Mémoire sur les sept Espèces d’Hommes…

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Sur les trois espèces de Nègres à cheveux crépus.

   Dans les trois espèces de Nègres, celle qui approche le plus de l’homme des bois, est celle qu’on a nommée Bochis ou Bochismans; ce sont les mêmes hommes que ceux que le voyageur Vaillant nommé Bouzevwanas. Quoique ces hommes aient été quelquefois confondus avec les Hottentots et Namaquois, ils en différent néanmoins assez pour les distinguer. Les Bochismans sont plus petits, plus laids et moins noirs que les Hottentots. Les hommes de cette race n’ont pas plus de quatre pieds et demi de hauteur, et les femmes quatre pieds. Dans leur petite taille ramassée, ils sont forts et agiles; leur maintien est fier et audacieux. Leur teint est gris et plombé comme celui des Malais, mais ils tiennent fortement aux espèces Nègres, par leurs cheveux courts et très-laineux: ils ont les os des joues très-saillans, ainsi que le menton. Leur nez est si écrasé, qu’on ne leur voit que deux narines épatées, qui n’ont que cinq à six lignes de saillie. Le bas de leur visage est plus arrondi que celui des Hottentots. Leur front occupe plus de la moitié de leur visage; leur yeux sont perçans et toujours en mouvement, comme ceux des singes. Leurs paupières ont l’ouverture arrondie comme celle des Chinois: c’est ce qui leur a fait donner le nom de Hottentots chinois. Leur physionomie, vue de profil, est parfaitement semblable à celle du singe par la concavité de la face. De quelque manière qu’on les regarde, ils paraissent, dit-on, les plus laids de tous les hommes; leur dos est arqué ou concave, et ils ont le ventre très-gros. Quant à leurs bras, jambes et cuisses, ces membres sont assez bien proportionnés pour la petite taille de l’individu. Cette race d’hommes a beaucoup de rapport avec l’espèce Indienne des Samoyèdes. Les grands Orang-Outangs sont moins laids, et l’on pourrait les marier ensemble, pour obtenir une race intermédiaire qui leur serait peut-être préférable sous plusieurs rapports. Les Hottentots paraissent être provenus du mélange de ces Bochismans avec une autre espèce de Nègres, plus grands et plus noirs.

   La seconde espèce de Nègres tient le milieu des trois pour la stature, qui est communément de quatre pieds et demi à cinq de hauteur; ils sont aussi noirs que le charbon, et leurs cheveux sont très-frisés. Leur face tire sur celle du dogue, et il paraît que ce sont les Cynocéphales des anciens historiens. Le pays de Zanfara est encore peuplé de cette hideuse race, qui s’est mêlée avec les Congos, les Giagues et autres nations nègres: ils ont le nez écrasé et la bouche horriblement fendue. Leurs mâchoires sont très-saillantes ou avancées; leur lèvres sont très-grosses et relevées; ils ont les yeux un peu relevés vers les tempes: aussi voient-ils facilement de droite et de gauche. Ils ont les genoux cagneux et peu de molets; leur odeur est des plus fortes et des plus mal saines pour les étrangers, sur-tout pour les Européens. Presque tous les individus de cette race sont féroces et anthropophages, et ils n’ont pas manqué de communiquer leur férocité à leurs voisins. Enfin, cette race cynocéphale s’étant mêlée, en Afrique, aux deux autres espèces de Nègres, il en est résulté des variétés intermédiaires, dont quelques-unes sont très-hideuses.

   La principale des trois espèces nègres est la plus grande, la mieux proportionnée, et celle dont les traits approchent le plus de ceux de l’espèce blanche. La taille commune de ces Nègres est de cinq à cinq pieds et demi de hauteur. Ils sont plus spirituels que ceux des deux autres races; ils sont aussi beaucoup moins barbares, et ont l’odeur moins forte. La couleur de leur peau est du noir le plus foncé; leurs cheveux et les poils de leur barbe sont noirs et très-frisés. Leur taille est déliée, et leurs membres sont assez bien proportionnés. Leur cou est plus allongé que dans les deux autres espèces; ils ont aussi plus d’adresse et plus de finesse dans l’imagination; leur voix est belle et harmonieuse, et, en général, ils ont beaucoup de disposition pour la musique et la danse. Ils apprennent avec facilité les arts et métiers, la lecture, l’écriture, l’arithmétique, etc. Vifs et laborieux quand ils le veulent; leur tempérament est robuste, et ils résistent beaucoup à la fatigue. Il n’est pas rare de voir parmi eux des centénaires, et des femmes fécondes à cinquante ans. Comme les deux autres espèces de Nègres, ils sont indigènes de l’Afrique, et c’est dans cette partie du monde que les premières souches ont été déposées. Mais présentement le commerce d’esclaves les a répandus en Amérique et dans les Indes orientales.

