rien à assurer par la force le départ de ses sujets libres. Comment un africain contracterait-il volontairement un engagement sans garantie possible pour lui, page 404.- On veut acheter des esclaves en ayant l’air de les racheter. Véritable caractère du contrat, page 405.- Si le projet recevait exécution l’émancipation ne serait plus qu’une farce honteuse, page 406.- C’est l’Angleterre qui a donné l’exemple de ces frauduleuses émigrations. Ses immigrants noirs aux West-Indies ne se recrutent que par la violence et le mensonge. Les nègres ne s’acclimatent pas aux colonies plus aisément que les blancs, page 107.- Si l’on veut des engagés africains, c’est qu’on pourra les exploiter plus facilement que des engagés européens. Acheter des esclaves à la côte, fût-ce même pour les libérer sincèrement, ce serait y alimenter les guerres et les vols d’hommes, page 108.- Le gouvernement n’a heureusement pas ratifié le traité de Zanzibar, page 109.

Nouvelle traite gouvernement anglais, 1847 page 409.- Les colons anglais ne se plaignent pas de la main d’oeuvre mais de la rareté des bras, parce que ces bras ne sont pas à leur discrétion. Les noirs pris sur les négriers ont été forcés d’émigrer librement aux Indes occidentales. Autorisation de recruter des hommes hors même des possessions britanniques, page 110.- Un navire de l’Etat affecté au transport des émigrants de la côte de Krou. C’est la traite par la marine royale. Énergique protestation du comité abolitionniste de Londres contre cette résolution, page 111.- La côte de Krou va devenir un foyer d’exploitation de la race africaine, page 413- Mesures prises pour que l’immigrant soit soumis à un réel servage. l’Angleterre se retire toute force morale pour achever la destruction de l’esclavage. Le Brésil, l’Espagne et le Portugal peuvent désormais faire ouvertement la traite sous le nom d’immigration libre, page 414.- l’Angleterre s’était interdit en 1839 ce qu’elle commet aujourd’hui. Elle a saisi la Sénégambie qui ne faisait autre chose que ce que va faire le Growler, page 415.- Le gouvernement français a pour impérieux devoir d’intervenir, page 416.

De la pétition des ouvriers pour l’abolition immédiate de l’esclavage, mai 1844, page 416, 9000 signatures. L’initiative des ouvriers français doit fixer l’attention, page 416.- C’est le climat et non la servitude qui garantit l’existence matérielle des esclaves. Le bien-être des esclaves est tout négatif, page 417.- A ce compte, le sort des chevaux d’un millionnaire est préférable à celui des nègres, page 418.- Insuffisance des lois pour protéger les esclaves. Preuves, page 419.- Un rapport de patron jugé par le ministère. Les colons ne veulent pour leurs esclaves ni religion, ni instruction, ni famille. Preuves, page 424.- Bons prêtres chassés des Antilles. La censure de la Martinique ne permet pas de publier le catéchisme traduit en créole, page 423.- L’abjection du possédé fait la sécurité du possesseur. Entraves mises aux unions légitimes, page 424.- Cercle vicieux où l’on veut enfermer l’humanité de la métropole. L’esclavage gâte jusqu’aux bons par la facilité de l’abus, 425.- Même sous sa forme la plus douce, il renferme mille maux, 426.

Colonisation de la Guyane. Mensongère émancipation des esclaves. 1846, page 426.

-Propositions, page 426.- Leurs détestables conséquences. Le projet de compagnie de M. J. Lechevalier a deux siècles de date: il est contraire aux notions les plus élémentaires de l’économie politique, page 427.- Il tend à l’exploitation privilégiée du territoire et de la population. Tout individu qui a participé à l’esclavage subit une certaine déchéance morale. L’émancipation de M. J. Lechevalier est une jonglerie, page 428.- Dans son règlement de travail libre, le travailleur n’intervient pas. Après avoir affranchi les nègres il les classe, fixe leur salaire à son gré et leur impose un code disciplinaire, page 429.- Il sait ce qu’il fait, page 430.- Les affranchis de la compagnie ne pourront jamais s’élever au dessus de leur condition. La compagnie serait plus souveraine que les maîtres actuels, page 434.- M. J. Lechevalier admet encore les châtiments corporels et veut faire rentrer les libres d’aujourd’hui dans sa caste d’ilotes, page 432.- L’esclavage est réellement préférable à cette émancipation frauduleuse à laquelle on ose donner le nom de Procédé français, page 433.- L’association de M. J. Lechevalier est la restauration de la glèbe. Honte aux apôtres qui prennent place parmi les marchands du Temple, page 434.

Sermon de M. l’abbé Moussa, nègre, 1846, page 434.- Intérêt témoigné au prédicateur noir, page 434.- Tout le monde, en France, est abolitionniste. Sermon, page 435.- Le succès de M. l’abbé Moussa est un nouveau coup porté à des préjugés odieux et absurdes, page 437.-M. l’abbé Moussa a plus de devoirs qu’un autre homme. M. Sallacrous, curé de Saint-Laurent, page 438.

