De l’abolition de l’esclavage aux colonies

Qu’est-ce que l’esclave?

Allons au fond des choses et ne jouons pas sur les mots comme feraient des sophistes ou des rhéteurs.

L’esclave, c’est celui qui est en peine de sa nourriture, de son vêtement, et de son gîte; c’est celui qui dort sur les marches d’un palais, souvent inhabité.

L’esclave, c’est le pauvre qu’on punit pour avoir tendu la main à la pitié du riche; c’est l’homme sans asile qu’on arrête pour s’être appuyé sur la borne.

L’esclave, c’est le journalier sans travail; c’est l’ouvrier sans lendemain.

L’esclave, c’est l’homme qui, doué d’intelligence et privé de fortune, cherche vainement l’emploi de ses facultés et se consume solitairement, livré au deuil éternel et muet de son coeur.

L’esclave, c’est le malheureux que la faim condamne au vol, en attendant que la société le condamne au bagne.

L’esclave, c’est le père qui envoie son jeune fils respirer l’air des filatures malsaines; c’est le fils qui envoie son vieux père mourir à l’Hôtel-Dieu.

L’esclave, c’est l’enfant du pauvre, qui entre dans un atelier à six ans; c’est la fille du pauvre, qui, à seize ans, se prostitue.

Les esclaves, ce sont ceux qui écrivent sur leur bannière: vivre en travaillant ou mourir en combattant, et qui, cela fait, combattent et meurent!

M. de Lamennais a écrit un livre sur le sort de la majorité des hommes libres de ce pays, et il a intitulé son livre: De l’Esclavage moderne. Il a eu raison: quel esclavage que celui qui se compose de la faim, du froid, de l’incertitude de l’avenir, de tant de mépris soufferts, de l’impossibilité de prévoir et, souvent, de l’impossibilité d’aimer!

De cet esclavage, pourtant, les directeurs de la société s’en inquiètent peu; et si quelqu’un s’en inquiète, ils appellent cela de la déclamation, ces grands docteurs!

Dans les colonies françaises, il y a des esclaves aussi dont la condition est plus lamentable encore. Ceux-là ne s’appartiennent pas, ce qui est de toutes les humiliations, la plus profonde, et de tous les malheurs, le plus affreux! Ils doivent à leur maître cinquante heures de travail par semaine, et, pour la moindre faute, le corps de ces pauvres gens saigne sous le fouet du commandeur. Quant a la vie de l’âme, ressemblant au bétail par leur condition, il serait dangereux pour les planteurs qu’ils ne lui ressemblassent point par leur intelligence. Pour eux point de famille: ils n’en goûtent pas les douceurs, ils n’en remplissent pas les devoirs. Aussi en est-il fort peu qui se marient. En 1838, il n’y a eu qu’un mariage à la Guadeloupe; il n’y en a pas eu à Bourbon. L’article 10 de l’édit de 1685 exige le consentement du maître pour le mariage de l’esclave. Or, ce consentement, le maître est intéressé à le refuser, parce qu’aux termes de ce même édit, le mari et la femme ne pouvant être séparés, le maître perdrait par le mariage de l’esclave la faculté de disposer à son gré de sa propriété vivante. Pourquoi d’ailleurs le nègre se marierait-il? Qu’est-ce qu’un père de famille qui n’a pas le droit de protéger sa femme, ni celui de surveiller ses enfants et de les conduire dans la vie? Une négresse met au monde des esclaves; elle ne fait pas des enfants; il m’est pas donné à une négresse d’être mère!

Ainsi, la condition des esclaves à peau blanche est encore préférable à celle des esclaves à peau noire. Cependant, sous quelques rapports, le sort des seconds pourrait être envié par les premiers.

Les nègres sont nourris, ils sont logés, ils sont vêtus, ils n’ont pas à prendre souci de leur existence matérielle; malades, ils trouvent autour d’eux des soins empressés, d’autant plus empressés, que ces soins sont égoïstes. Les nègres possèdent un petit carré de terre qu’ils cultivent à leur profit et dans lequel il leur est loisible d’élever des animaux. Le dimanche, montés sur des chevaux qui souvent leur appartiennent, ils vont vendre à la ville les produits de leurs jardins. Il en est qui, les jours de fête, se montrent parés avec recherche. Les plus économes ramassent un pécule au moyen duquel ils se rachètent. Si l’esclavage émousse la sensibilité des nègres et obscurcit leur intelligence, ils n’éprouvent pas du moins ces horribles angoisses d’une âme libre et fière aux prises avec les humiliations de la pauvreté; ils ne sentent pas, comme le pauvre, saigner au dedans ces blessures du coeur, les plus douloureuses de toutes! S’ils vivent dans un sensualisme grossier, ils ne connaissent du moins ni les soucis rongeurs de l’époux inquiet du lendemain, ni les remords de ces malheureuses femmes qui courent dans la nuit abdiquer leur maternité à la porte de quelque hospice!

