Pétition des ouvriers de Paris, En faveur de l’abolition de l’esclavage.

PÉTITIONS

DES OUVRIERS DE PARIS, EN FAVEUR DE L’ABOLITION DE L’ECLAVAGE.

         Messieurs les Députés,

Les soussignés, ouvriers de la capitale, ont l’honneur, en vertu de l’art. 45 de la Charte constitutionnelle, de venir vous demander de vouloir bien abolir, dans cette session, l’esclavage. Cette lèpre, qui n’est plus de notre époque, existe cependant encore dans quelques possessions françaises. L’esclavage dégrade autant le possesseur que le possédé. C’est pour obéir au grand principe de la fraternité humaine, que nous venons faire entendre notre voix en faveur de nos malheureux frères les esclaves. Nous éprouvons aussi le besoin de protester hautement, au nom de la classe ouvrière, contre les souteneurs de l’esclavage, qui osent prétendre, eux qui agissent en connaissance de cause, que le sort des ouvriers français est plus déplorable que celui des esclaves. Aux termes du Code noir, édit de 1685, art. 22 et 25, les possesseurs doivent nourrir et habiller leur bétail humain; il résulte des publications officielles faites par le ministère de la marine et des colonies, exécution de l’ordonnance royale du 5 janvier 1840, publication de 1841, pages 50,37,46,118,61,92,102, etc., qu’ils se déchargent de ce soin, en concédant le samedi de chaque semaine aux esclaves. Ceux de la Guyane française n’ont même qu’un samedi négre par quinzaine, contrairement aux défenses de l’art. 24 du Code noir, et aux pénalités de l’art. 26.

Quels que soient les vices de l’organisation actuelle du travail en France, l’ouvrier est libre; sous un certain point de vue, plus libre que les salariés défenseurs de la propriété pensante.

L’ouvrier s’appartient; nul n’a le droit de le fouetter, de le vendre, de le séparer violemment de sa femme, de ses enfants, de ses amis. Quand bien même les esclaves seraient nourris et habillés par leurs possesseurs, on ne pourrait encore les estimer heureux; car, comme l’a si bien résumé M. le duc de Broglie (Rapport fait à M. le ministre de la marine et des colonies, 1843, p. 5.) il faudrait autant dire que la condition de la bête est préférable à celle de l’homme, et que mieux vaut être une brute qu’une créature raisonnable.

Fiers de la sainte et généreuse initiative que nous prenons, nous sommes sûrs que notre pétition aura de l’écho dans notre noble patrie, et nous avons confiance dans la justice des députés de la France.

Paris, 22 janvier 1844. Signé: Julien Gallé, nº 1, rue Neuve-des-Mathurins et 1,505 signatures.

Déposée à la chambre par M. Isambert, le 19 février.

On y remarque Marul Verdier, rue Montmartre, 58; Quebault, homme de lettres; Gaubault, ex-magistrat colonial, rue du Dragon, 29; La Rivollière, peintre; Fontalba, capitaine retraité; Agricol Perdiguier; Saint-Remy Mondesir; les ouvriers de l’imprimerie Schneider et Laugrand; de l’imprimerie Fournier; de l’imprimerie Paul Dupont; de l’atelier Pleyel et compagnie; de l’imprimerie lithographique de Gosslin; de l’imprimerie Béthune et Plon; de l’imprimerie lithographique Lemercier, rue de Seine; de l’imprimerie Ducessois; les ouvriers de la maison Olfroy, rue Sainte-Marguerite; de l’atelier de fonderie, rue Madame,etc., etc.

La 2e pétition, comprenant 1,903 signatures a été déposée le 11 mars par M. de Lamartine, député.

La 3e pétition, comprenant 620 signatures, a été déposée le 30 mars par M. Ag. De Gasparin.

La 4e, comprenant 642 signatures, par M. Jouvencel, député du 10e arrondissement de Paris, le 22 août.

La 5e, comprenant 404 signatures, par M. de Larochejacquelin, le 26 avril.

La 6e, comprenant 476 signatures, par M. Taillandier, député du 3e arrondissement de Paris, le 27 avril. Parmi les adhésions, on remarque celles de M. Eugène Sue, Emm. Arago, A. de Saint-Chéron, E. Scribe, Ferret, L. Blanc, V. Schoelcher, Altaroche, Félix Pyat, Roy, ancien colon, Ferdinand Denis (frère du rapporteur), Pillet, Bonnard, Astrem, Sougère, Mauvais, membre de l’Institut, F. Flocon, Al. Mis., le lieutenant général vicomte de Villiers, Ed. Genoude, l’abbé Migne, fondateur de l’Univers religieux; Mery, etc.

La 7e pétition, comprenant 475 signatures, dont 176 artistes, MM. Pradier, David d’Angers, Drolling, Verdier, Cabet, ancien député, homme de lettres, etc., a été déposée le 27 août par M. Carnot, député de la Seine.

La 8e pétition a été déposée le même jour par M. le général Paixhans, et contenait 603 signatures de citoyens de Metz et de la Moselle.

La 9e pétition, contenant aussi 603 signatures, y compris celle de M. Ed. Dupont, avocat, a été déposée le 28 avril.

La 10e pétition, déposée le 4 mai, par M. Abattucci, député du Loiret, contenait 120 signatures, y compris celles de MM. Michelet, Ed. Quinet, comte Ch. de Lasteyrie, Jules Renouard, etc.

M. Ledru-Rollin, député de la Sarthe, a déposé le même jour, la 11e pétition d’ouvriers Lyonnais, contenant sur 52 feuillets imprimés, 1,705 signatures.

Il y a donc, au total, 9,038 signatures.

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