   Autrefois l’Afrique n’était pas aussi peuplée de races mêlées qu’à présent, et chacune de ces races habitait des contrées particulières; mais aujourd’hui elles sont tellement mêlangées, que l’on a de la peine à distinguer chacune de ces trois races dans son état primitif. Aux îles de la Sonde, à la Nouvelle-Guinée et à la Nouvelle-Hollande, on ne voit qu’une seule espèce de Nègres. La raison de ce fait est que ces Nègres ne sont point indigènes de ces contrées, et qu’ils y ont été importés des côtes de Mélinde et de Mozambique, dans les temps primitifs, et vendus comme esclaves à des peuples blancs qui avaient fondé ces colonies. Dans la suite, les esclaves Nègres ont assassiné la plus grande partie de leurs maîtres, et ce sont emparé de ces îles. Voilà pourquoi on n’y voit qu’une espèce de Nègres; tandis qu’en Afrique il y en a trois bien caractérisées, sur lesquelles le climat, la nourriture et les moeurs ne peuvent causer d’altération; il n’y a que le croisement des races qui, par la génération, puisse les altérer. Si le commerce d’esclaves continue encore quelques siècles, l’espèce blanche continuera de se mêler avec les races Nègres et Indiennes, comme elle le fait généralement par-tout. Il en résultera que la terre entière sera peuplée d’hommes de couleur, et que toutes les races primitives seront anéanties. Alors le genre humain rentrera peu-à-peu dans l’ignorance, les préjugés et toutes sortes de superstitions. Les pertes que les nations feront dans les arts et les sciences, seront irréparables, n’y ayant plus d’hommes de génie pour les inventer de nouveau. Toutes sortes de tyrannies s’introduiront, et la barbarie deviendra générale.

   Je vais finir cette section sur les espèces Nègres, en ajoutant quelques observations sur les Albinos ou Nègres-blancs. Comme ces hommes ne paraissent naître qu’accidentellement, et qu’ils n’engendrent pas des individus qui leur ressemblent, je crois qu’on ne doit pas en faire une espèce particulière de Nègres. On prétend qu’un Nègre-blanc, marié avec une Négresse ordinaire, fait des enfans aussi noirs que la mère. Il est vrai qu’on n’a point encore fait l’expérience de marier un Nègre-blanc avec une Négresse-blanche. Peut-être que le père et la mère étant de la même couleur, ils pourroient engendrer des enfans qui leur seraient parfaitement semblables. Mais jusqu’à ce que l’expérience en ait été faite, on doit suspendre son jugement sur ce sujet. Quoiqu’il en soit, il parait que la nature, par des fréquens écarts, tend à produire cette nouvelle espèce d’hommes; car il naît parmi les Nègres, en divers pays, et accidentellement, des Albinos qui se ressemblent tous par leur conformation. Si cette nouvelle espèce venait à se perpétuer par des mariages entre ces individus, on pourrait alors admettre une quatrième espèce de Nègres.

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Sur les causes qui ont fait dégénérer l’espèce blanche,

 et sur les moyens de lui faire recouvrer son ancienne perfection.

   Nous avons vu que les races Indiennes ne produisent que des hommes d’un esprit borné, lent, insouciant, incapable d’inventer et de perfectionner. Les races très-mêlées d’hommes blancs perdent même cet esprit d’inventions qui est naturel à l’espèce blanche pure. Les Indiens orientaux, les Chinois, les Japonais et autres races croisées, sont restées telles que les blancs instituteurs les ont laissées. Platon nous dit que les Egyptiens de son temps étaient tels qu’ils étaient dix mille ans avant lui. Ils n’avaient changé d’aucune manière. Malheur à ces nations de couleur, si elles viennent à perdre quelques sciences ou arts, parce qu’elles sont incapables de les inventer de nouveau. Non-seulement les femmes de couleur détruisent peu-à-peu le génie des nations blanches qui les reçoivent; mais elles altèrent considérablement le physique de ces nations. C’est par l’introduction des esclaves Asiatiques et Africains dans la Grèce, que les descendans des Pelages et des Hennètes, devinrent de petits hommes basanés, surtout parmi le petit peuple. Il n’y avait que quelques familles illustres qui, en évitant ces sortes de concubinages, avaient conservé leur ancienne blancheur. Il en a été de même de tous les peuples orientaux, et l’expérience a toujours prouvé que les peuples basanés n’ont reçu aucune perfection depuis que leurs instituteurs les ont laissés, et que même ils ont dégénéré de leur premier état, en s’unissant de nouveau avec des esclaves de couleur.