Tout cela, sans doute, n’ôte pas à l’esclavage des noirs ce qu’il a d’odieux, de dégradant, de cruel et d’injuste; mais tout cela montre la folie des hommes qui, s’occupant d’abolir l’esclavage colonial, refusent obstinément de comprendre qu’il est un autre esclavage qui demande à être aboli: L’ESCLAVAGE MÉTROPOLITAIN, LE PROLÉTARIAT!

Pour nous, ces deux questions nous paraissent si intimement liées l’une à l’autre, que nous ne saurions les séparer dans l’examen qui nous reste à faire de la première. Et nous le déclarons d’avance: la solution du problème, ici, nous paraît devoir être double; elle doit consister à extirper d’un seul coup, aux colonies, l’esclavage et les germes du prolétariat.

I. Objections contre l’Abolition de l’esclavage.

On oppose à l’abolition de l’esclavage des Noirs trois objections principales que voici:

Les nègres, dit-on, sont faits pour la servitude, parce qu’ils constituent une race inférieure à la race blanche;

Les nègres ne désirent pas la liberté, qui leur procurerait moins d’avantages que la servitude;

Les nègres, le jour où ils seraient émancipés, cesseraient de travailler.

Voyons ce que vaut chacune de ces objections.

Que, dans l’état actuel des choses, les nègres soient inférieurs à leurs maîtres, en intelligence, cela n’est pas douteux. Mais comment ne voit-on pas que cette infériorité morale des esclaves, c’est le régime même de l’esclavage qui l’a produite? Quoi de plus naturel que l’abrutissement des esclaves sous un régime où ils sont traités comme des brutes? Interrogez les colons de bonne foi, ils vous diront que le jour où les nègres sauraient lire, l’existence des planteurs serait en danger; ils vous diront que, parmi leurs esclaves, les plus intelligents se montrent toujours les plus rebelles, et que répandre l’instruction dans les colonies, ce serait y semer l’insurrection. L’ignorance des Noirs étant une nécessité du régime de l’esclavage, faut-il s’étonner si elle en est le produit? Et dès-lors, que penser de ceux qui font dériver de la gravité même du mal l’obligation de maintenir les institutions d’où le mal est sorti?

C’est citer l’effet pour perpétuer la cause; vieux sophisme à l’usage de toutes les tyrannies!

M. Victor Schoelcher vient de publier sur l’abolition de l’esclavage un excellent livre (1) où il combat, par des preuves aussi intéressantes que nombreuses, le préjugé qui assigne à l’infériorité de la race noire une sorte de caractère fatal et providentiel. Il résulte, par exemple, des témoignages authentiques invoqués par l’auteur, que les nègres d’Afrique font de la poudre; qu’ils manufacturent des poteries; qu’ils tannent les peaux de boeufs, de moutons ou de chèvres, et savent les teindre en jaune et en rouge d’une manière inaltérable; que les habitants du pays des Mandingues s’entendent parfaitement à exploiter les mines de fer dont le pays abonde; qu’ils travaillent le fer avec une grande habileté, tirent l’or en fil, et en fabriquent des ornements qui décèlent beaucoup de goût et d’intelligence; qu’on trouve en Afrique des magistrats, appelés doutys, dont les fonctions consistent à entretenir l’ordre, à percevoir les droits du fisc, à lever les tributs imposés aux voyageurs, à présider à l’administration de la justice; qu’on trouve en Afrique des hôpitaux bien tenus, de vastes champs soigneusement cultivés en blé, en riz, en indigo et en coton, des villes industrieuses enfin, telles que Jenné, où sont des tailleurs, des forgerons, des maçons, des emballeurs, des portefaix, où se fait un commerce très-actif, et où l’on se sert de la monnaie comme moyen d’échange, toutes choses peu conformes à l’idée que nous nous faisons généralement de la vie sauvage des noirs d’Afrique.

(1). Chez Pagnerre, rue de Seine, 14 bis.

De tous ces détails, empruntés par M. Victor Schoelcher aux récits des voyageurs les plus savants et les plus véridiques, aux écrits de Mungo Park, de Caillé, des frères Lander, du major Denham, du capitaine Clapperton, etc, que conclure sinon que le préjugé qui trouve dans la peau noire le signe caractéristique d’une race maudite est un préjugé ridicule, fondé sur l’ignorance et alimenté par l’égoïsme?

