Histoire des Sectes Religieuses

Tom. I

Pag. 32-33

Wilberforce, qui s’est illustré par son zèle infatigable contre la traite des Noirs et l’esclavage, est un des disciples du Méthodisme, dont il a défendu les principes par ses écrits: il y a établit la doctrine de la dépravation héréditaire. Combattu par Thomas Belsham, il l’a été spécialement sur ce dernier article par Charles Bulkekey, avocat d’une fort mauvaise cause, dans son Apologie pour la nature humaine. L’exemple de Wilberforce n’a pas procuré au Méthodisme beaucoup de partisans parmi les gens en place, ni les gens de lettres: la secte a recruté dans les classes inférieures; elle a suivi l’intention de son patriarche Wesley en s’occupant surtout des indigens, envers lesquels elle a déployé beaucoup de charité et de zèle. Elle a contribué puissamment à réformer leurs moeurs, et l’on cite avec éloge la métamorphose qu’elle a opérée parmi les charbonniers de Bristol et les mineurs du comté de Cornouailles; on doit savoir gré aux Méthodistes d’être les grands promoteurs des Sunday-Schools, ou écoles du dimanche.

Pag. 38-43

Les Méthodistes, dit Perrin du Lac (1), prennent à la lettre ces paroles de l’Ecriture: «Le royaume des Cieux veut être pris par violence: criez au Ciel, levez les mains vers lui, etc

(1). Voyez Voyages dans les Deux Louisianes, par Perrin du Lac, in-8º, 1805, Ch. IX, pages 64 et 65.

Leurs prières sont bruyantes; et leur chant, quoiqu’agréable, se fait remarquer par des élans successifs qui lui sont particuliers. Leurs ministres, au lieu d’annoncer avec calme la parole de Dieu, prêchent par exclamations, frappent des pied et des mains, et se promènent avec une espèce de délire, d’un bout à l’autre d’une petite galerie dont ils se servent au lieu de chaire. Le prêche et les chants terminés, les plus zèlés confrères viennent faire à haute voix les prières qui leur sont inspirées par la crainte de l’enfer, l’amour de Dieu ou quelques autres motifs pieux. Alors la congrégation entrant dans le sens de celui qui prie, témoigne l’impression qu’il lui fait partager. Assez ordinairement cette impression est graduelle. Les soupirs succèdent à de légers élans du coeur: les sanglots succédent aux soupirs, les cris aux sanglots, après lesquels chacun s’abandonne sans réserve à tout ce que le délire peut lui suggérer. Dans le même instant l’assemblée est agitée de vingt sensations différentes. Ici l’on chante, là on crie; celui-ci se frappe la tête ou la poitrine, celui-là se roule par terre avec des hurlemens affreux. Enfin lorsque l’orateur est pathétique, les contorsions deviennent tellement extravagantes que tout homme raisonnable est obligé de quitter la place, l’esprit rempli de réflexions peu honorables pour l’espèce humaine, et particulièrement pour cette secte.

Il y a peu d’années que quelques prétendus ministres de Méthodistes ayant jugé à propos de parcourir les parties les moins habitées de la Pennsylvanie, firent un si grand nombre de prosélytes que le gouvernement, effrayé pour le bon ordre et pour les moeurs, des suites de ces courses religieuses, leur ordonna de cesser leurs fonctions. Le nombre de personnes qui les suivirent était tel qu’elles ne pouvaient trouver à subsister. Les hommes et les femmes abandonnaient leurs maisons et leurs enfans pour courir après ces fanatiques, qui prêchaient au milieu des champs et des forêts. Les extravagances auxquelles ils se livraient, surpassaient encore dit Perrin du Lac, celles dont j’ai parlé dans le chapitre qui concerne cette secte (1).

(1). Voyez Voyages dans les deux Louisiannes, etc. Chap. XVII, pages 128 et 129.