   Dans le temps que l’Abyssine était peuplée de beaux hommes, ce pays fut très-célèbre par sa population, sa sagesse et son industrie; mais ayant adopté l’usage d’avoir des esclaves Nègres, les Abyssiniens devinrent paresseux, insoucians et efféminés. Leurs esclaves se révoltèrent et s’emparèrent des provinces du sud, où ils s’établirent indépendans. Ce sont les descendans de ces mêmes esclaves révoltés, que l’on connaît sous le nom de Galles, et qui ne cessent de détruire les plus belles provinces de cet empire, jadis si florissant. Dans un temps plus reculé, les îles de la Sonde, la Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Hollande et autres grandes îles de la mer du sud, ont éprouvé le même sort de la part de leurs esclaves Nègres. Enfin, dans un temps également reculé, les esclaves Nègres de Chypre assassinèrent leurs maîtres et s’emparèrent de l’île. Mais ensuite ils furent détruits par les Sidoniens. Les Carthaginois, les Romains, les Huns et les Arabes ont introduit en Europe des esclaves de toutes couleurs: ce qui a fait un tort considérable aux parties méridionales qui, dans la haute antiquité, étaient industrieuses et peuplées d’hommes aussi blancs, aussi forts et aussi actifs que ceux du nord. Les Souverains qui sont parvenus à faire abolir l’esclavage dans une partie de l’Europe, ont rendu un grand service à l’espèce blanche qui s’altérait toujours par ces esclaves de couleur que l’on introduisait dans les plus belles contrées. Malheureusement l’Amérique ne jouit pas du même avantage: l’espèce blanche s’y altère continuellement, et les hommes de couleur, multipliés dans ce continent, refluent sans cesse en Europe. Tous les pays Mahométans reçoivent aussi des hommes de toutes couleurs, soit comme libres, soit comme esclaves: ce qui tend à la destruction totale de l’espèce blanche. La grande quantité d’Éthiopiens, cette foule de Nègres que l’on porte en Perse et dans les Etats du Grand-Seigneur, auraient encore plus changé la couleur de ces peuples, si l’on avait cessé d’y transporter de jolies Géorgiennes et Circassiennes qui sont très-blanches.

   Il est donc bien temps d’abolir l’esclavage en Europe, en Asie et en Amérique, si l’on veut conserver l’espèce blanche. Les législateurs doivent aisément prévoir ce que les institutions abusives peuvent produire dans les races futures. Il semble que la nature a en horreur ces mêlanges d’espèces; car ce n’est que depuis qu’ils ont commencé en Europe, que cette contrée a aussi commencé à perdre son ancien génie, et à recevoir pour vraies les fables absurdes qui lui sont venues de l’orient. C’est encore depuis cette époque fatale, que plusieurs maladies s’y sont montrées, telles que la lèpre, la peste, la fièvre jaune, le mal vénérien, la petite vérole, etc. Si l’esclavage n’est pas généralement aboli par-tout, non-seulement l’Amérique, mais encore l’Europe se peuplera d’hommes de couleur. Alors, ce ne seront plus ces Européens si célèbres par leur activité, leurs lumières et leur génie inventif; tout sera dégénéré: peu-à-peu les arts deviendront grossiers et peu multipliés, les sciences disparaîtront pour faire place à l’ignorance, à la barbarie, au fanatisme et à toute espèce de superstitions. Laissons donc les hommes de couleur libres; mais qu’ils ne se multiplient pas davantage parmi les blancs. Assignons-leur les contrées qu’ils peuvent habiter, et il en résultera divers avantages pour eux-mêmes.