Maintenant, qu’est-il besoin de prouver que, livré aux douces et salutaires influences de la liberté, cette race, objet de nos dédains, est capable de ressentir comme nous tous les sentiments tendres, nobles et généreux? «Près de Ségo, raconte Mungo Park, je fus obligé de m’asseoir au pied d’un arbre sans avoir rien à manger. Vers le soir, une femme, revenant des travaux de la campagne, s’arrêta pour m’observer, et remarquant mon air fatigué, elle s’informa de ma situation. Je l’en instruisis en peu de mots; alors elles prit la bride de mon cheval que j’avais dessellé, et d’un air de bonté me dit de la suivre. Elle me conduisit dans sa hutte, alluma une lampe, étendit une natte, m’engagea à me coucher, et sortit. Elle revint bientôt après avec un poisson à la main, le fit griller légèrement sur les cendres, et me le donna à manger. Puis s’adressant aux autres femmes de sa famille qui étaient entrées, elle leur dit de reprendre leur ouvrage habituel. Ces femmes se mirent à chanter. Une jeune fille chantait seule, et de temps en temps ses compagnes joignaient leur voix à la sienne en forme de choeur:

«Le vent mugit dans les airs; la pluie tombe à flots précipités: le pauvre homme blanc, faible et abattu, est venu s’asseoir sous notre palmier. Hélas! il n’a point de mère pour lui présenter du lait, point d’épouse pour lui moudre son grain:»

Le choeur: Prenons pitié du pauvre homme blanc!

Après avoir rappelé cette aventure si pleine de charité, de tendresse et de mélancolie, M. Schoelcher ajoute: «Peut-être la fille de cette bonne femme ou de quelqu’une de ces charmantes fileuses a-t-elle été volée à sa mère, livrée à un négrier, et creuse-t-elle aujourd’hui la terre sous le fouet d’un commandeur!»

Il peut donc y avoir de la poésie dans le coeur des nègres libres, et s’il y en a dans leurs coeurs, comment n’y en aurait-il pas quelquefois dans leur langage? Le fameux abbé Grégoire a fait un ouvrage sur la littérature des nègres. Eh bien! on trouve dans cette littérature une exaltation singulière, une sensibilité profonde et des éclairs de génie.

Voilà ce que sont les nègres libres: en faut-il davantage pour prouver que si les nègres esclaves forment une race abrutie, c’est précisément notre crime à nous qui les avons réduits en esclavage? Mais quoi! cette génération, toute déchue qu’elle puisse être, n’a-t-elle pas produit ses grands hommes? «Le premier des noirs au premier des blancs,» écrivait Toussaint-Louverture sûr une lettre qu’il envoyait à Napoléon. Et vraiment, à part l’homme extraordinaire à qui la lettre était adressée, y avait-il alors un blanc qui put être comparé à ce noir? Grand guerrier, législateur prévoyant, profond politique, administrateur habile, tour à tour audacieux et caressant, magnanime et rusé, Toussaint-Louverture a été plus que le vengeur de quelques milliers d’esclaves; il a été, pour ainsi dire, la réhabilitation incarnée de toute une race. Du reste, Toussaint-Louverture a doublement vengé les nègres: par sa vie, qui a été l’effroi de leurs adversaires, et par sa mort, qui a été leur déshonneur!

«La bastonnade, dit M. Schoelcher, est une conséquence nécessaire du travail forcé. On met le galérien au cachot, mais on ne met pas au cachot des instruments aussi coûteux que le sont les Noirs: il faut qu’ils piochent la terre ou qu’ils meurent sous les coups. Capitaux doués de vie, ils ruinent s’ils ne produisent.» Telle est la condition dans laquelle certaines gens voudraient nous faire croire que les nègres se complaisent. Les nègres, disent quelques avocats des colons, ne sentent pas le prix de la liberté qu’on demande pour eux; l’esclavage suffit à leurs désirs comme à leurs besoins.

S’il en était ainsi, ce qu’à Dieu ne plaise, ce serait une raison de plus pour demander la destruction radicale de l’esclavage. Car je ne sache rien de plus infâme qu’un régime dont le résultat serait d’ôter à l’esclave jusqu’à la volonté de devenir libre. Un pareil régime serait tellement contraire aux lois de la nature humaine, qu’il y aurait à en vouloir le maintien je ne sais quel odieux mélange de barbarie et d’impiété.

Mais il n’est pas vrai que les nègres aient perdu dans la servitude l’amour de la liberté. Pourquoi, je vous prie, la révolte des Noirs de Surinam en 1712? Pourquoi celle de la Jamaïque en 1750? Pourquoi celle de St.-Domingue en 1791? Pourquoi celle de la Martinique en 1833? Pourquoi celle des Florides en 1837? Pourquoi tant de complots étouffés dans le sang des Noirs? Pourquoi tant d’expéditions entreprises contre les marrons? Etait-ce par amour pour l’esclavage que Christophe disait aux envoyés de général Leclerc: «Dites aux Français qu’ils n’arriveront ici que sur un monceau de cendres, et que la terre les brûlera.» Quoi! c’est dans un pays où les souvenirs de cette terrible révolution de St.-Domingue palpitent encore, qu’on vient parler des charmes de l’esclavage pour les esclaves!