Une lettre particulière donne des détails authentiques sur un Camp Meeting de Méthodistes, ou assemblée au milieu des champs, en 1806, pendant quatre ou cinq jours, dans le comté de la duchesse (Dutchess County), état de New-York.

Elle commença un lundi par quelques centaines de personnes. D’un coté on prêchait, on chantait; de l’autre on entendait le bruit confus d’enfans, de femmes, d’hommes, qui déployaient leur bagage et dressaient leurs tentes. Bientôt on vit un assez grand nombre des assistans trembler, entrer en convulsions, s’agiter comme des forcenés, se rouler, écumer et tomber en poussant des cris aigus et des hurlemens. Toutes les folies ont une teinte de ressemblance. Celles-ci se nomment en Amérique l’Oeuvre (the Work), comme chez les Convulsionnaires de France.

L’Oeuvre continuait une partie des nuits. Alors l’illumination résultante d’une multitude de lanternes réparties dans la forêt, lui donnait un caractère romantique, saisissait l’imagination, et causait une impression sentimentale dont il était difficile de se défendre.

L’enthousiasme s’accrut journellement par l’arrivée de nouveaux inspirés, dont le nombre s’éleva à quatre mille: ils se formèrent en groupes de quarante ou cinquante personnes, au milieu desquels des hommes, des femmes surtout, et même des enfans de six à sept ans, retraçaient le spectacle qu’on vient de décrire, et tombaient évanouis. L’auteur de la lettre pense que le chaos de la tour de Babel devait être un modèle d’ordre et d’harmonie, comparativement à la confusion et au tapage de ces assemblées. Il est impossible, dit-il, de s’imaginer à quelles extravagances on s’y livre. Il cite une jeune femme qui, dans son extase pieuse, se déshabille, se jette à la rivière et se noie. Une autre est tellement pénétrée de la joie d’être régénérée, qu’à l’instant elle avorte. Les frères et les soeurs se séparent en s’embrassant de la manière la plus tendre, et en pensant que c’est peut-être pour la dernière fois.

Dans ce culte bizarre, non-seulement le narrateur ne voit rien d’utile; mais à côté de ces traits de démence il découvre l’immoralité des soeurs régénérées, partageant, la nuit, leur asile avec des frères qui ne le sont pas, etc., etc. Il ajoute, et avec raison, que l’autorité publique pourrait et devrait prohiber ces assemblées. La persécution obligeait les apôtres et les fidèles convertis par eux à s’assembler ou dans des cryptes, ou dans des champs; mais dans les États-Unis chaque culte ayant la faculté d’ériger des temples, on peut l’astreindre à ne pas former hors de là des assemblées.

L’auteur aurait pu ajouter une autre considération. Les médecins, entre autres Sauvage, assurent que sur neuf enfans épileptiques, sept sont devenus tels par la peur. Les paroxismes convulsionnaires qu’éprouvent les enfans dans ces réunions, ne sont-ils pas le prélude de la maladie dont nous parlons?

Michaud fils, dans son premier voyage, parle comme témoin oculaire de ces rassemblemens dans les bois du Kentuky, où l’on se rend de très-loin pour entendre des prédications qui durent plusieurs jours de suite. Ils est remarquable que ces réunions de New-Light ont lieu surtout dans le Kentucky, la Virginie et la Caroline du Nord, qui sont les contrées les moins morales des Etats-Unis. Chacun apporte ses provisions, et passe la nuit autour du feu. Les ministres parlent avec véhémence; les têtes se montent, les inspirés, les femmes surtout, tombent à la renverse en criant glory, glory (gloire). On les emporte alors hors de la foule; on les met sous un arbre, où elles restent long-tems étendues en poussant des soupirs. Il y a de ces assemblées où il tombe ainsi jusqu’à deux cents personnes (1). Ce cri glory, glory signifie la même chose que le gogoniant des Jumpers du pays de Galles, dont il sera parlé ci-après.