   Les Celtes et les Germains de la haute antiquité étaient de grands hommes, fort et robustes; mais plusieurs causes les ont affaiblis, et ont rapetissé leur taille. Cependant on trouve encore en Saxe, dans les montagnes d’Ecosse, dans les Hébrides, dans la Norwège et dans quelques lieux de la France, des hommes grands, forts, et qui ressemblent beaucoup aux anciens Celtes et Germains. Ces causes de dégénération sont, outre l’introduction des esclaves de couleur, une vie trop pénible, trop sédentaire et trop peu substanciée par de bons alimens; des métiers qui tiennent le corps dans une attitude gênée, ou qui font respirer des vapeurs nuisibles; des villes malpropres et infectées, des rues étroites où l’air ne circule pas; des appartemens trop petits, une manière vicieuse d’élever les enfans, un excès de modestie qui fait couvrir tout le corps et le tient à la gêne par des vêtements étouffans, et qui ne laissent quelquefois pas les mains libres; une vie molle et efféminée; un domicile dans un lieu bas chargé de miasmes, la contrainte, la servitude, la tyrannie civile et religieuse, les superstitions, les sots préjugés, les jeûnes, les mortifications, les longues prières à genoux, le long séjour dans les temples, où l’on étouffe en été, et où l’on gèle en hiver: quelquefois on y arrive avec des habits mouillés par la pluie, et on les sèche sur soi pendant de longs sermons et des chants d’église. L’usage du vin et des liqueurs fortes donnés aux enfans avec excès, arrête le développement de leur constitution. Ce rapetissement des races est encore occasionné par l’abus et la vanité des grands et des riches, qui choisissent les plus beaux et les plus grands hommes pour en faire des domestiques, des pages et des soldats. La défense de divorcer engageait aussi les hommes les plus beaux et les plus spirituels à rester célibataires, dans la crainte d’être trompés, et de se donner des chaînes insupportables pour la reste de la vie. Le célibat des prêtres romains, et les excès du libertinage dans toutes les classes, ont contribué à la dégénération de l’espèce blanche. Le plus grand nombre des hommes qui se mariaient, était composée de ceux qui étaient les moins forts, les moins beaux et les moins spirituels. D’où il s’ensuivait que le plus grand nombre d’enfans illégitimes n’était formé que d’avortons, de noués, de bossus, de tortus et de demi-imbécilles. Il faut pourtant avouer que les célibataires travaillaient, le plus qu’ils pouvaient, à réparer le tort que des mariages disproportionnés et tyranniques faisaient aux races futures; mais un pareil moyen est préjudiciable aux bonnes moeurs.

   Quand on voudra régénérer l’espèce blanche, on pourra y réussir en détruisant, le plus qu’il sera possible, les abus mentionnés ci-dessus; en rendant le mariage moins tyrannique, et permettant le divorce aux époux mal assortis; en établissant des fêtes civiques en faveur des mariages de jeunes hommes bien conformés et vigoureux avec de belles femmes, grandes, et propres à soigner leur ménage: cela vaudrait mieux que le mariage des Rosières de Salency, qui doit toujours humilier celles qui ne sont pas choisies. Il conviendrait aussi d’empêcher les petits ragotins, les tortus, les bossus, de se marier en France. On pourrait seulement leur permettre le mariage dans les colonies établies pour ce sujet. L’espèce humaine n’est pas dans un état désespéré: elle peut se régénérer et se perfectionner après quelques générations, en prenant des mesures convenables. Il en est, à cet égard, comme des chevaux, des boeufs et des moutons, que l’on peut améliorer, et dont on a perfectionnée les races en plusieurs contrées, au grand avantage de ceux qui se sont livrés à ces soins. C’est à quoi le grand Frédéric avait bien pensé: «S’il voyait, parmi les gens du commun, de belles filles, grandes et fortes, il les faisait épouser par ses plus beaux soldats. Il serait à souhaiter que tous les souverains voulussent l’imiter.

   D’après le contenu de ce Mémoire, je crois qu’il est superflu d’ajouter de nouvelles preuves contre le système du pouvoir des climats, de la nourriture et des moeurs, pour changer la couleur des hommes du blanc au noir le plus foncé; pour changer la nature de ses cheveux, la forme de ses yeux, de son nez, de sa bouche, de ses dents, de toute sa face, de ses membres et de tout son corps, ainsi que ses facultés intellectuelles, la durée de son existence commune, etc., etc. Pourquoi existerait-il trois ou quatre espèces d’hommes indigènes en Afrique, tandis que dans tout le continent de l’Amérique il n’y avait qu’une seule espèce indigène, avant qu’on y eût transporté des colonies d’hommes blancs et de Nègres? Pourquoi reconnaît-on l’ancienne espèce Asiatique sous les zones torrides, tempérées et glaciales? Car des peuples de la presqu’île orientale de l’Inde, ceux des montagnes de la Chine, de quelques provinces de la Tartarie, ceux de Laponie et du Groenland, ont des traits frappans de ressemblance, qui indiquent évidemment qu’ils descendent tous de divers mêlanges d’hommes blancs avec les femmes indigènes, dont nous voyons encore la souche primitive dans la nation Samoyède décrite ci-dessus.- Pourquoi enfin voyons-nous des hommes blancs, semblables aux Européens, en quelques lieux de l’Asie, de l’Afrique et jusque dans les îles de la mer du Sud? cependant les hommes blancs de ces diverses contrées n’ont ni le même climat ni la même nourriture, ni les mêmes moeurs.