La Martinique et la Guadeloupe ne sont séparées que par des bras de mer très-étroits de Ste.-Lucie, de la Dominique, de Montserrat et d’Antigue, colonies anglaises où a été proclamée l’émancipation des esclaves. Les nègres de nos colonies vont chaque jour pécher dans les eaux des îles anglaises, et cette industrie de la pèche leur fournit un moyen de s’échapper. Or, on a prétendu qu’après s’être échappés, plusieurs nègres étaient revenus prendre leur place sous le fouet. Que prouverait ce fait, alors même qu’il serait incontestable? Que les colonies anglaises n’offrent aucune ressource au nègre fugitif, et ne lui font connaître la liberté que par la misère et l’abandon. Mais nous avons sous les yeux les déclarations de MM. Les délégués des colonies (séance du 10 juillet 1839), et nous y voyons cette déclaration de M. Jabrun: «Une fois dans les colonies anglaises, avec la meilleure volonté de revenir, les nègres ne le pourraient pas; les Anglais ne le souffriraient point: c’est une expatriation à jamais.» Le fait précité est formellement contredit, comme on voit, par ces paroles de M. Jabrun.

Il est vrai que MM. Jabrun, de Cools et Vidal de Lingendes s’accordent à dire que les nègres de nos colonies savent ce qui se passe dans les colonies anglaises, et que leur soumission n’en est point ébranlée. Mais alors que signifie cette solennelle déclaration du conseil privé de la Guadeloupe (26 décembre 1838): «L’émancipation est désormais un fait inévitable, non seulement sous le point de vue des efforts tentés par les abolitionistes, mais encore comme conséquence de la position topographique de nos îles et de leur voisinage des îles anglaises.»

Au reste, il y a quelque chose qui prouve mieux que tous les raisonnemens l’ardeur avec laquelle les nègres soupirent après leur émancipation: c’est l’anxiété des planteurs. Si le mot liberté ne sonnait pas doucement à l’oreille de l’esclave, ce mot ne ferait par tressaillir le maître. Voilà toute la question en deux mots.

L’aversion des nègres pour le travail est devenue un argument contre leur émancipation. Nous y voyons, nous, la preuve que les nègres ne sont pas d’une autre nature que leurs maîtres. L’homme, quelle que soit sa couleur, ne peut pas se dépouiller à ce point de sa personnalité qu’il ne cherche son bien-être, au fond des peines qu’il se donne. Si le nègre hait le travail, c’est tout simplement parce que l’esclavage le lui a rendu odieux.

L’amour du travail, quoi qu’on en ait pu dire, est dans la nature même de l’homme. Nous ne ressentons pas de besoin plus impérieux que celui de déployer notre activité. Et le travail est-il autre chose que le déploiement de l’activité humaine? Le riche, dans notre organisation sociale, pourrait se livrer à un repos continu, mais il y trouverait tous les ennuis de l’âme et le dégoût de la vie; et c’est pour cela qu’il se donne le plaisir de la chasse, qui est pourtant une fatigue. A tout prendre, que sont la plupart de nos plaisirs? Des travaux attrayants; voilà tout. Et pour qu’un travail soit attrayant, quelle est la première de toutes les conditions, qu’il soit volontaire. Le travail pour les nègres est essentiellement forcé, comment auraient-ils pu ne pas le prendre en horreur?

Ici se présente un rapprochement bien douloureux. Que le travail des pauvres soit dénué d’attrait dans nos sociétés européennes, cela accuse certainement les vices de notre organisation sociale, et il est aisé de prévoir une époque de la civilisation où le travail, cessant d’être uniforme, continu, et improductif pour celui qui s’y livre, cessera d’être considéré comme une douleur et un fardeau. Mais enfin, on conçoit que les hommes soient condamnés à des travaux qui leur répugnent dans des contrées où la nature, moins prodigue, leur a donné beaucoup de besoins et offert peu de ressources. Mais qu’il en soit de même dans des contrées où la douceur du climat dispense presque de la nécessité de vêtements et du gîte, et où la fécondité naturelle du sol met en quelque sorte la nourriture de l’homme dans sa main; c’est ce qui ne s’explique que par les usurpations et les crimes de la force.

Voici ce que disait un délégué des colonies, M. de Saint-Georges, dans la séance du 10 juillet 1839: «L’indifférence et l’apathie naturelle des esclaves des colonies doivent d’autant plus vous préoccuper, Messieurs, que, dans ce pays-là, les circonstances extérieures ne viendraient pas forcer les hommes au travail. On n’a besoin ni de vêtements ni de logement; la nourriture n’est presque rien. On peut, en quelque sorte, y vivre sans travailler.»

Et c’est dans ces régions où le travail n’est pas imposé à l’homme par la nature. Qu’il se présente accompagné de tout ce qu’il peut avoir de plus pénible, de plus rigoureux, de plus abrutissant! Mais qu’est-ce donc que cela sinon une audacieuse révolte contre les lois de la nature et la volonté de Dieu?

