Institutiones theologicae ad usum seminariorum…

«Un homme peut avoir un droit de propriété parfait sur un autre homme, jusqu’au point qu’il peut, d’une manière licite, l’acheter, le vendre ou s’en servir pour le faire travailler.

   Preuve.- Si un homme ne pouvait avoir un droit parfait de propriété sur un autre homme, ce serait certainement parce que cela serait défendu par le droit naturel, ou le droit divin, ou le droit civil, ou le droit ecclésiastique: or, on ne peut rien dire de semblable.

   1º.- Le droit naturel ne le défend pas. Si en effet l’état de servitude était défendu par le droit naturel, c’est surtout parce que tous les hommes, d’après le droit naturel sont égaux et libres: mais cette raison n’empêche pas qu’ils ne puissent devenir esclaves; car tous les biens étaient communs, et cependant légitimement ils ont été divisés et sont devenus la propriété d’un chacun: donc a priori, etc.. En outre, il peut se faire que quelqu’un se réduise lui-même en servitude, ou qu’il y ait une raison suffisante de le priver de sa liberté: Premièrement, le droit de la guerre; en effet, les ennemis qui sont pris peuvent être retenus comme vaincus; donc aussi ils peuvent être retenus comme esclaves; Secondement, un délit. car en punition d’un crime on peut condamner quelqu’un à mort, à fortiori, à la servitude. Donc le droit naturel ne le défend pas.

   2º.- Le droit divin ne le défend pas, car si le droit divin importait la servitude, cette loi se trouverait dans l’ancien ou le nouveau Testament: mais elle ne se trouve ni dans l’un ni dans l’autre; bien plus, dans tous les deux on suppose que la servitude est permise; dans l’ancien, Exode 21 et Levait 25, dans le nouveau même, Tim 6,1.- Donc, etc.

   3º.- Le droit civil ne le défend pas, car dans beaucoup de circonstances le droit civil a permis la servitude dans nos régions, même maintenant, il le permet dans d’autres régions encore; il est donc au moins possible qu’il ne le défende pas. Donc etc.

   4º.- Enfin le droit ecclésiastique ne le défend pas, car dans beaucoup de passages du droit canon, on parle de la servitude, et au contraire on suppose toujours qu’elle est permise. Donc etc.

   D’autre part la religion chrétienne a trouvé la servitude existant partout; elle ne l’a pas prohibée, elle exhortait les esclaves à la fidélité, à l’obéissance, à la patience, et les maîtres à la miséricorde et à la douceur; ainsi elle a beaucoup adouci la condition d’esclaves, et n’a pas contribué à leur parfaite émancipation

   On demande 1º si les esclaves ont le droit de s’enfuir?

   R.- Les esclaves qui se sont vendus eux-mêmes, ou ont été justement vendus par autrui, ou qui ont promis qu’ils ne se sauveraient jamais, n’en peuvent fuir sans injustice; en effet alors il existe un légitime contrat de cette nature qui ne peut sans injustice être violé. Donc, etc.

   «Toutefois, les esclaves qui seraient excités au péché par leur maître et qui courraient un grand danger d’y succomber, ou qui seraient inhumainement traités, pourraient fuir licitement; car, dans ces cas, les maîtres abuseraient manifestement de leur pouvoir, et n’auraient pas le droit d’exiger obéissance; si cependant les maîtres changeaient de manière d’agir, alors les esclaves devraient retourner vers eux.

   «Les esclaves qui à la guerre ou en condamnation de quelque délit, ont été réduits en servitude, dans le fort de la conscience, ne seraient pas à blâmer s’ils fuyaient sans dommage pour autrui, c’est ce que nous enseignons au traité des lois avec S.Th., et en général tous les théologiens au sujet des peines.

   On demande 2º si le commerce des noirs est licite?

   R.- Le commerce des noirs, quoiqu’à déplorer, est néanmoins licite, à la rigueur, si trois conditions existent, qui sont entièrement nécessaires, à savoir: 1º: qu’ils soient justement privés de leur liberté; 2º qu’il n’y ait aucune fraude ni aucun dol de la part des marchands; 3º qu’ils soient humainement traités.

   Preuves.- Ces trois conditions posées, le commerce des noirs est licite; il ne répugne ni à l’humanité, ni à la religion, ni à l’équité naturelle.

   Il ne répugne pas à l’humanité. En effet, on ne vend que l’usage de la vie et des membres; or l’usage de la vie et des membres peut tomber dans la propriété de l’homme.

Donc etc.

   2º Il ne répugne pas à la religion, puisque les noirs réduits en la propriété des chrétiens apprennent plus facilement la vraie religion que s’ils étaient demeurés libres dans leur religion. Donc etc.

   3º Il ne répugne pas à l’équité naturelle; car, dans notre hypothèse, ils sont vendus par ceux qui ont le pouvoir de les vendre, et il ne répugne point du tout que les uns soient maîtres et les autres esclaves. En effet, comme dit Grotius si personne, d’après la nature, n’est esclave; personne d’après la nature, n’est garanti de la servitude» Donc, etc. Ainsi d’après le recueil Andes. t-2 des Etats, et Théol. du Mans, etc.

   «Mais comme presque jamais les trois conditions relatées ne se trouvent, c’est à peine s’il peut arriver que ceux qui exercent un tel commerce ne pèchent pas d’une manière damnable.

   «Nos faux sages modernes ont calomnié l’église romaine en disant faussement qu’elle favorisait trop le triste et déplorable commerce des noirs. En effet, elle ne l’a jamais positivement approuvé; jamais ni directement ni indirectement, elle n’a poussé les hommes vers ce commerce; mais à la vérité, elle n’a pas excité les noirs, déjà en servitude, à la rébellion contre les colons, comme plusieurs apôtres furibonds de la philosophie et de l’humanité; mais toujours et partout elle a tout fait pour rendre le malheur des esclaves plus doux et plus tolérable, pour leur faire connaître les principes de la vraie religion et les conduire heureusement à une vie meilleure.»

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