   Il est surprenant que des écrivains célèbres aient adopté des erreurs aussi capitales sur notre espèce et sur celles qui en approchent le plus. Il ne leur fallait, pour se dégager de ces erreurs, que des observations, du raisonnement, et point de préventions systématiques. Quand on s’écarte de la vérité sur un point, et que l’on peut appuyer ces écarts sur d’autres faits, on passe de chimères en chimères, comme on le voit dans l’histoire des quadrupèdes de Buffon, sur les effets de la domesticité, sur les variétés d’espèces, etc. Pour prouver ses opinions sur les espèces qu’il nomme primitives, et sur les variétés qui en sont sorties par des causes physiques et morales, il cite les accouplemens de l’espèce du cheval avec celle de l’ane, qui ne produisent que des mulets stériles, incapables d’engendrer; tandis que les accouplemens entre des variétés plus rapprochées, produisent une race intermédiaire qui se perpétue par la génération. Cette prétendue preuve est illusoire; car il n’est pas surprenant que deux espèces aussi différentes l’une de l’autre, ne puissent produire que des mulets inféconds. Mais faites ces expériences sur les variétés les plus rapprochées, entre l’ane et le cheval, et vous obtiendriez des mulets féconds, c’est-à-dire, une variété intermédiaire qui pourra se perpétuer par la génération. Malgré les calculs et les probabilités, il est facile de s’abuser sur l’expérience.

   On a été jusqu’à dire que l’Amérique est récemment sortie des eaux; que les espèces d’hommes et d’animaux y sont dégénérées, et autres erreurs qui seraient trop longues à discuter dans ce Mémoire. Mais ce qu’il importe plus de remarquer, c’est que plusieurs de ceux qui ont écrit sur ce sujet, tombent dans les plus grossières contradictions; comme quand il disent que c’est la grande jeunesse de l’Amérique qui ne lui permet pas d’avoir des quadrupèdes aussi gros que l’urus, l’éléphant et l’hippopotame. Ensuite, voulant expliquer pourquoi les hommes et les animaux de l’ancien temps étaient plus grands et plus forts qu’à présent, ils disent que la terre, en vieillissant, a perdu son énergie primitive, et que, par cette raison, toutes les espèces ont dégénéré. Dans ce dernier cas, si l’Amérique est plus jeune que les autres parties du monde, la nature devrait donc y déployer plus d’énergie, et produire des individus plus grands et plus forts.

   Les Colonies d’hommes blancs que l’on a transportées en Amérique, n’y sont point dégénérées; à l’exception des Créoles, sortis d’un mélange de blancs avec les femmes de couleur. Ces colonies sont, au contraire, devenues composées d’hommes très-vigoureux, surtout celles qui se sont établies dans les campagnes et en bon air. On voit dans les contrées montagneuses de l’Allégany, du Kintucki et du Canada qu’il se forme une race de grands hommes blancs, qui sera comparable aux anciens Celtes et Germains pour la taille, la force et la vigueur. Nous pouvons en dire autant de la colonie Hollandaise du Cap de Bonne-Espérance: les Créoles de ce pays qui ne se sont pas mêlés avec des femmes de couleur, ont produit des hommes très-grands et très-forts; ce qui prouve bien qu’on pourrait facilement régénérer notre espèce. Mais il ne faudrait pas imiter les usages anglo-américains des villes des États-Unis, où les femmes et les enfans ne prennent qu’une demi-nourriture en grand lavage de thé, sans lait et sans sucre; en harengs corrompus et en viandes peu cuites. Après avoir bu du thé bouillant, il est du bel usage d’avaler une verrée d’eau à la glace. Or, ce passage du grand chaud au grand froid, leur fait perdre leurs dents dès l’âge de vingt ans, ou tout au plus tard à trente ans, en outre, ce passage dispose les chairs et les muscles à la gangrène, à la putridité et aux fièvres pourpreuses. Aussi les enfans des deux sexes meurent et deviennent faibles et maladifs. Leur constitution n’est pas encore achevée, qu’on les voit attaqués de pulmonie. Il n’en est pas de même dans les fermes des contrées éloignées de la mer, où les habitants observent un autre régime. On y voit, dans chaque maison, une nombreuse famille, composée d’enfans de toute grandeur, qui ont un teint de lys et de roses, qui ne sont jamais malades, et qui jouissent d’une forte constitution. Aussi les médecins y sont peu nombreux, et ils n’y font pas de grosses fortunes.