Croirait-on qu’en Angleterre, lors du bill d’émancipation, on proposa de mettre un impôt élevé sur les vivres, sur la farine de manioc et sur toutes les cultures alimentaires, précisément afin de donner aux aliments un tel prix que le NOIR FUT OBLIGÉ DE TRAVAILLER POUR VIVRE? Je ne vais pas plus loin: un jour viendra où on ne voudra pas croire que de telles aberrations aient eu lieu dans des sociétés civilisées!

Que conclure de ce qui précède? qu’il faut rendre, dans les colonies, le travail attrayant, ou les abandonner.

Mais, quel que soit l’ordre social qu’on introduise aux colonies, est-il permis de croire que les nègres travailleront? oui, parce que, encore une fois, il est dans la nature de l’homme de déployer son activité; oui, parce que, depuis l’émancipation des colonies anglaises, l’aptitude des nègres au travail est devenue un fait d’expérience.

M. Macaulay a publié, sur les résultats de l’émancipation des esclaves à la Jamaïque, à la Barbade, à la Guyane anglaise, à Antigue, à Saint-Christophe, etc…, des détails qui montrent jusqu’à l’évidence que les nègres, devenus libres, peuvent se plier parfaitement à des habitudes laborieuses. C’est à la Jamaïque que les résultats de l’émancipation ont été le moins satisfaisants. Eh bien! voici ce qu’écrivait, le 21 juin 1835, au secrétaire d’État des colonies, le marquis de Sligo, gouverneur de la Jamaïque.

«J’ai envoyé ci-incluse une pièce contenant quelques-unes de mes conclusions à l’égard du nouveau système dans cette île. Ces conclusions sont le fruit de mûres observations. Il en résulte:

«Que sur la majorité des habitations de cette colonie, le sucre fabriqué cette année est bien supérieur en qualité à celui qui se faisait auparavant par le travail de nuit.

«Qu’en général, les apprentis s’habituent évidemment, et de plus en plus au nouveau système; qu’on les trouve toujours prêts à travailler, moyennant salaire, de nuit et de jour, et que leur conduite ne cesse de s’améliorer.

«Que sur plusieurs habitations, la récolte de l’année prochaine surpassera celle de cette année, et qu’elle l’égalera sur le plus grand nombre, etc…, etc…»

Remarquons en passant que ces résultats ont été obtenus sous le régime d’apprentissage que les Anglais ont substitué, par manière de transition, au régime de l’exploitation servile, et qui, comme nous le montrerons plus bas, pèche par la base.

Parmi les dix-neuf colonies anglaises que l’acte d’abolition concernait, il en est une, Antigue, où les planteurs ont renoncé volontairement aux bénéfices de l’apprentissage. La liberté, dans cette île, a succédé brusquement à l’esclavage. Les nègres ont-ils, pour cela, déserté leurs travaux? loin de-là: ils sont entrés activement dans la vie civile, et on même montré les besoins de luxe qui servent d’aiguillon au travail. C’est ainsi que, dans une fête, on a vu un nègre acheter, au prix de 3 livres sterling, l’honneur d’ouvrir le bal.

Dans nos colonies, il est vrai, on voit les affranchis quitter volontiers la campagne pour la ville et se livrer à la dissipation. Mais c’est là une conséquence fâcheuse et nécessaire des émancipations partielles. Partout où le travail restera le cachet de la servitude, le Noir devenu libre regardera le repos comme le privilége de la liberté, et refusera de travailler pour ne point paraître esclave. Ajoutez à cela que les affranchis, comme le dit fort bien M. de Tocqueville dans son rapport (1), sont pour la plupart des esclaves âgés, sans valeur, ou bien des personnes jeunes et valides qui ne doivent leur manumission qu’à des préférences peu honorables. De sorte que c’est précisément la portion la plus laborieuse et la plus morale de la population noire qui reste dans la servitude.

(1). Page 16.

Les objections qu’on oppose à l’abolition de l’esclavage sont, comme on peut en juger, dénuées de fondement. Mais, fussent-elles fondées, elles disparaîtraient devant cette considération toute puissante que l’abolition de l’esclavage est désormais une NÉCESSITÉ.

L’abolition de l’esclavage est désormais un fait inévitable.

On a posé cette question: Faut-il abolir l’esclavage?

Or, qui oserait la résoudre d’une manière absolue par la négative? Personne, pas même les colons. II faut donc qu’elle soit résolue par l’affirmative. Car la laisser en suspens c’est prolonger un état de crise qui est évidemment la ruine des colonies, et tient le glaive suspendu sur la tête des colons.

Qu’on émancipe les nègres, il n’y aura pas une goutte de sang répandu: la grande expérience que viennent de faire les Anglais le prouve. Que les nègres s’émancipent eux-mêmes, nul ne peut dire où le soulèvement s’arrêtera. Entre l’exemple d’Antigue et celui de Saint-Domingue, il faut choisir.