(1). Voyez Voyage à l’Ouest des monts Alleghanis, par Michaud. Paris, in-8º., 1804, page 212 et suiv.

Pag. 123-126  

Guillaume Penn ayant obtenu de Charles II cette contrée d’Amérique à laquelle il a donné son nom, acheta des Naturels du pays une extension de territoire, et fit avec eux un traité; le seul, dit Voltaire, qui n’ait pas été juré, et qui ne fut jamais rompu. Les deux arbres à l’ombre desquels Penn fit cet acte de justice, et qu’on aurait dû conserver comme monument, ont été frappés de la hache à la fin du siècle dernier.

Aucune société religieuse n’a mieux connu ni plus respecté la dignité de l’espèce humaine, sous quelque forme, quelque couleur qu’elle se présente, que les Quakers; aucune dans le dix-huitième siècle, n’a déployé plus d’efforts pour faire abolir la traite et l’esclavage. Dès l’an 1727 ils proclamèrent leurs principes sur cet objet. Leur zèle acquit plus d’activité par les exhortations et les écrits de Woolman et de Benezet: ce dernier, qui était Français né a Saint-Quentin en 1728, consacra aux Africains ses soins, sa fortune et sa vie. Fothergil, et d’autres hommes distingués de cette secte, fortifièrent cette émulation. Non contens d’affranchir leurs esclaves, beaucoup d’Amis leur tinrent un compte pécuniaire du tems passé à leur service.

   Des comités s’étant formés dans les divers Etats-Unis pour provoquer la suppression de la traite, et s’occuper du soulagement des Nègres tant esclaves que libres, annuellement ils envoient à Philadelphie des députés à une convention centrale qui régularise leurs efforts. Ces sociétés et cette convention composée presque entièrement de Quakers, ne manquent jamais d’adresser des pétitions au congrès et aux législatures respectives de chaque État en faveur des Africains (1) Sans cesse elles surveillent les bâtimens arrivés dans les ports de l’Union, dans la crainte malheureusement trop fondée, que depuis l’acte qui supprime la traite, des armateurs cupides, revenant des côtes de Guinée, n’amenèrent et ne vendent des cargaisons de Nègres. La justice du gouvernement Américain ayant mis un terme à cette iniquité nationale, le zèle des Amis agira désormais plus efficacement pour procurer aux uns l’émancipation, et diriger les autres à faire un bon usage de leur liberté. On ne prétend pas atténuer le mérite des autres sociétés Chrétiennes en faveur des esclaves; mais on peut dire que les Quakers d’Angleterre et d’Amérique ont la palme à cet égard.

(1). Voyez. Minutes of the procedings of a convention of delegates from the abolition sociétes, etc., In-8º. Philadelphie, depuis 1794-108

Sans adopter exclusivement tout ce qu’a dit mon ami Clarkson en faveur du Quakérisme, on doit avouer que dans nulle autre secte la religion n’a présentement une influence plus marquée sur les moeurs de ceux qui en sont membres; nulle n’est plus soigneuse de l’éducation des enfans, que sans aigreur, sans châtiment on forme à ce qui est utile et vertueux: on leur inculque que le corps étant le temple du Saint-Esprit, ils doivent en tout le respecter; une modestie sans affectation embellit leurs filles, leurs épouses; la simplicité de l’innocence resplendit dans leur costume, leur maintien, leurs discours, leurs actions: cette simplicité de moeurs, commune aux deux sexes, n’est pas l’effet d’une habitude stupide, d’une intelligence bornée. Aucun d’eux n’appartient à cette classe frivole et très-inutile qu’on appelle de beaux esprits, mais ils ont un esprit de droiture et de justice qui préside à leur conduite. Clarkson remarque qu’en politique surtout ils raisonnent toujours sur le principe sans s’inquiéter des conséquences, dussent-elles leur être funestes. Une réserve extrême semble être l’apanage propre des Quakers, qui dans leurs assemblées souvent silencieuses acquièrent l’habitude de réfléchir.

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