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CONCLUSION

   Malgré les raisons convaincantes données dans ce Mémoire, sur les maux qui résultent de l’usage des esclaves de couleur parmi les blancs, je sens qu’il est des gens si prévenus en faveur des erreurs qu’ils ont adoptées, que rien ne peut les détromper. C’est sut-tout ceux qui ont vieilli dans ces préventions qui ne peuvent se dégager des préjugés de leur jeunesse; il semble même qu’ils croient qu’il est humiliant pour eux d’avouer qu’ils se sont trompés. Il y a pourtant plus de gloire à faire cet aveu, qu’à montrer de l’opiniâtreté à soutenir des erreurs préjudiciables.

   Il est heureux pour les nations policées que la partie la plus éclairée de la Grande-Bretagne s’intéresse vivement pour faire cesser en Europe et en Amérique ce vil et méprisable commerce d’esclaves, qui déshonore les commerçans qui le sollicitent. Si le congrès qui doit traiter de la paix générale, peut déterminer les puissances commerçantes à défendre cette traite d’esclaves, il aura la gloire d’avoir agi en faveur de la plus brillante époque des annales du genre humain.

   La sûreté individuelle, la liberté de la presse, celle des cultes religieux la surveillance sur les abus qui peuvent se former, et sur la conduite des gens qui ont la confiance du souverain dans les grands emplois, et enfin sur la destruction de l’esclavage, sont des moyens énergiques et nécessaires pour régénérer les nations, rendre les dynasties plus durables, et faire disparaître les préjugés barbares qui avilissent l’espèce humaine. Les souverains qui rendent leurs peuples esclaves, ou qui les laissent plongés dans l’ignorance, n’entendent pas leurs vrais intérêts. Mais ceux qui règnent sur des peuples libres et éclairés, sont des princes dignes d’estime et de vénération. Ils peuvent, par leur conduite, aspirer légitimement au nomme GRAND. Puissent ces vérités être enseignées par tous les instituteurs des souverains de l’Europe et du monde entier!          Si l’on parvient bientôt à détruire l’esclavage, ce ne sera pas la première fois que ce bienfait aura répandu ses effets salutaires sur le genre humain. L’esclavage est presqu’aussi ancien que le monde, puisqu’il a pris naissance dans les sociétés primitives qui, ne voulant pas tuer leurs prisonniers de guerre, se contentaient de les faire esclaves. Mais cet usage n’a dû se soutenir que dans les siècles qui ont précédé le règne de la dynastie Atlantique, dont il a été parlé dans la 4.º section. Cette dynastie institutrice, en rendant notre espèce domiciliée, n’a pas manqué d’abolir l’esclavage dans toutes les contrées soumises à sa puissance. Aussi plusieurs princes de cette dynastie furent surnommés liber, et leurs épouses libera. Dans la suite, lorsque ces temps fortunés furent passés, et que les prêtres Payens eurent commencé à faire parler les Dieux et à se dire leurs interprètes, l’orgueil, l’ambition, le despotisme, et la stupide ignorance rétablirent l’esclavage. Mais pour conserver la mémoire de l’âge heureux où il était aboli, ces prêtres instituèrent des fêtes annuelles, où il cessait pendant quelques jours. Telles furent les Pellories, les Saturnales, les Bacchanales, et autres, pendant lesquelles la liberté générale reparaissait, Les Juifs eurent même des années jubilaires qui affranchissaient pour toujours les esclaves. Malheureusement le jubilé des Chrétiens n’opéra pas un si bon effet, puisque chez nous, en vendant une femme esclave, nous vendons toute sa postérité pour un nombre de siècles illimité. Cet ainsi que des maîtres inhumains vendent toutes les générations futures de ces infortunées, qui sont arrachées à la nature avant leur existence.

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