L’autorité morale des Blancs est grande encore assurément, mais tout concourt aujourd’hui à l’ébranler. Que dire, que faire, quand des rapports officiels, venus des colonies, se terminent par des phrases comme celle-ci: «La terreur du poison est répandue dans le pays: par elle, l’esclave domine le maître!»

Et, à part ce que cette situation morale des colons a de douloureux, qui ne sait combien est pénible leur situation matérielle? L ‘habitation étant inexpugnable devant la justice, les colons sont absolument sans crédit. L’apparition du sucre de betterave a jeté une perturbation grave dans leurs affaires. L’incertitude où tous les esprits sont retenus par le procès pendant entre l’esclavage et la liberté, s’oppose à la vente des terres et à celle des esclaves; elle arrête des entreprises dont le but peut se perdre dans les orages d’une révolution que chacun pressent. La traite, regardée pendant si long-temps comme une condition presque nécessaire de l’exploitation servile est abolie, et, d’un autre côté, il est prouvé que le sol cultivé par des mains esclaves est dix fois moins productif que cultivé par des mains libres.

Les colons se trouvent aujourd’hui dans une situation qui a certainement quelque chose de violent, et ce qui en multiplie les dangers, c’est l’existence de cette classe intermédiaire de gens de couleur, mulâtres ou noirs émancipés, qui rend en haine aux créoles tous les mépris qu’elle en reçoit.

Voici donc le moment venu de résoudre le problème: car s’il n’est résolu par la science, il le sera par la force.

III. De quelle manière l’esclavage doit-il être aboli?

Le principe de l’abolition est incontestable, mais l’application est difficile.

Divers systèmes ont été ou peuvent être proposés. Voici celui qui a été adopté par l’Angleterre: c’est le seul qui soit sanctionné par l’expérience.

En 1822, la chambre des communes avait déclaré solennellement que, dans dix ans, l’esclavage serait aboli.

Ce fut en 1833 que parut le bill d’émancipation.

Ce bill donnait pour base à l’émancipation le prolétariat. Il établissait un système intermédiaire d’apprentissage qui devait finir au 1er août 1838 pour les esclaves attachés à la personne, et au 1er août 1840 pour ceux attachés à la culture des terres. Après ce laps de temps, les noirs devaient être déclarés entièrement libres. Il était arrêté que, pendant l’apprentissage, le nègre devrait à l’ancien maître neuf heures de travail par jour, durant toute la semaine. L’ancien maître, de son côté, était soumis à l’obligation de fournir à l’apprenti la nourriture, le vêtement et le logement.

Un pareil système aurait pu, comme on voit, être défini de la sorte: le maintien de l’esclavage pour servir de transition à l’abolition de l’esclavage.

La chose moins le mot: voilà le système anglais.

Il est vrai que dans ce régime le maître ne restait plus seul juge de la conduite de l’esclave. Le bill d’émancipation appelait, dans certains cas, entre le colon et l’apprenti, l’intervention d’un magistrat, représentant de l’autorité métropolitaine.

Le vice capital du système était de laisser face à face l’ancien maître et l’ancien esclave. Quant à l’intervention d’un magistrat, on aurait dû comprendre qu’elle ne pouvait avoir d’autre effet que d’irriter le colon contre l‘apprenti, et d’ébranler la soumission du nègre en lui laissant toute l’ardeur de ses répugnances, et toute la vivacité de ses haines.

Une circonstance particulière à certaines colonies anglaises devait rendre plus saillant encore l’inconvénient que nous signalons ici.

Plusieurs colonies anglaises, grandes ou petites, telles que la Jamaïque, la Bermude, Bahama, etc…, ont des assemblées législatives. «On est tenté de rire, dit Macaulay, lorsque, dans des portions presque imperceptibles de l’empire britannique, on voit un conseil, espèce de parodie de la chambre des pairs, une assemblée de dix à vingt députés, qui se donne les airs d’une chambre des communes avec ses orateurs, sa masse, des discours d’ouverture et de clôture de session, des messages en forme, portés par des huissiers de l’une à l’autre branche de ces parlements nains, et tout cela pour représenter deux ou trois cents propriétaires d’esclaves.»

Il va sans dire que ces assemblées laissent peu de choses à faire au pouvoir métropolitain. Aussi le bill d’émancipation avait-il dû leur abandonner le réglement des détails et des moyens d’exécution. Qu’est-il résulté de là? que les législatures locales, composées de colons, ont mis à l’apprentissage toutes sortes d’entraves, et rendu aussi laborieux qu’il leur a été possible l’avénement des nègres à la liberté (1).

(1). Voir les détails sur l’Émancipation des Esclaves dans les colonies anglaises par Z. Macaulay.