Voeux exprimés en 1844 par le congrès scientifique de France pour l’abolition immédiate de l’esclavage, page 438.- L’affranchissement des nègres occupe tous les bons esprits, page 438.- Le congrès l’a mis au nombre des questions à traiter dans sa session de 1844. Mémoire lu en séance générale. La cause est gagnée en principe, mais on se laisse effrayer par la gravité de la mesure, page 439.- Les esclaves ne souffrissent-ils pas, ce serait une raison de plus pour redoubler d’efforts contre le système colonial. L’humanité est incompatible avec l’esclavage. Quatre-piquets donné à une petite fille de 9 ans, et laissant 25 cicatrices, page 440.- Le médecin déclare que le châtiment n’est pas excessif, et le tribunal condamne à 200 fr. d’amende. Un maître devient incapable de distinguer le bien du mal, page 441.- Ignoble violence, p.442. L’esclavage fait de l’esclave une bête brute, et du maître une bête féroce. Le bien-être animal de la majorité n’empêche pas la minorité de souffrir, p. 443.- Il est moins temps que jamais de se reposer. L’esclavage français ravit tous les dix ans 33,000 âmes à l’existence, page 444.- Tout moyen transitoire est rempli d’écueils. Les lois ne sont pas exécutées. Un maire fait fouetter un esclave qui est venu porter plainte auprès de lui, et le parquet instruit ne poursuit pas, page 445.- Mot d’un gouverneur de la Guadeloupe sur le droit des enfants esclaves d’aller à l’école. Tout ce que l’on essaie a déjà été vainement tenté, page 446.- L’enseignement de l’Evangile donne aux noirs des idées dangereuses. Il n’y a aucun progrès possible dans l’esclavage pour la liberté; les phases de l’émancipation anglaise le prouvent, page 447.- L’apprentissage n’est qu’un prolongement de la servitude. Il fallu abolir deux années avant le terme de rigueur, page 448.- Les nègres sont prêts pour la liberté.

La transition subite dans les îles anglaises s’est opérée avec plus de calme que le recensement en France, page 449.- Les colons anglais tenaient le même langage que les nôtres. De la prétendue paresse des nègres, page 450.- Les maîtres condamnent les esclaves au travail forcé, il est tout simple qu’ils les accusent de fainéantise. Les Anglais disent la même chose des Irlandais, page 451.- La prospérité maritime de la France ne tient pas à la servitude de 250,000 nègres. Le statu quo est plein de périls. Chaque période de dix ans voit éclater une révolte d’esclaves, page 452.- Il est sage de prévenir cette fin inévitable de toute violence. Le congrès sollicite l’abolition immédiate de l’esclavage, page 453.

Pétition des femmes pour l’abolition immédiate de l’esclavage, page 453.- Les Françaises n’osent rien faire qui ait un caractère public, page 453.- Plusieurs ont refusé de signer dans la crainte de passer pour vouloir se mettre en avant. Cependant quelques-unes ont surmonté le préjugé et l’on signe une pétition spéciale aux dames. Les anglaises ont pris une grande part au succès de l’abolition, page 454.- Leur charité poursuit maintenant l’esclavage dans le monde entier. Remarquable rapport de la société des dames de Glasgow, page 455.- Notre but, notre motif, page 456.- Notre conduite, nous faisons appel, page 457.- Etats-Unis, page 458.- Inde. Puissent les Français entrer dans la voie active de leurs soeurs d’Angleterre, page 460.

BIBLIOGRAPHIE, page 460.

De l’Esclavage et de son abolition immédiate, par H. Fleury. Lyon. 1847.

Résultat d’expériences sur le travail des esclaves, par M. Perrinon, chef de bataillon d’artillerie de marine (extrait des Annales maritimes, mai 1847).

Lettre sur l’Esclavage considéré au point de vue théologique, par M. l’abbé de l’Étang, avril 1847.

De l’esclavage et des colonies, par M. Gustave Du Puynode, 1847.

De l’esclavage dans les colonies, par M. Wallon, 1847.

L’affranchissement des esclaves devient tous les jours plus populaire en France.

Les journaux des départements s’occupent aussi de cette question. Le Patriote des Alpes, page 461.- Le Censeur de Lyon, page 462.-M. Perrinon, page 463.- M. Lestang, page 464.-M. Du Puynode, page 465.- M. Wallon. Tous disent au pouvoir: «Faites quelque chose de définitif.» Unanimité des livres, des journaux, des pétitions. M. Guizot a déclaré à la Chambre des pairs que l’heureuse solution était dans la pensée du gouvernement, page 466.

Réclamation de M. Latuillerie, page 467.

Lettre de M. Ch. Joubert, page 468.

TABLE ANALYTIQUE, page 469.

FIN DE LA TABLE DE LA DEUXIÈME ET DERNIÈRE PARTIE.

Imprimerie de GUSTAVE GRATIOT, rue de la Monnaie, 11.

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