Et cependant, en dépit de toutes ces causes d’irritation, de défiance, de discorde, de ruine, l’acte d’abolition, je le répète, a produit les effets les plus heureux et les plus inattendus à Antigue, à la Barbade, à Sainte-Lucie, à Saint-Christophe. Il y a donc une exagération manifeste dans tout ce qui a été dit de l’inaptitude des nègres au travail. Et si un système aussi vicieux que celui qui a été adopté par les Anglais a produit des résultats dont il faut se féliciter, que ne pourrait-on pas attendre d’un système meilleur?

Pour trouver la solution d’un aussi difficile problème, une commission a été nommée en France, et M. de Tocqueville vient de publier, sur les travaux de cette commission, un rapport où nous trouvons les conclusions suivantes: «L’État deviendrait le tuteur de la population affranchie: il concéderait, à des conditions qu’il fixerait lui-même, les services des noirs aux colons. Le travail ne serait plus gratuit Le salaire, que l’État exigerait pour le travail des 166 000 nègres productifs que renferment nos colonies, servirait à couvrir l’intérêt d’une indemnité à donner aux colons et à rétribuer le travailleur qui aurait, en outre, l’usage du samedi et la possession d’une quantité de terre suffisante pour le nourrir.»

Ce plan a pour base le salaire: il substitue le prolétariat à l’esclavage; il nous paraît conçu dans un esprit étroit, et il suffit pour le juger de faire remarquer qu’il établit des rapports d’antagonisme entre l’ancien maître et l’ancien esclave, entre le colon, accoutumé à mépriser le nègre, et le nègre, accoutumé à mépriser le colon. Si, en France, où fabricants et ouvriers appartiennent à la même race, ont la même origine, sont soumis aux mêmes lois et se jugent égaux, le salaire est le terrain où se livrent tant de luttes impies, d’où sort pour les uns la misère avec toutes ses angoisses, et pour les autres la tyrannie avec toute son insolence, que serait-ce donc, grand Dieu! aux colonies où règne entre deux races, depuis si long-temps ennemies, la plus infranchissable de toutes les barrières? Quel phénomène s’est produit dans les colonies anglaises, quand le moment de l’émancipation complète est arrivé? le même phénomène qui se produit dans nos sociétés européennes. Là où le nègre, pressé par le flot d’une population nombreuse, s’est vu, comme à Saint-Christophe et aux Barbades, dénué de ressources, il a travaillé pour un salaire à peine suffisant. Là, au contraire, où il a senti peser moins lourdement sur lui la nécessité du travail, comme à la Trinité et à la Guyane, il a exigé pour son travail un salaire exagéré. Triste mais inévitable effet de tout système fondé sur ces idées d’antagonisme que résume le mot SALAIRE!

Vainement dira-t-on que le pouvoir sera là pour empêcher l’oppression, de quelque part qu’elle vienne. La force du pouvoir ne saurait primer la force des choses. Une autorité qui se place dans des conditions aussi violentes sera bientôt une autorité tyrannique ou une autorité avilie.

IV. Conclusion

Nos conclusions seraient donc plus larges et plus radicales.

Entre ceux qui ont été les maîtres et ceux qui ont été les esclaves, nous ne croyons pas qu’il y ait de fusion possible.

D’un autre côté, nous ne croyons pas qu’on puisse amener les nègres au travail si on ne les intéresse fortement par le double attrait des bénéfices et de l’association.

Le plan le plus rationnel, le plus humain, je dis mieux, le plus facilement réalisable, serait donc celui qui partirait de ces deux données: substitution d’une autre portion de la race blanche à celle qui est aujourd’hui en possession des colonies; introduction dans les colonies d’un ordre social fondé sur le principe de l’association et la répartition proportionnelle des bénéfices du travail entre les travailleurs.

Ils’agirait pour cela d’acheter les colonies aux colons.

Ce système pourra paraître hardi, mais il est certainement beaucoup moins aventureux qu’on ne serait tenté de le croire. La France possède quatre colonies à esclaves (1), la Guadeloupe, la Martinique, Bourbon et la Guyane française. De ces quatre colonies, les plus importantes sont les deux premières, dont la valeur territoriale est à peu près d’un demi-milliard, savoir: 330,385,450 fr. pour la Martinique, et 268,371,925 fr. pour la Guadeloupe. Ceci peut donner une idée approximative de la dépense à faire. Je ne rappellerai pas que, lorsqu’il a été question d’indemniser les émigrés, la France a bien su tirer un milliard de sa bourse. La situation financière du pays ne permettrait pas aujourd’hui un aussi grand sacrifice: ceci est hors de doute. Mais ce qui serait possible, le voici:

(1). Non compris le Sénégal, qui est un comptoir.

On paierait aux colon l’intérêt du capital d’achat, avec création d’un fonds pour l’amortissement de ce capital. L’État, devenu propriétaire, organiserait, aux colonies, des associations auxquelles serait livrée l’exploitation du sol, moyennant une redevance annuelle calculée de manière à faire face au paiement de l’intérêt et à l’amortissement du capital d’achat, somme à laquelle viendrait s’ajouter l’intérêt d’une indemnité pour le rachat des nègres; car cette indemnité nous paraît due; non que nous reconnaissions à l’homme un droit de propriété sur l’homme: ce prétendu droit n’est qu’un insolent brigandage. Mais ce brigandage n’est pas le crime des colons seulement; c’est le crime de toute cette société dont les colons font partie, de cette société qui a fait des lois infâmes pour protéger la traite, que dis-je? pour l’encourager et la rendre plus odieusement féconde (1).

(1). Pour parler exactement, ce n’est pas société qu’il faudrait dire, mais gouvernement. Preuve nouvelle et bien douloureusement concluante que là où les gouvernements ne sont pas le produit de la société et sa représentation véritable, aucune question n’est logiquement soluble.

Il est généralement reconnu que les Européens sont incapables de se livrer, sous le soleil brûlant des colonies, à la culture de la terre. Mais il est des occupations fort utiles, nécessaires même, que ne leur interdirait point la sévérité du climat. La rigueur des fièvres pourrait céder à des travaux d’assainissement conduits avec intelligence, et dont les exemples ne manquent point. Le dessèchement des marais, à la Nouvelle-Orléans, a fait perdre à la fièvre jaune beaucoup de son intensité. D’ailleurs, il n’y a pas de raison pour que des Européens ne s’acclimatent pas dans ces colonies comme s’y sont acclimatés les créoles.

La difficulté, au surplus, se réduirait à créer des cadres qui pussent être remplis par les nègres, et ces cadres, pourquoi refuseraient-ils de les remplir, lorsqu’on leur aurait créé au travail, un intérêt puissant, lorsque, par une organisation toute nouvelle, dont l’État aurait rédigé les clauses et surveillerait l’application rigoureuse, on aurait ménagé plus de repos à leurs forces, et qu’on aurait élevé leur moralité par la perspective des jouissances qui doivent être la récompense de tout labeur?

Combiner avec l’abolition de l’esclavage une intrépide expérience tentée en vue de l’abolition du prolétariat, voilà qui serait digne au moins de la majesté d’un grand peuple. Puisque la nécessité veut que vous construisiez par delà les mers un ordre social nouveau, ne prenez pas, pour cette construction, de hideuses ruines. N’introduisez pas, dans des contrées où la voix de l’humanité vous appelle si impérieusement, ces institutions sociales qui font de notre vieille Europe un horrible champ de bataille. Vous voulez innover? Que l’innovation soit courageuse, qu’elle soit féconde pour le bonheur présent de cette race infortunée qu’on nomme, là-bas, les nègres, et pour le bonheur à venir de cette autre race, non moins infortunée, qu’on nomme ici le peuple.

L’émancipation des esclaves fait des colonies un terrain vierge, où peuvent être jetées les bases d’une civilisation toute neuve, où peut être tenté le glorieux essai de ces doctrines d’association et de véritable égalité qui germent aujourd’hui dans toutes les hautes intelligences et tous les nobles coeurs.

Mais le gouvernement actuel est-il capable de concevoir de telles pensées? Question éternelle et désolante! Qu’importe! Il est bon que la discussion ose tout, et que rien ne soit passé sous silence de tout ce qui répond à ce grand travail intellectuel qui s’accomplit au sein des sociétés modernes. Car au-dessous de ces pouvoirs qui s’amoindrissent de jour en jour, il y a, en France, le peuple, qui grandit silencieusement en courage, en vertus, en intelligence.

Et ce n’est ni dans les journaux, ni dans les livres, qu’il faut chercher les traces de cette singulière élaboration d’idées qui sera la gloire du XIXe siècle. Les journaux et la plupart des livres ne vivent depuis vingt ans que sur de vieilles idées, comme les pouvoirs ne vivent que sur des traditions caduques. Mais dans les ateliers de nos grandes villes, dans les réduits les plus obscurs de nos faubourgs, il s’opère un échange de sentiments profonds et de pensées hardies. C’est là, oui, là, que s’accomplit le véritable mouvement intellectuel de ce siècle, où les esprits peu attentifs n’aperçoivent que petits hommes et petites choses, parce qu’ils contemplent ce qui s’agite misérablement à la surface, et ne savent point voir ce qui vit au fond. Oui, ce qui caractérise l’époque où nous sommes, ce qui la rendra, dans l’histoire, glorieuse et originale entre toutes celles qui l’on précédée, c’est que le peuple s’y sera nourri d’idées tirées de lui-même, élaborées par lui; c’est que beaucoup d’hommes dont on avait cru toute l’existence absorbée par le travail du corps, auront vu plus clair dans les affaires de l’humanité que beaucoup d’hommes consacrés au travail de la tête; c’est enfin que le peuple aura fait lui-même son éducation le jour où il se présentera pour réclamer son droit et faire saluer sa royauté.

LOUIS BLANC.

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